"Le Juge tranche, le Médiateur dénoue"
Interview par Maître François MORABITO
1) "La médiation, tu en pensais quoi à l’origine ?"
Si je n’avais pas d’apriori négatif sur la médiation, je m’interrogeais sur ses limites et la manière de l’appréhender dans le cadre du contentieux que j’exerce, le droit de l’immobilier et de la construction.
Si j’avais eu l’occasion de participer à une médiation dans la cadre d’un dossier impliquant l’effondrement d’un faux-plafond dans une bijouterie et qui s’était effectivement résolu par la signature d’un protocole transactionnel, je restais perplexe face au rôle des parties (et notamment des compagnies d’assurance dans un processus de médiation).
2) "Quelle(s) raison(s) t’a (ont) incité à te former à la médiation ?"
Avocat à dominante contentieuse, j’avais néanmoins le sentiment que la médiation – qu’elle soit juridictionnelle ou conventionnelle – constituait une voie de l’avenir, dans le cadre grandissant des modes alternatifs de résolution des différends.
Il fallait donc prendre le train en marche !
Notre profession a beaucoup évolué depuis ces dernières années, confrontée à la concurrence, aux nouvelles technologies dont l’intelligence artificielle, aux réformes successives… Il faut donc savoir s’adapter et continuer à apprendre pour rester performant et attractif vis-à-vis de la société et de nos clients.
3) "Que t’a apporté cette formation ? Ton approche dans les dossiers a-t-elle évolué ?"
Cette formation, aussi théorique que pratique de 48 heures, m’a beaucoup apporté !
Nous étions douze Confrères (dynamiques et sympathiques !) et avons joué tour à tour, les rôles de médiateur, médiés et avocats accompagnants. Ces échanges ont été particulièrement enrichissants, chacun se prêtant avec malice au jeu de la médiation.
Cette formation à la pratique de la médiation m’a également permise de mieux cerner le rôle d’avocat accompagnant, qui est très différent du positionnement plus classique de l’avocat saisi de la défense des intérêts de son client.
Le rôle des avocats aux côtés de leurs médiés est de rechercher dans une émulation commune, une solution à leur conflit. Ils seront les architectes de cette solution et c’est en cela que la médiation est intéressante puisqu’elle constitue un processus créatif, susceptible de répondre à l’ensemble des besoins et intérêts des médiés (ce que ne pourront offrir, ou difficilement, une décision de justice ou une négociation plus traditionnelle).
Cette phrase de Nelson Mandela pourrait ainsi résumer ce que j’ai appris de la médiation : « Pour faire la paix avec un ennemi, on doit travailler avec cet ennemi, et cet ennemi devient votre associé ».
Mon approche personnelle dans les dossiers a forcément évolué depuis cette formation et plus précisément : comment devenir l’intermédiaire entre deux parties, par exemple entre un maître d’ouvrage et un entrepreneur qui n’arrivent plus à communiquer. J’essaie de leur faire concevoir le ressenti de l’autre car au-delà de tout litige, se cache un conflit constitué de craintes, d’émotions, d’intérêts, de malentendus et de frustrations.
Je tente alors de rétablir un dialogue et d’éviter que les oppositions ne se cristallisent, ce qui constitue, avant toute procédure judiciaire, le premier intérêt de mon client.
4) "Envisages-tu de parfaire ta formation pour devenir « avocat médiateur » ?"
J’ai sincèrement beaucoup apprécié le rôle de médiateur constitué d’écoute, de neutralité et de bienveillance, et j’espère pouvoir parfaire très prochainement ma formation à la pratique de la médiation afin de devenir pleinement « avocat médiateur ».
L'interview croisée à retrouver par ici :
https://www.barreau-marseille.avocat.fr/Flip/2020/n1/46/