I- RAPPEL DES FAITS ET PROCÉDURE :
Mme Virginie X a été embauchée par la SAS SN par contrat à durée indéterminée à compter du 5 janvier 2005 en qualité de déléguée médico- commerciale, statut cadre, groupe 6, niveau A, de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique.
Au cours de la relation de travail, les parties ont conclu plusieurs avenants aux fins de modifier le secteur ou le temps de travail de la salariée.
Le 11 septembre 2018, après une tentative de suicide, Mme X a été placée en arrêt de travail pour maladie.
Le 23 avril 2019, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes du Mans pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat aux torts exclusifs de son employeur arguant notamment d’un manquement de ce dernier à son obligation de sécurité de résultat et d’un non respect des dispositions légales sur le temps de travail. Elle sollicitait en conséquence la condamnation de la société à lui verser des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité conventionnelle de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis outre des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, des dommages et intérêts pour rupture d’égalité, une indemnité d’occupation, des dommages-intérêts pour exécution déloyale de la convention de forfait en jours, un rappel de salaire sur heures supplémentaires, une indemnité pour travail dissimulé.
La société SN s’opposait aux prétentions de Mme X dont elle sollicitait le débouté outre sa condamnation à lui verser une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 24 janvier 2020, le conseil de prud’hommes du Mans a:
- dit que la société SN a contrevenu à l’article L.1222-3 du code du travail en n’informant pas Mme Virginie X expressément et préalablement à leur mise en œuvre, des méthodes et techniques d'évaluation professionnelle à son égard ;
- dit que la société SN a contrevenu à l’article L.3121-65 du code du travail et l’article 4.9 défini dans l’accord collectif d’entreprise relatif à la durée du travail au sein de la société SN du 13 décembre 2016 ;
- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail liant la société SN à Mme Virginie X ;
- dit que la rupture du contrat de travail prend la forme d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en conséquence a condamné la société SN à verser à Mme Virginie X les sommes suivantes :
* 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 16 491,88 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;
* 9642,99 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 964,29 euros au titre des congés payés y afférents ;
- dit que la société SN a failli à son obligation contractuelle à l'égard de Mme Virginie X sur l’occupation de son domicile pour stockage de matériel et en conséquence a condamné la société SN à lui verser la somme de 3276 euros à titre d'indemnité d'occupation ;
- rappelé que les sommes accordées porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation (26 avril 2019) pour les créances salariales, et à compter du prononcé du jugement pour les créances indemnitaires ;
- ordonné à la société SN de délivrer à Mme Virginie X une attestation Pôle emploi, un certificat de travail, un bulletin de salaire et un relevé mensuel des cotisations versées aux organismes sociaux pendant la période de mise à disposition, conformes au jugement, et a dit n’y avoir lieu à prononcer d’astreinte ;
- condamné la société SN à verser Mme Virginie X une indemnité de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- débouté la société SN de sa demande au visa de l’article 700 du code de procédure civile ;
- débouté Mme Virginie X du surplus de ses demandes ;
- condamné la société SN aux entiers dépens, inclus les frais d’huissier avancés par Mme Virginie X.
II – ARRET DE LA COUR D’APPEL DE RENNES
1. Sur la convention de forfait en jours et les heures supplémentaires :
Mme X présente une demande de rappel de salaire pour la période du 25 avril 2016 au 31 décembre 2018.
a. * sur l’opposabilité de la convention de forfait
En droit
L’article L. 3121-43 du code du travail dans sa version en vigueur jusqu’au 10 août 2016, puis l’article L. 3121-58 après cette date, prévoient que la durée de travail des cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés peut être fixée par des conventions individuelles de forfait en jours sur l’année dans la limite de la durée annuelle de travail fixée par l’accord collectif prévu à l’article L.3121-39, puis à compter du 10 août 2016, dans la limite du nombre de jours fixé en application du 3° du I de l’article L. 3121 – 64.
En application de l’article L. 3121-39, la conclusion de ces conventions individuelles de forfait n’est possible qu’à la condition d’être prévue par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche, cet accord collectif devant déterminer les catégories de cadres concernés ainsi que la durée annuelle de travail à partir de laquelle le forfait est établi et fixer les caractéristiques principales de ces conventions.
L’article L. 3121-64 du code du travail dans sa version en vigueur du 10 août 2016 au 22 décembre 2017 dispose que :
“I.-L'accord prévoyant la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours sur l'année détermine :
1° Les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, dans le respect des articles L. 3121-56 et L. 3121-58 ;
2° La période de référence du forfait, qui peut être l'année civile ou toute autre période de douze mois consécutifs ;
3° Le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait, dans la limite de deux cent dix-huit jours s'agissant du forfait en jours ;
4° Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période ;
5° Les caractéristiques principales des conventions individuelles, qui doivent notamment fixer le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait.
