- Pour les exercices ouverts à compter de 2017, un taux de 28 % va s’appliquer aux PME pour leur résultat inférieur à 75 000 euros de bénéfices (le taux de 15 % reste applicable dans la limite de 38 120 euros de bénéfices) ;
- Pour les exercices ouverts à compter de 2018, le taux de 28 % s’appliquera pour l’ensemble des sociétés dans la limite de 500 000 euros de bénéfices (le taux de 33,33 % continuera à s’appliquer à la portion de bénéfices excédentaire) ;
- Pour les exercices ouverts à compter de 2019, les sociétés réalisant moins de 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires seront imposées au taux de 28 % sur l’intégralité de leur bénéfice imposable ; les sociétés dont le chiffre d’affaires est supérieur à ce seuil continueront à bénéficier du taux de 28 % dans la limite de 500 000 euros de bénéfices (le taux de 33,33 % continuera à s’appliquer à la portion de bénéfices excédentaire) ;
- Pour les exercices ouverts à compter de 2020, le taux de 28 % deviendra le taux normal de l’IS.
Cependant, la diminution du taux d’imposition ne s’applique qu’aux sociétés ayant ouvert leur exercice à partir du 1er janvier de chaque année et cela retarde l’application des réductions de taux d’imposition aux autres sociétés qui clôturent leur exercice plus tard au cours de l’année civile.
Par exemple, si une société clôture son exercice au 30 septembre 2017, et ouvre son exercice au 1 er octobre 2017, elle devra déclarer son résultat fiscal à compter du 30 décembre 2017 et devra payer le solde d’IS avant le 15 janvier 2018. Le montant de son impôt sur les sociétés sera donc calculé sans tenir compte de l’abaissement du taux d’IS à 28%.
A l’inverse, une société qui a ouvert son exercice au 1er janvier 2017 et qui clôture au 31 décembre 2017 pourra bénéficier du taux réduit d’IS à proportion de son résultat inférieur à 75 000 euros dès le mois d’avril 2018 (date du paiement du solde d’IS). Il en résulte que la société ayant clôturé au 31 décembre 2017 aura bénéficié dès 2018 d’un taux d’imposition bien inférieur à la société qui clôture en cours d’exercice (ex : le 30 septembre 2017) et qui devra attendre le 15 janvier 2019 (date limite de paiement du solde d’IS) pour pouvoir constater la diminution du taux d’imposition.
De plus, en raison de l’entrée en vigueur du taux réduit à 28 % d’IS, les sociétés dont l’exercice fiscal démarre au 1er janvier 2017 ont pu bénéficier de la baisse d’impôt dès leur premier acompte trimestriel fixé au 15 mars 2017 conformément à ce qu’a prévu l’administration fiscale (BOI-IS-DECLA-20-10 n° 110). Ceci ne sera pas le cas des autres sociétés dont l’exercice fiscal est ouvert plus tardivement dans l’année (ex : en cas d’ouverture de l’exercice fiscal au 1er octobre 2017, la baisse d’impôt ne sera observée qu’à compter du versement du premier acompte intervenant le 15 décembre 2018).
L’absence de régime transitoire permettant aux entreprises qui ouvrent leur exercice de façon différée d’appliquer immédiatement le taux réduit de 28 % sur la part de leur résultat réalisée après le 1er janvier 2017 semble constituer une violation du principe d’égalité devant l’impôt qui découle de l’article 13 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 (égalité devant la contribution aux charges publiques).
Dans l’hypothèse où une question prioritaire de constitutionnalité serait transmise au Conseil constitutionnel, il n’est toutefois pas certain que les sociétés concernées obtiendraient gain de cause. En effet, le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit (Décision n° 96-380 DC du 23 juillet 1996 Loi relative à l’entreprise nationale France Télécom).
De plus, le Conseil constitutionnel a considéré dans une décision récente que : « la différence de traitement qui résulte de la succession de deux régimes juridiques dans le temps n’est pas, en elle-même, contraire au principe d’égalité. » (Cons. const. 9 août 2012 n° 2012-654 DC, loi de finances rectificative pour 2012 ).
