Dans un jugement de départage du 1er juin 2012, le conseil des prud’hommes de Boulogne-Billancourt a estimé que TF1 n’avait pas rapporté la preuve du caractère central de l’Hadopi dans sa stratégie d’entreprise et de son incompatibilité avec l’opinion de son ex-responsable Pôle Innovation web sur cette loi, transmise par email à sa députée. Il en conclut que ses motifs de licenciement n’ont pas de caractère réel et sérieux.
Le 19 février 2009, ce cadre de TF1, qui avait pour mission de contribuer à la veille sur les nouveaux services et technologies du web, avait envoyé à Françoise de Panafieu, à l’époque députée de sa circonscription, depuis sa messagerie personnelle, un email lui expliquant son opposition au projet de loi « création et internet » et lui demandant d’intervenir pour le modifier. Tout en se disant partisan de la lutte contre la contrefaçon, il avait émis des doutes sur l’efficacité du dispositif mis en place par l’Hadopi.
Bien que le courriel ne soit pas professionnel, les services de la députée l’avaient transféré au cabinet du ministre de la Culture qui l’avait à son tour communiqué à TF1 avec ce commentaire : « Vous avez des salariés qui manifestement aiment tirer contre leur camp ». La réaction de TF1 a été immédiate : convocation pour un entretien préalable qui sera suivi d’un licenciement pour motif réel et sérieux. La direction lui reproche sa forte opposition à la stratégie de l’entreprise dont elle rappelle que l’adoption de cette loi constitue un enjeu majeur. Or, les juges estiment que TF1 ne démontre pas en quoi les critiques formulées par son salarié sont incompatibles avec ses fonctions qui consistent à assurer une veille technologique et à formuler des recommandations sur l’impact potentiel de l’évolution des nouveaux usages sur les activités du groupe et les opportunités de développement. Elle ne rapporte pas davantage la preuve que l’Hadopi constituait un élément central de sa stratégie.
En revanche, le conseil des prud’hommes ne retient pas l’argument de la discrimination politique. Selon les juges consulaires, les critiques formulées à l’égard de ce texte ne permettent pas de déterminer les idées politiques du salarié car elles sont essentiellement d’ordre technique ou juridique. Ils n’ont pas davantage retenu l’atteinte au secret des correspondances. Certes, l’email était d’ordre personnel. Mais on ne peut pas reprocher à l’employeur d’avoir violé la vie privée du salarié, d’autant qu’il n’était pas intervenu pour obtenir ce courriel, remis spontanément par un tiers qui l’avait obtenu du destinataire initial. Dans ce cas, il aurait fallu se retourner contre les services de la députée sortante.