II.-L'accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine :
1° Les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;
2° Les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise ;
3° Les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion prévu au 7° de l'article L. 2242-8.
L'accord peut fixer le nombre maximal de jours travaillés dans l'année lorsque le salarié renonce à une partie de ses jours de repos en application de l'article L. 3121-59. Ce nombre de jours doit être compatible avec les dispositions du titre III du présent livre relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés chômés dans l'entreprise et avec celles du titre IV relatives aux congés payés.”
La version actuellement en vigueur de cet article n’a procédé qu’à une modification mineure en faisant désormais référence à l’article L. 2242-17 et non plus à celui L. 2242-8 sur le droit à la déconnexion.
L’article L. 3121-65 du code du travail dans sa version en vigueur du 10 août 2016 au 22 décembre 2017 prévoit que :
“I.-A défaut de stipulations conventionnelles prévues aux 1° et 2° du II de l'article L. 3121-64, une convention individuelle de forfait en jours peut être valablement conclue sous réserve du respect des dispositions suivantes :
1° L'employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ;
2° L'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;
3° L'employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
II.-A défaut de stipulations conventionnelles prévues au 3° du II de l'article L. 3121-64, les modalités d'exercice par le salarié de son droit à la déconnexion sont définies par l'employeur et communiquées par tout moyen aux salariés concernés. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, ces modalités sont conformes à la charte mentionnée au 7° de l'article L. 2242-8.”
La version actuellement en vigueur de cet article n’a procédé qu’à une modification mineure en faisant désormais référence à l’article L. 2242-17 et non plus à celui L. 2242-8 sur le droit à la déconnexion.
En l’espèce
En l’espèce, l’accord collectif d’entreprise d’aménagement du temps de travail du 3 janvier 2006 précise que les cadres bénéficiant d’un certain degré d’autonomie et de responsabilité ne sont pas soumis à l’horaire collectif, c’est à dire ceux “dont le temps de travail ne peut être précisément mesuré du fait qu’ils disposent d’une grande latitude et indépendance dans la gestion de leur temps de travail ou bien encore parce qu’ils accomplissent une part importante de leur activité à l’extérieur de la société”. L’accord prévoit la rédaction d’un avenant pour les contrats en cours et que la comptabilisation du temps de travail se fera en jours sur la base de 218 jours maximum travaillés par an sous le bénéfice de 12 jours de RTT maximum par an. Il exclut la possibilité d’heures supplémentaires.
De plus, la société Smith &Nephew a conclu le 13 décembre 2016 un nouvel accord collectif d’entreprise relatif à la durée du travail, lequel prévoit les modalités d’évaluation et de suivi de la charge du travail du salarié : un décompte des journées/demi-journées travaillées et non travaillées au moyen de l’outil GTA avec la création d’un compte individuel, un rappel des temps de repos quotidiens et hebdomadaires avec la nécessité pour le salarié de se déconnecter des outils de communication à distance, le rôle des managers qui doivent veiller à l’amplitude des journées travaillées et à la charge de travail des salariés, la convocation à un entretien annuel spécifique au cours duquel devront être évoqués la charge individuelle de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise et l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie privée et enfin la rémunération du salarié, avec la mise en place d’un système d’alerte spécifique du supérieur hiérarchique ou de toute personne des ressources humaines en cas de difficultés inhabituelles concernant la charge de travail.
L’avenant au contrat de travail de Mme X en date du 1er mars 2006 a tenu compte de l’accord collectif du 3 janvier 2006. Il prévoit ainsi qu’à compter du “1er janvier 2006, le temps de travail de la salariée sera décompté en jours travaillés sur la base de 218 jours maximum de travail effectif par an. La salariée, dans le cadre de la charge de travail définie avec sa hiérarchie, devra s’organiser pour remplir pleinement ses missions. Les modalités de suivi du temps de travail de la salariée seront indiquées par voie de note de service. En contrepartie, la salariée bénéficiera de 12 jours d’aménagement du temps du travail (ci-après les jours ATT) maximum par année civile. Les modalités d’acquisition, de perte et d’utilisation de ces jours ATT sont précisées dans l’Accord.”
L’employeur qui soutient que la salariée faisait régulièrement le point sur ses objectifs et sa charge de travail avec sa hiérarchie, ne produit aux débats aucun compte- rendu d’entretien pouvant en justifier, de sorte qu’il n’est pas en mesure de prouver l’existence de réelles discussions sur la charge de travail, l’organisation du travail dans l’entreprise et l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale.