Dans cette décision visant l’abrogation de l’exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, il ajoute : « la différence de traitement entre salariés opérée par l’article 3 de la loi déférée pour l’exonération de cotisations sociales, selon que la période de décompte de leur temps de travail correspond ou non au mois calendaire, trouve sa justification dans la différence de situations existant entre ces salariés. »
Ainsi, le Conseil constitutionnel pourrait considérer que la différence de traitement qui résulte de la succession de deux régimes juridiques dans le temps n’est pas contraire au principe d’égalité dès lors que les différentes dates d’ouverture de l’exercice comptable constituent des différences de situations justifiant une différence de traitement.
Il n’en demeure pas moins que l’économie d’impôt qui peut être réalisée par une société qui ouvre son exercice comptable au 1er janvier 2017 par rapport à une société qui ouvre son exercice comptable au 1er octobre 2017 engendre tout de même un écart important en terme de trésorerie.
En effet, la société qui bénéficiera en 2017 du taux de 28 % d’imposition entre 75 000 euros et 38 120 euros de résultat bénéficiera d’une économie d’impôt de 1 966 euros par rapport à celle qui sera encore imposée au taux de 33,33 % sur son résultat supérieur à 38 120 euros.
A partir de 2018, l’écart de trésorerie sera encore plus important puisque les sociétés ouvrant leur exercice au premier janvier bénéficieront du taux d’imposition à 28% sur le résultat compris entre 38 120 euros et 500 000 euros tandis que les autres sociétés commenceront à peine à profiter du taux réduit de 28 % pour le résultat situé entre 38 120 euros et 75 000 euros. L’écart d’imposition sera ainsi de 22 653 euros.
On sait combien les besoins en trésorerie des entreprises sont importants et il semble qu’un tel écart d’imposition engendrera nécessairement un avantage concurrentiel au profit des sociétés ouvrant leur exercice comptable au 1er janvier en leur permettant d’investir plus rapidement les bénéfices non taxés et ainsi de gagner des parts de marché.
Si on conçoit que l’objectif de la baisse du taux d’impôt sur les sociétés est de relancer l’investissement et d’accroître l’attractivité de la France pour les investisseurs étrangers, cet objectif est difficilement conciliable avec une différence de traitement qui objectivement ne met pas toutes les sociétés sur un même pied d’égalité. C’est pourquoi, une question prioritaire de constitutionnalité est susceptible d’engendrer un revirement de la jurisprudence du Conseil constitutionnel étant donné l’enjeu majeur pour les sociétés qui clôturent leur exercice en cours d’année.
En tout état de cause, il est conseillé aux entreprises d’être prudentes, et de payer leur acompte conformément à ce qu’a prévu la loi. Il est rappelé en effet qu’une majoration de 5 % est encourue en cas de paiement inférieur au montant dû (article 1731 du CGI). Elles peuvent éventuellement déposer une réclamation contentieuse pour obtenir un remboursement de la différence d’impôt payé au titre de l’année 2017 puis des années qui suivent. Cela leur permettra le moment venu de contester le montant de l’imposition devant le tribunal administratif en exigeant une ventilation du taux d’imposition pour les bénéfices réalisés au cours des mois qui n’ont pas pu bénéficier de l’imposition réduite à 28 %.
Les sociétés concernées pourront toujours décider de rallonger leur exercice comptable afin de le clôturer au 31 décembre 2017. En effet, dans cette hypothèse, l’ouverture de l’exercice comptable au 1er janvier 2018 sera possible, et ainsi les sociétés concernées pourront bénéficier du taux réduit d’imposition à 28 % dans la limite de 500 000 euros de bénéfices dès l’acompte du 15 mars 2018.
Il est précisé que la décision de changement de date de clôture d’un exercice doit être prise dans les formes requises pour la modification des statuts. Le plus souvent, la modification de la date de fin d’exercice doit être constatée par la tenue d’une assemblée générale extraordinaire qui devra avoir lieu avant la fin de l’exercice en cours et la tenue de l’assemblée générale annuelle.