Application du statut d’agent commercial malgré l'impossibilité de modifier les contrats

Publié le 23/10/2021 Vu 2 442 fois 0
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La chambre commerciale de la Cour de cassation vient confirmer son revirement de jurisprudence intervenu en décembre 2020 et abandonne sa conception restrictive du champ d’application du statut de l’agent commercial.

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Application du statut d’agent commercial  malgré l'impossibilité de modifier les contrats

On le sait, l’article L. 134-1 du code de commerce définit l’agent commercial comme « un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. »

Malgré l’existence de cette définition légale, la qualification d’agent commercial demeure source de débats et, par suite, de contentieux devant les juridictions.

La raison est simple : l’application du statut de l’agence commerciale est susceptible de générer au profit du mandataire un droit au paiement d’une indemnité de fin de contrat, dont le montant s’avère bien souvent substantiel : a minima deux ans de commissions brutes en l’état de la jurisprudence.

La question de l’application du régime prévus aux articles L.134-1 et suivants du code de commerce revêt donc une importance cardinale comme le montre cette décision rendue le 12 mai 2021 par la chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 12 mai 2021, n° 19-17.042, publié au bulletin).

Dans les faits, une société spécialisée dans le commerce international de vins décide en 2001 de solliciter les services d’une société distributrice afin de commercialiser ses vins en Russie.

Aucun contrat écrit ne fut formalisé.

La relation contractuelle a perduré jusqu’au 9 octobre 2015, date à laquelle le donneur d’ordre a décidé de mettre fin unilatéralement au mandat donné à son distributeur en Russie.

Le mandant a pris cette décision en raison de difficultés prétendument rencontrées avec un client russe prospecté par son mandataire.

La société distributrice a naturellement peu goûté cette rupture unilatérale : pas moins de 90 % du chiffre d’affaires était alors réalisé par son entremise.

Dans ce contexte, celle-ci a décidé d’assigner le fournisseur de vins en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et d’une indemnité de fin de contrat, en application des dispositions applicables au statut des agents commerciaux, via un avocat spécialiste du droit des agents commerciaux.

En réplique, le mandant a argué du fait que la société distributrice n’était pas chargée de négocier les contrats avec la clientèle en Russie, faute de pouvoir modifier les conditions contractuelles fixées par le fournisseur. Elle en déduisait ainsi que le contrat conclu avec son distributeur n’entrait pas dans la définition prévue à l’article L.134-1 du code de commerce.

La Cour d’appel d’Angers a suivi ce raisonnement en relevant notamment que le fournisseur avait gardé la totale maîtrise et le contrôle de la détermination des conditions de vente, en particulier des conditions tarifaires.

Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel d’Angers en rappelant l’interprétation faite par la Cour de Justice de l‘Union Européenne (CJUE) de la directive UE n° 86/653 du 18 décembre 1986 relative aux agents commerciaux indépendants.

La CJUE s’était en effet prononcée sur la question des marges de manœuvres de l’agent commercial dans un arrêt du 4 juin 2020 (CJUE, 4 juin 2020, n° C-828/18) en jugeant que les tâches principales d'un agent commercial consistent à apporter de nouveaux clients au commettant et à développer les opérations avec les clients existants.

Le juge européen ajoutait également que l'accomplissement de ces tâches peut être assuré par l'agent commercial au moyen d'actions d'information et de conseil ainsi que de discussions, qui sont de nature à favoriser la conclusion de l'opération de vente des marchandises pour le compte du commettant, même si l'agent commercial ne dispose pas de la faculté de modifier les prix desdites marchandises.

Ainsi, l’absence de pouvoir de l’agent commercial quant à la modulation des prix n’empêchent pas, aux yeux de la justice européenne, de faire appliquer le statut de l’agent commercial.

Tirant les conséquences de cette interprétation de la CJUE, la Chambre commerciale de la Cour de cassation précise ainsi, dans l’arrêt commenté, que l’impossibilité de modifier les conditions des contrats ne fait pas échec à l’application des articles L. 134-1 et suivants du code de commerce.

Il s’agit là d’une confirmation d’un précédent revirement opéré en décembre 2020 (Cass. com., 2 décembre 2020, n° 18-20.231, publié au bulletin), faisant suite à la décision de la CJUE.

Mieux, l’arrêt commenté vient préciser que l’absence de pouvoir de modification de l’ensemble des conditions n’empêche pas l’application du statut, alors même que le précédent arrêt du 2 décembre dernier ne concernait que l’aspect tarifaire.

On assiste donc, suite à la décision commentée, à une véritable extension du champ d’application de l’agence commerciale.

Il convient de rappeler à ce titre que la jurisprudence de la Cour de cassation était plus restrictive dans le passé : la chambre commerciale faisait du pouvoir de modification l’un des critères majeurs permettant de déterminer si le mandataire pouvait « négocier » au sens de l’article L. 134-1 du code de commerce (Cass. com., 15 janvier 2008, n° 06-14.698, Bull. civ. IV n° 4 ; Cass. com., 27 octobre 2009, n° 08-16.623 ; Cass. com., 27 avril 2011, n° 10-14.851 ; Cass. com., 9 décembre 2014, n° 13-22.476 ; Cass. com., 14 juin 2005, n° 03-14.401 ; Cass. com., 19 juin 2019, no 18-11.727).


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