En tout état de cause, l’employeur ne verse aux débats aucune note de service telle qu’indiquée dans le contrat de travail et devant déterminer les modalités de suivi du temps de travail de Mme X, avant la mise en application au 1er janvier 2017 de l’accord du 13 décembre 2016. Même après cette date, il n’est justifié d’aucun entretien spécifique annuel sur la charge de travail.
L’utilisation du logiciel GTA pour s’assurer du nombre de jours travaillés ne permet pas de satisfaire aux exigences des textes susvisés en ce qu’il n’apparaît aucun détail quant aux repos quotidiens, aux repos hebdomadaires et aux nombres de jours travaillés dans la semaine. Il n’est qu’un simple logiciel de gestion des congés payés.
En conséquence, la convention de forfait en jours doit être déclarée privée d’effet à l’égard de la salariée qui peut ainsi prétendre à l’application des règles du droit commun en matière de durée du travail.
b. * Sur les heures supplémentaires :
En droit
Il résulte de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires applicables. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles- ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l’espèce
En l’espèce, la salariée produit à l’appui de sa demande :
- des échanges de mails adressés à partir de 19 h et jusque vers 23 h, ou reçus durant les week-ends ou échangés durant ses arrêts de travail (sa pièce n°32) ;
- ses notes de frais pour 2016, 2017 et 2018 (sa pièce n°33) ;
- la copie de ses agendas électroniques 2016, 2017 et 2018 (ses pièces 29 à 31) ;
- un décompte très précis de ses horaires de travail pour chaque journée avec les amplitudes horaires pour les périodes suivantes : du 25 avril 2016 au 31 mars 2017, du 1er avril 2017 au 31 mars 2018 et du 1er avril 2018 au 31 décembre 2018 (sa pièce 35). Elle explique avoir distingué ces 3 périodes en raison des augmentations de salaire intervenues chaque année au mois d’avril.
Il doit être considéré que les éléments produits par la salariée sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre.
En réponse l’employeur, auquel il appartient de justifier des horaires effectivement réalisés par la salariée, considère que les envois ou la réception de mails tardifs ne suffit pas établir qu’il a demandé à sa salariée de travailler à ces heures, ni qu’il s’agit d’un travail effectif s’ils n’ont pas un caractère d’urgence. S’il cherche à en minimiser la portée, il ne conteste cependant pas ces envois tardifs ou effectués durant les week-ends ou encore durant ses arrêts de maladie. Le fait que ce soit des envois groupés ou que certains courriels ne comportent que quelques phrases ne modifie en rien qu’ils ont été adressés à des moments où la salariée n’était pas censée travailler. Pour autant, l’employeur souligne à juste titre qu’il n’a pas demandé à Mme X de travailler les week-ends et pendant ses arrêts maladie. Il justifie en effet d’un message électronique adressé par la directrice des ressources humaines le 3 octobre 2018 et demandant à la salariée de cesser toute activité professionnelle alors qu’elle est en arrêt maladie jusqu’au 15 octobre 2018. L’examen des agendas 2016, 2017 et 2018 apparaît plus pertinent. Ils font état chaque jour d’amplitudes horaires de travail importantes avec de nombreux rendez-vous étalés sur toute la journée.
Quoi qu’il en soit, la société SN se contente ensuite de relever qu’aucune réclamation ne lui a été faite au titre des heures supplémentaires accomplies, ce qui n’est pas un élément de nature à démontrer le temps de travail effectif de Mme X. Elle est dans l’incapacité de démontrer les horaires de travail effectifs de la salariée puisqu’elle lui a appliqué de manière injustifiée une convention de forfait en jours, de sorte qu’elle ne peut utilement combattre l’existence d’heures supplémentaires.
La cour dans son appréciation souveraine ne peut faire droit à sa demande en paiement d’heures supplémentaires qu’à hauteur de de 15 000 euros, outre 1500 euros au titre des congés payés afférents.
En revanche, Mme X ne démontre pas de préjudice qui ne serait pas réparé par le rappel de salaire que la cour lui alloue. Par conséquent, elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre. Le jugement est confirmé de ce chef.
c. * Sur la demande au titre du travail dissimulé :
En droit
La dissimulation d’emploi salarié prévue par le dernier alinéa de l’article L.8221-5 du code du travail n’est caractérisée que s’il est établi que, de manière intentionnelle, l’employeur s’est:
- soit soustrait à l’accomplissement de la formalité relative à la déclaration préalable à l’embauche,
- soit soustrait à la délivrance d’un bulletin de paie, ou d’avoir mentionné sur ce dernier un nombre d’heures inférieur à celui réellement effectué,
- soit soustrait aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales auprès des organismes de recouvrement.
En application des dispositions de l’article L.8223-1 du code du travail, le salarié a droit à une indemnité égale à 6 mois de salaire lorsqu’il a été mis fin au contrat de travail.
