Droits des pigistes, des précisions apportées par la Cour d'appel de Paris

Publié le Modifié le 28/01/2019 Vu 4 679 fois 0
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Quels sont les droits des journalistes pigistes en cas d'arrêt maladie, en cas d'occupation de leur domicile et en matière de santé au travail. Un arrêt de la Cour d'appel de Paris a apporté des précisions.

Quels sont les droits des journalistes pigistes en cas d'arrêt maladie, en cas d'occupation de leur domicile

Droits des pigistes, des précisions apportées par la Cour d'appel de Paris

Au gré des décisions des tribunaux, les droits des journalistes pigistes sont précisés. Un arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 23 juin 2016 a apporté quelques pierres nouvelles à cet édifice, en chantier permanent depuis des décennies. 

Sur le maintien de salaires pendant les arrêts maladie des salariés payés à la pige

L'article 36 de la convention collective des journalistes prévoit, sous condition d'ancienneté et dans certaines limites, qu'un journaliste a droit au maintien de sa rémunération pendant ses arrêts maladie :

Ancienneté du journaliste

Maintien du salaire

De 6 mois à 1 an

pendant 2 mois à 100%

les 2 mois suivants à 50%

Après 1 an

pendant 3 mois à 100%

les 3 mois suivants à 50%

Après 5 ans

pendant 4 mois à 100%

les 4 mois suivants à 50%

Après 10 ans

pendant 5 mois à 100%

les 5 mois suivants  à 50%

Au-delà de 15 ans

pendant 6 mois à 100%

les 6 mois suivants  à 50%

En pratique l'employeur doit compléter le montant des indemnités journalières versées par la CPAM.

Cet article 36 ne prévoyant aucun délai de carence alors que les 3 premiers jours de maladie ne sont pas indemnisés par la CPAM le journaliste est en droit de demander à son employeur le paiement de la totalité de son salaire au titre de ces 3 premiers jours d'arrêt.

Si l'application de cette garantie de maintien de salaire ne pose (normalement) pas de difficulté pour les journalistes payés au temps passé, il n'en est pas de même pour les pigistes.  

Dès lors que le pigiste n'est pas censé travailler certains jours précis et qu'il est payé à la tâche indépendamment du temps passé à la réaliser, certaines Sociétés de presse considèrent que les périodes pendant lesquelles ce journaliste est malade ne peuvent pas coïncider avec celles où il aurait travaillé.     

Une Société de presse avait refusé d'appliquer à l'une de ses journalistes pigistes qui avait été placée en arrêt maladie pendant plusieurs mois la garantie de maintien de salaires.

Cette Société soutenait que l'article 36 de la Convention collective des journalistes n’a vocation à s’appliquer qu’aux journalistes permanents qui sont astreints à un temps de travail.

Elle ajoutait que ce texte ne pouvait pas s'appliquer aux pigistes puisqu'il existe un régime de prévoyance qui leur est propre.

Ces arguments n'ont pas été retenus par la Cour d'appel de Paris qui, dans son jugement du 23 juin 2016, précise que "si, conformément aux dispositions de l'article 38 de la convention collective nationale des journalistes, les pigistes bénéficient d'un régime de prévoyance qui leur est propre , résultant d'un accord en date du 9 décembre 1975 et qu’a entendu réviser l’accord du 7 novembre 2008, l’article 36 de la convention collective concerne le régime de sécurité sociale en cas de maladie et accident du travail. Cet article vient donc compléter le régime de prévoyance pour les pigistes et il s’applique à ceux-ci en leur qualité de journalistes professionnels comme pour tous les autres".

Ce n'est donc pas parce qu'il est payé à la pige qu'un journaliste n'a pas droit au maintien de salaire prévu à l'article 36 de la convention collectives des journalistes.

La base à retenir pour l'application de cet article 36 est le salaire journalier moyen perçu par le pigiste au cours des 12 mois qui ont précédé celui de son arrêt maladie. 

Sur l'obligation de faire passer les visites médicales aux pigistes

La société de presse n'avait pas fait passer de visite médicale à sa pigiste auprès de la médecine du travail, ni au moment de son embauche ni par la suite.

La Cour d'appel relève dans son arrêt du 23 juin 2016 que l’article 21 de la convention collective des journalistes rappelle que les visites médicales d’embauche, périodiques et de reprise, sont obligatoires conformément à la loi.

Aucune distinction n'est faite par ce texte entre les journalistes payés à la pige et les autres.

La Cour d'appel estime donc que la Société de presse a manqué à son obligation de sécurité de résultat et qu'elle a, en l'occurrence,  causé un préjudice à la pigiste celle-ci ayant perdu une chance qu'un diagnostic soit établi antérieurement à l'accident du travail dont elle a été victime.

La Société a donc été condamnée à verser la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts à la pigiste (cf. cette autre publication sur ce même sujet)

Sur le droit du journaliste pigiste à percevoir une indemnité pour occupation de son domicile

Rares sont les journalistes payés à la pige qui travaillent dans un local mis à leur disposition par leur employeur.

La Cour d'appel de Paris avait été saisie par une journaliste culinaire payée à la pige.  Celle-ci exposait que n'ayant pas de local mis à sa disposition par son employeur, elle avait dû affecter une partie de son domicile (bureau et cuisine) à son activité professionnelle et y stocker une documentation importante.   

Elle soutenait qu'elle avait, de ce fait, droit à être indemnisée et  invoquait pour cela les termes de l’article 53 de la convention collective des journalistes selon lesquelles "lorsqu’un journaliste professionnel met un local lui appartenant ou dont il est locataire à la disposition de l'entreprise (en France ou à l'étranger), il doit recevoir un dédommagement".

Dans son, arrêt du 23 juin 2016, la Cour d'appel de Paris a fait droit à cette demande.

Elle relève en particulier que la journaliste pigiste devait réaliser des recettes et que la société de presse ne prouve pas qu’un laboratoire de cuisine était disponible dans ses propres locaux pour cet usage.

Au visa de cet article 53 de la convention collective des journalistes, du fait de l'utilisation par la journaliste payée à la pige de sa cuisine et de sa bibliothèque, "toutes causes de dépenses confondues en fourniture de fluides et énergie, loyer et amortissement des matériels et équipements", la Société de presse a été condamnée à lui verser une indemnité de plus de 17000 euros au titre de 3 années d'occupation de son domicile.

Cette décision complète la jurisprudence déjà établie sur ce point (cf. cette autre page sur ce sujet)

Vianney FÉRAUD

Avocat au barreau de Paris

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