Devant l’ambiguïté des textes, la posture des banques demeure incertaine.
La jurisprudence encore « frileuse » exige des établissements financiers la détection des « anomalies apparentes ».
La presse relève un nombre toujours croissant de personnes âgées abusées sans que les banques ne réagissent.
La passivité de certains établissements fait qu’ils profitent de la situation pour appliquer des agios et pénalités sur les comptes débiteurs de leurs clients spoliés (1).
Or, dans le cas de clients âgés (parfois géographiquement éloignés de leurs enfants), le banquier constitue le dernier rempart pour faire barrage à la spoliation de son client.
En pratique, de nombreux abus de faiblesse sont révélés par les établissements financiers car protéger une clientèle vulnérable, relève du devoir de citoyen.
Pourtant sous couvert du secret bancaire, certaines banques s’abstiennent de toute diligence et permettent ainsi à des tiers de s’emparer frauduleusement du patrimoine de leurs clients.
Cette carence fautive implique la nécessité pour la Justice de sanctionner le banquier en le condamnant à réparer le préjudice financier sur le fondement de sa responsabilité civile.
En effet, il est admis de longue date que le principe de non-ingérence derrière lequel se retranchent les établissements financiers n’est pas absolu.
a. Responsabilité du banquier prêtant son concours aux opérations dont l’illicéité ressort d’anomalies apparentes
Les juges exigent des établissements financiers qu’ils soient à même de détecter « toute anomalie apparente », c’est-à-dire toute illicéité qui ne pourrait pas échapper à un banquier normalement diligent.
Sont qualifiées d’anomalies apparentes les opérations présentant un montant très élevé par rapport aux revenus habituels du titulaire du compte, un nombre importants de chèques, d’achats par carte bancaire ou de retraits d’espèces inhabituels.
En présence d’une telle anomalie et/ou d’une illicéité, le banquier devra alors rechercher si elle n’est qu’apparente ou bien si elle est réelle et, dans ce dernier cas, il sera tenu de tout mettre en œuvre pour que le préjudice ne se réalise pas, au besoin en refusant d’exécuter l’opération ou à tout le moins, il peut avertir le procureur de la République du danger encouru par un client manifestement hors d’état de se protéger.
b. Comment les banques peuvent-elles agir pour protéger leur clientèle vulnérable ?
Pour faire face au risque de spoliation certaines banques ont instauré en leur siège un comité « Clients dits sensibles » ou un Pôle « Dossiers vigilance ».
Cette démarche s’accompagne de la mise en place d’une cartographie des risques ainsi qu’un protocole visant à protéger sa clientèle âgée.
Pour imposer aux établissements financiers cette vigilance accrue vis-à-vis d’une clientèle vulnérable, l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (APCR) a répertorié les opérations considérées comme anomalies apparentes, à savoir :
• L’accumulation d'opérations de retraits d'espèces atypiques au regard des revenus et du fonctionnement du compte du client, en raison de leur montant en valeur absolue,
• Les motifs avancés à leur sujet, de manière parfois contradictoire, leur caractère prétendument très urgent, les déplafonnements de retraits par carte sollicités et le comportement en agence du client et son déplacement dans une autre agence…
c. Quels sont les moyens du banquier pour protéger sa clientèle victime d’abus de faiblesse ?
La responsabilité du banquier est engagée pour absence de vérification du caractère anormal ou inhabituel des dépenses (2).
En présence de telles anomalies, le banquier doit alors déclencher la mise en œuvre d’une procédure interne visant à protéger les intérêts du client dont la vulnérabilité est avérée.
La banque a l’obligation de refuser de prêter son concours aux opérations non autorisées et/ou à une utilisation frauduleuse des moyens de paiement.
Enfin le signalement au Parquet civil permet au procureur de la République de recueillir les informations utiles sur la situation personnelle et patrimoniale de la personne concernée et le cas échéant, de déclencher une procédure d’ouverture de mesure de sauvegarde de justice auprès du Juge des contentieux de la protection (Juge des tutelles).
Le but étant rappelons-le d’éviter la perte des économies d’une vie des clients âgés hors d’état de se protéger.
Claudia CANINI – Droit des majeurs protégés
www.canini-avocat.com
(1) Titre des Echos du 30.05.2023 : « Le casse-tête de la prise en charge des clients âgés »
(2) Cass. com., 1er juill. 2003 n° X 00-18.650