En l’espèce
En l’espèce, même si Mme X a effectué des heures supplémentaires lors de l’exécution du contrat de travail, ce seul fait ne saurait faire la preuve de l’intention de dissimuler le nombre d’heures de travail réalisées par cette dernière, étant simplement établi que la société a mal appliqué la convention de forfait en jours ce qui ne fait pas la démonstration de l’intention visée par les articles précités.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande sur ce point.
2. Sur les dommages et intérêts pour rupture dans l’égalité de traitement :
En droit
Il résulte du principe "à travail égal, salaire égal", dont s'inspirent les articles L.1242- 14, L.1242-15, L.2261-22.9, L.2271-1.8° et L.3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.
Sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L.3221-4 du code du travail, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.
En application de l'article 1315 du code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe "à travail égal, salaire égal" de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.
Le fait que le salarié qui prétend être victime d'une différence de traitement et le salarié de référence soient classés dans la même catégorie professionnelle prévue par la convention collective applicable à leur emploi n'est pas, à lui seul, suffisant pour conclure que les deux travailleurs concernés accomplissent un même travail ou un travail auquel est attribuée une valeur égale au sens des textes et principes précités ; cette circonstance ne constitue qu'un indice parmi d'autres.
En l’espèce
Au cas d'espèce, Mme X soutient que le salaire qui lui a été versé était inférieur à celui des salariés embauchés à partir de 2016 à un poste similaire de délégué médical ce qui caractérise selon elle une inégalité de traitement.
Elle verse ainsi aux débats :
- le procès-verbal du comité d’entreprise du 22 février 2016 à la lecture duquel il apparaît que les membres du comité d’entreprise ont attiré l’attention de la direction sur le fait que les salaires des plus anciens salariés n’étaient pas en adéquation par rapport aux salaires des nouveaux embauchés. Il était formellement demandé à la direction si une réévaluation de ses salaires était envisageable. Il est alors noté : « le message du président est clair : SN valorise le mérite et non l’ancienneté. Il rappelle que l’ancienneté est valorisée différemment notamment avec l’outil Going the Extra Mile, à partir de 5 ans d’ancienneté un crédit de 150 points est accordé, également suite aux négociations NAO, un second jour de congés est attribué. Le président indique selon lui que les revalorisations de salaire selon l’ancienneté se font très peu dans le secteur privé. »
- deux bulletins salaire de M. Julien Senecat qui a été embauché le 1er juin 2018 avec un salaire brut mensuel de 2800 euros. Par comparaison, elle verse aux débats des bulletins de salaire du 1er avril 2017 dans lequel est mentionné un appointement forfaitaire de 2634,69 euros brut mensuel. De même, elle verse aux débats le bulletin de salaire de Mme Nathalie Guirriec, technico-commerciale appartenant au même groupe de classification et au même niveau avec une ancienneté au 13 mars 2017 et un appointement forfaitaire de 3100 euros brut mensuel. De plus, M. Thiault embauché le 20 octobre 2016 en qualité de délégué médico commercial, statut cadre, groupe 6, niveau échelon B, soit à un niveau de classification identique à Mme X, bénéficiait à la lecture de ce contrat de travail d’une rémunération fixe mensuelle brute de 2700 euros.
La cour considère que Mme X apporte ainsi des éléments de fait suffisants pour établir une inégalité de traitement. Il appartient donc à l’employeur d’apporter des éléments objectifs pouvant justifier de cette situation.
En réponse, l’employeur prétend que chacun des 3 salariés nouvellement embauchés bénéficiaient d’une expérience significative dans le domaine médical, chacun d’une dizaine d’années. Il soutient ainsi que ces salariés n’étaient pas placés dans une situation comparable à celle de Mme X, sans d’ailleurs affirmer que ces salariés n’avaient pas des attributions parfaitement similaires. Pourtant prétendre que Mme X ne présentait pas une expérience professionnelle comparable est parfaitement faux. Elle a été embauchée au sein de la société en 2005 sur un poste de délégué médical ville, statut cadre groupe 6 niveau d’échelon A. En 2016, elle est au niveau d’échelon B sans que la cour puisse préciser depuis quelle date. En tout état de cause, elle est très exactement dans la même situation que les 3 salariés nouvellement embauchés. Pourtant, elle ne perçoit pas la même rémunération fixe. La société SN peut difficilement venir contester l’inégalité de traitement qu’elle a manifestement érigée en modalité de gestion des ressources humaines, selon la position clairement exprimée par son président lors du comité d’entreprise du 22 février 2016.
Par conséquent, il convient de considérer que la demande de dommages-intérêts présentée par Mme X pour rupture d’égalité de traitement est parfaitement fondée. Son préjudice doit être évalué à la somme de 6000 euros.
Le jugement sera en conséquence infirmé de ce chef.
3. Sur l’indemnité d’occupation :
Le salarié peut prétendre à une indemnité au titre de l'occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu'un local professionnel n'est pas mis effectivement à sa disposition. Les juges du fond apprécient souverainement le montant de cette indemnité en tenant compte de la surface réelle utilisée au domicile à des fins professionnelles, de la valeur locative résultant de l’avis d’imposition, de la taxe d’habitation et du temps d’occupation du domicile.
A l’appui de sa prétention, Mme X verse un procès-verbal de réunion du CSE du 18 décembre 2018 au cours de laquelle a été abordée “la gestion du matériel professionnel au domicile du salarié” suite aux remarques de salariés quant à l’absence de participation de l’entreprise. Il y est indiqué que la société étudiait la possibilité de location “d’un garage ? Local ? Possibilité de stockage sur Gennevilliers.”
Elle produit également des photographies d’étagères remplies de cartons, d’un bureau avec une imprimante et un ordinateur portable ainsi que de nombreux dossiers. Ces photographies sont accompagnées d’un constat d’huissier établi le 29 octobre 2019 et faisant état de ce qu’au premier étage du domicile de Mme X se trouve un bureau dédié à son activité professionnelle et au sous-sol des rayonnages de boîtes de matériels, documents, matériel de démonstration et éléments de stand.
Enfin elle verse des bons de réception de marchandises à son domicile le 19 septembre 2018.
Ainsi, il est démontré qu’une partie du logement de Mme X a été effectivement occupée à des fins professionnelles et que la société SN n’a pas mis à sa disposition de local professionnel dédié alors que contrairement à ce qui est soutenu par cette dernière le volume de matériel excluait qu’il soit stocké dans son véhicule.
Il sera dès lors fait droit à la demande de la salariée à hauteur de 6000 euros, en tenant compte du fait non contesté que la marchandise entreposée chez elle n’a été enlevée que le 17 mars 2020.
Le jugement est infirmé sur ce point.
4. Sur les dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité:
En droit
Aux termes de l’article L.4121-1 du code du travail :
“L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° des actions de préventions des risques professionnels et de la pénibilité au travail; 2° des actions d’information et de formation ;
3° la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
En l’espèce
A l’appui de sa demande en paiement de dommages et intérêts, Mme X invoque un rapport diagnostic des risques psychosociaux au travail dans la société SN commandé par le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail en 2013 et établi par la société SECAFI (sa pièce n°46). Elle produit également le compte-rendu de réunion du CHSCT du 3 juin 2015 (sa pièce n°77) faisant état de l’alerte donnée au médecin du travail sur les risques psychosociaux dans l’entreprise dans lequel il est précisé que la direction a rencontré le médecin du travail mais qu’il lui est difficile d’agir par manque d’information, ce à quoi “l’infirmière de la médecine du travail répond à cette difficulté en disant qu’ils ne peuvent pas donner de noms ni plus de précisions et que durant les entretiens, la moitié des salariés ont exprimé des difficultés soit à peu près 20 personnes sur 12 mois. Les employés se plaignent de la surcharge de travail et ont l’impression de ne pas être entendus, notamment avec EPO”. Il est toutefois encore indiqué à ce PV qu’il a été “décidé de créer un comité de pilotage pour comprendre et chercher les souffrances des salariés, et aussi de discuter de la charge de travail, de l’organisation et de la communication”. Ce mal être, notamment des commerciaux, a également fait l’objet de débats au sein du comité d’entreprise du 15 mars 2016 en raison d’une “pression négative” exercée par les directions régionales (sa pièce n°50). Elle se prévaut de même d’un compte-rendu du comité d’entreprise du 27 avril 2016 rapportant le résultat d’une enquête intitulée “great place to work” montrant une dégradation de l’indice de confiance des salariés dans l’entreprise (sa pièce n°51).
La salariée met également en avant le nombre important des départs de collaborateurs dans l’entreprise dans les mois ayant précédé ou succédé au sien, à tel point que la société a décidé d’une dotation pour litige avec le personnel licencié d’un million d’euros, ce qui est rapporté dans le procès-verbal du comité d’entreprise du 8 avril 2015.
Elle produit le compte-rendu de la réunion du comité d’entreprise du 18 octobre 2016 au cours duquel les membres ont rendu un avis défavorable sur les conditions de travail et de l’emploi au regard “du volume des départs, heures supplémentaires et heures récupérées, ainsi qu’au nombre d’emplois temporaires”.
Enfin elle vise les conclusions d’une enquête réalisée par la société Gallup en date du 16 septembre 2019 et qui soulignent l’absence d’engagement - entendu comme détaché de son travail et de son entreprise - des salariés France et Benelux de la société SN.
Mme X fait valoir à titre personnel qu’elle a été victime des méthodes managériales notamment mises en oeuvre par la nouvelle direction. Elle évoque tout particulièrement les convocations en “low performers” qu’elle présente comme des réunions destinées à humilier les salariés, ainsi que le comportement de son directeur régional. Elle fait alors un lien direct entre sa tentative de suicide et sa convocation prévue le 11 septembre 2018 à une réunion de performances, après avoir mal vécu une réunion du même type le 16 mai 2017.
Elle produit également aux débats les attestations de plusieurs de ses anciennes collègues de travail (Mme Y, Mme Z, Mme W) qui confirment que Mme X a bien été victime de propos dénigrants de la part de M. S, son directeur régional, ce dernier la traitant de « vieille peau » ou de « nulle, vieille et moche » devant l’ensemble des équipes.
Elle verse aussi un audit de sa situation réalisé le 12 septembre 2017 par un coachen accompagnement. Il y est ainsi expliqué que depuis 2013, Mme X est confrontée à une baisse de ses résultats, à la suite de différentes restructurations. Il est évoqué diverses causes à cette situation sans autre précision, tout en soulignant qu’elle a progressivement perdu confiance en elle et en son directeur régional, avecparallèlement une dégradation de son état de santé et un « début de dépression ». Il est ainsi noté des difficultés relationnelles avec le directeur régional, une réduction de son périmètre géographique d’intervention l’empêchant de réaliser ses objectifs et l’absence de contacts avec son supérieur hiérarchique qui la laisse démunie pour pouvoir reprendre confiance et montrer ses capacités professionnelles.
Mme X explique également qu’elle a mis plus de 2 ans pour récupérer un bond’achat de 200 euros en récompense d’un challenge qu’elle avait remporté en 2017, et ce après l’envoi d’un courrier de son avocate.
Elle justifie par ailleurs de la prescription d’un traitement antidépresseur et d’anxiolytiques à compter du mois de septembre 2018 et d’un message électronique d’explication de son geste adressé à Mme E, responsable des ressources humaines, le17 octobre 2018 dans lequel elle indique : « comme je te l’ai dit, récemment sortie d’une situation familiale difficile, j’étais en pleine reconstruction et repartie plus motivée que jamais dans mon travail mais la combinaison de l’absence de mon DR, nouvelle convocation en tant que low performer et la perspective de la réunion régionale durant laquelle je craignais d’être stigmatisée et étiquetée « mauvaise déléguée » m’ont fait perdre pied au point de ne pas être capable d’envisager d’assister à cette réunion et de recourir à un geste extrême
Contrairement aux allégations de l’employeur qui tend à présenter les différents rapports et comptes-rendus de réunion depuis 2013 comme faisant état de difficultés anciennes et ne concernant pas le secteur d’activité de Mme X, il est difficilement contestable qu’il existe au sein de la société SN des difficultés liées aux conditions de travail depuis au moins 2013.
Le diagnostic des risques psychosociaux au travail établi par le cabinet SECAFI en 2013 fait bien état de graves difficultés pour un grand nombre de salariés face à l’intensification du travail et un plus grand isolement. Il est noté le constat de « nombreux troubles en lien avec la souffrance et des tensions au travail : des évocations douloureuses du travail (larmes...), agressivité, irritabilité, isolement, repli de soi, insomnies, troubles du sommeil, troubles anxieux, troubles dépressifs, désengagement, résignation [...], turnover [...], doutes sur ses compétences, perte d’estime de soi, arrêt de travail [...], incidence sur la vie familiale. » Il est noté que les commerciaux ne sont pas épargnés par ses difficultés et doivent faire face, entre autres, à une « charge mentale en lien avec la pression commerciale ressentie », la prise en charge de secteurs géographiques importants, l’absence de prise en compte de leur temps de travail, la précision de leur mission et la gestion des ressources humaines défaillantes en raison de l’absence d’anticipation des remplacements et l’absence de perspectives d’évolution professionnelle ».
C’est précisément en 2013 que les difficultés professionnelles de Mme X ont débuté.
La société SN ne manque pas de contester la pertinence dans le débat du procès-verbal de la réunion du CHSCT du 3 juin 2015, force est néanmoins de constater qu’au titre des questions diverses, il est noté : « les membres du CHSCT s’interrogent sur les convocations à des entretiens individuels liés à la performance de certains commerciaux en juillet 2015. Les membres du CHSCT évoquent un entretien déséquilibré vécu comme un tribunal, avec des salariés qui n’étaient pas au courant des tenants et des aboutissants des entretiens. Les membres du CHSCT sont inquiets car ces entretiens ont favorisé le stress, les RPS et une force de vente déstabilisée. »
Ce sont précisément ces entretiens de performance qui sont critiqués par Mme X. Cette observation démontre que l’employeur n’a pas, comme il le prétend, répondu à l’intégralité des difficultés observées en 2013, et dont certaines perdurent manifestement en 2015. Les inquiétudes des salariés autour de la réalisation de ces entretiens individuels de performance est d’ailleurs confirmée à la lecture du procès- verbal de réunion ordinaire du comité d’entreprise du 15 juin 2015. Il en est également question lors de la réunion extraordinaire du CHSCT du 19 juillet 2016, la direction indiquant maintenir le dispositif en place.
Le procès-verbal de réunion du comité d’entreprise du 15 mars 2016 fait bien mention d’un «mal-être de certains vendeurs dû notamment à des charges administratives de plus en plus conséquentes ainsi que des communications et consignes des DR à contresens du business ».
La société SN conteste également une augmentation des départs des salariés en raison de conditions de travail dégradées. Pourtant, le comité d’entreprise du 18 octobre 2016 fait bien état d’une augmentation du nombre de licenciements non économiques et de démissions pour l’année 2016 par rapport aux années 2014 et 2015. Il est ainsi souligné : « les membres du comité d’entreprise préviennent la direction qu’ils demanderont les mêmes données à la fin de l’année afin d’établir un bilan car les données retiennent d’ores et déjà l’attention des membres élus ». Plus haut dans le procès-verbal, il est noté une augmentation significative du nombre d’heures supplémentaires rémunérées et récupérées laissant apparaître un sous-effectif dans certains services.
Il apparaît que le 15 mars 2016, la société a mis en place une cellule psychologique dans le cadre du projet de transfert du siège social, à destination de tous les salariés qu’ils soient ou non directement concernés par le projet.
A la lecture du procès-verbal de la réunion du CHSCT du 24 janvier 2019, il apparaît que les conditions de travail de la section Wound à laquelle Mme X appartient présente toujours des problématiques de sous-effectif et de “surchauffe” au quotidien des équipes. Il est ainsi mentionné : “la secrétaire alerte la direction sur le fait que certaines solutions à moyen, long terme se dessinent mais qu’à court terme rien n’est préconisé alors que les équipes sont en difficultés compte tenu des conditions de travail et dysfonctionnements qui perdurent”.
Enfin, le message électronique adressé par Mme E, “HR Business Partner”, à M. L, président de la société, le 16 octobre 2018 ne vient pas exclure les conditions de travail comme cause du passage à l’acte du 11 septembre précédent. Ce message électronique fait écho à celui précédemment évoqué du 17 octobre 2018 de Mme X. Mme E explique qu’elle a eu Mme X au téléphone laquelle “n’arrive pas à expliquer réellement les récents évènements”. Elle ajoute : “à titre personnel, elle a vécu un début d’année difficile puisqu’elle a dû faire face à de nombreux décès et maladie autour d’elle. Virginie m’a dit ne vouloir incriminer personne, et reconnaît que le travail n’est pas l’unique source de son mal-être. Elle regrette simplement l’accumulation de difficultés personnelles qui, mise en parallèle à ses résultats en baisse, ne lui a pas permis de vivre son deuil sereinement.”
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les conditions de travail de Mme X au sein de la société SN se sont dégradées comme en attestent les différentes alertes et demandes d’explications du comité d’entreprise et du CHSCT. Il est établi que depuis 2013 la société a mené plusieurs projets de restructuration qui ont impacté de manière négative les conditions de travail d’un grand nombre de salariés et qu’elle a concrètement eu beaucoup de difficultés à remédier aux dysfonctionnements qui ont perduré pendant des années et qui ont entraîné le départ de nombreux collaborateurs (près de 10 % en 2018) et des sous-effectifs dans certains services. Le management s’est également caractérisé par une pression accrue sur les commerciaux à travers ces entretiens de performance qui ont été maintenus par la direction pendant plusieurs années, sans aucun amendement, en dépit des nombreuses alertes du CHSCT. À cela s’ajoute la perception d’un manque de considération réelle pour certains salariés, ceux parmi les plus anciens de la société, à travers une politique d’inégalité de traitement parfaitement assumée par la direction. Il est établi que Mme X a été victime de ce management en étant convoquée à 2 reprises à ces entretiens de performance et en ne bénéficiant pas d’une égale rémunération par rapport à d’autres salariés placés exactement dans la même situation qu’elle. Comme en attestent d’autres salariés, elle est même victime de propos dénigrants devant l’ensemble de l’équipe par son directeur régional. Enfin, il existe un lien entre la tentative de suicide du 11 septembre 2018 et ses conditions de travail. Cet événement intervient alors que la salariée est fragilisée sur le plan personnel depuis le début de l’année 2018, mais également aussi parce qu’elle est fragilisée depuis plusieurs années sur le plan professionnel. Il n’est d’ailleurs pas anodin de relever que le passage à l’acte intervient à la date précise de certains événements professionnels qu’elle n’a pas eu la force d’affronter.
Par conséquent, il convient de considérer que l’employeur a bien manqué à l’obligation de sécurité à l’égard de Mme X.
Compte tenu du préjudice subi et des manquements relevés, il convient d’allouer à Mme X la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts. Le jugement sera infirmé de ce chef.
5. Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :
En droit
Les manquements de l'employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail. L'appréciation de la gravité du manquement relève du pouvoir souverain des juges du fond. Lorsque les manquements sont établis et d'une gravité suffisante, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La résiliation judiciaire peut cependant également produire les effets d'un licenciement nul si elle est fondée sur des faits de harcèlement moral.
Il appartient au salarié de rapporter la preuve des faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur à l’appui de sa demande de résiliation judiciaire.
La résiliation judiciaire ouvre droit à toutes les indemnités de rupture : l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité de licenciement, légale ou conventionnelle. Le calcul des indemnités de rupture doit être fait sur la base de la rémunération que le salarié aurait dû percevoir, et non sur celle de la rémunération qu'il a effectivement perçue du fait des manquements de l'employeur à ses obligations. La résiliation judiciaire ouvre droit à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, voire nul.
En l’espèce
En l’espèce, Mme X fonde sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail sur deux manquements de l’employeur : celui à l’obligation de sécurité et celui aux obligations en matière de paiement de salaire, notamment pendant la période de ses arrêts maladie et au titre des heures supplémentaires. Comme il a été indiqué précédemment et à l’exception de la rémunération pendant la période des arrêts maladie, ces manquements sont parfaitement établis ils sont d’une gravité suffisante pour justifier de la résiliation judiciaire du contrat de travail.
Le jugement est donc confirmé de ce chef, la résiliation du contrat de travail intervenant à la date du jugement du conseil de prud’hommes le 24 janvier 2020, Mme X faisant alors toujours partie des effectifs de la société.
Compte tenu du préjudice subi et des circonstances de la rupture de la relation de travail, il y a lieu de considérer que le conseil de prud’hommes a fait une juste appréciation du montant des dommages et intérêts à allouer à Mme X pour les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En revanche, il convient de valoriser l’indemnité conventionnelle de licenciement l’indemnité compensatrice de préavis, outre l’incidence de congés payés, dans la mesure où la cour a reconnu
suppl
Le jugement est infirmé de ces chefs.
III- LE JUGEMENT
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes du Mans le 24 janvier 2020 en ce qu’il a :
- alloué à Mme Virginie X la somme de 3276 euros à titre d’indemnité d’occupation ;
- fixé l’indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de16 491,88 euros et l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 9642,99 euros, outre 964,29 euros au titre des congés payés afférents ;
CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes du Mans du 24 janvier 2020 en ce qu’il a :
- débouté, au titre du surplus de ses demandes, Mme Virginie X de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale de la convention de forfait en jours, de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé, de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail;
- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail liant la société SN à Mme Virginie X ;
- dit que la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en conséquence a condamné la société SN à verser à Mme Virginie X la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- condamné la SAS SN aux dépens y compris les frais d’huissier et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant ;
DIT que la convention de forfait en jours est inopposable à Mme Virginie X ;
CONDAMNE la SAS SN à verser à Mme Virginie X la somme de 15 000 euros brut, outre les congés payés afférents pour 1500 euros brut à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour la période du 25 avril 2016 au 31 décembre 2018 ;
CONDAMNE la SAS SN à verser à Mme Virginie X la somme de 6000 euros à titre d’indemnité d’occupation ;
DIT que la SAS SN a manqué à son obligation de sécurité à l’égard de Mme Virginie X ;
CONDAMNE la SAS SN à payer à Mme Virginie X la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité
CONDAMNE la SAS SN à payer à Mme Virginie X les sommes suivantes, sous réserve de celles déjà versées à ce titre : 11 642,99 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés outre les congés payés afférents à hauteur de 1164,29 euros brut et à la somme de 19 491,88 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;
DIT que les condamnations à caractère salarial produiront intérêt au taux légal à compter de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation et les condamnations à caractère indemnitaire à compter de la présente décision ;
ORDONNE la remise par la SAS SN de l’attestation Pôle Emploi, du certificat de travail et d’un bulletin de paie conforme à la présente décision, sans astreinte
DÉBOUTE la SAS SN de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;
CONDAMNE la SAS SN à verser la somme de 2000 euros à Mme Virginie X sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SAS SN aux entiers dépens de la procédure d'appel.