Lors d'une procédure judiciaire, la preuve joue un rôle déterminant.
Il est en particulier nécessaire de rechercher sur quelle partie au procès pèse la charge de la preuve.
Normalement celui qui se prétend titulaire d'un droit doit le démontrer (selon les termes de l'article 1315 du Code civil : « celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver »).
Mais ce principe souffre de plusieurs exceptions.
La présomption est est une. Il s'agit en effet d'un mécanisme juridique destiné à faciliter l'administration de la preuve.
Selon l'article 1349 du Code civil, "les présomptions sont des conséquences que la loi ou le magistrat tire d'un fait connu à un fait inconnu".
Celui qui bénéficie d'une présomption est donc dispensé d'apporter la preuve de ce qu'il avance (l'article 1352 du Code civil dispose que : "la présomption légale dispense de toute preuve celui au profit duquel elle existe")
Parfois, celui à qui l'on oppose une présomption peut apporter la preuve contraire (la présomption est réfragable) parfois la preuve contraire est interdite (la présomption est alors irréfragable).
Le droit du travail connaît de nombreuses présomptions ; certaines sont réfragables, d'autres ne le sont pas.
Par exemple, en l'absence d'écrit, un contrat de travail est présumé être un contrat à durée indéterminée à temps plein. L'employeur peut néanmoins apporter la preuve que la relation de travail était à temps partiel. Il n'est en revanche pas admis à démontrer que cette même relation était à durée déterminée.
Selon l'article L.7112-1 (anciennement article L.761-2) du Code de travail, "toute convention par laquelle une entreprise de presse s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties".
Cette disposition fait donc bénéficier aux journalistes professionnels et assimilés (fait connu) d'une présomption de salariat (conséquence du fait connu).
La Cour d'appel de Paris rappelle que "ni la qualité de pigiste, c'est-à-dire rémunéré forfaitairement à la pige, ni le montant de la rémunération, ni le volume du travail confié, ni la variation dans le temps de ce volume n'ont d'incidence sur cette présomption" (C.A. Paris 18 mai 2010)
Cette présomption est toutefois réfragable.
Il appartient donc, non pas au journaliste de démontrer qu'il est salarié mais, s'il le conteste, à son cocontractant, c'est-à-dire à l'entreprise qui a (ou a eu) recours à ses services, d'apporter la preuve que ce journaliste n'est pas salarié.
Deux arrêts de la Cour de cassation, fournissent une bonne illustration de cette règle :
Dans une première décision (Cass. 11 mars 2008, n°06-45568) la Cour de cassation examinait le recours formé par un photographe pigiste, journaliste professionnel. Ce photographe avait été payé en droits d'auteur (et non pas par des salaires) pendant une quinzaine d'années par une Société de presse. Après la rupture des relations professionnelles, il avait saisi la juridiction du travail estimant être en fait salarié de cette Société.
La Cour d'appel d'Aix-en-Provence l'avait débouté de ses demandes au motif que s'il démontrait effectivement être journaliste photographe professionnel, il n'apportait pas pour autant la preuve qu'il était salarié de la Société de presse.
La Cour de cassation, logiquement, réforme cette décision en rappelant que tout journaliste est présumé être employé en qualité de salarié et que c'est donc à l'entreprise d'apporter la preuve qu'elle n'était pas liée à ce journaliste photographe par un contrat de travail.
Dans une seconde affaire (Cass. soc. 12 mars 2008, n°07-41816) la Cour de cassation, censure également la décision rendue par une Cour d'appel qui, après avoir rappelé que la présomption de salariat établie par l'article L.761-2 paragraphe 4 du Code du travail (devenu article L.7112-1 du Code du travail) peut être renversée par la preuve contraire apportée par l'employeur, reprochait à un pigiste de ne pas établir la réalité de ses prétentions, notamment quant aux directives sur le choix des sujets, qu'il soutenait avoir reçues de la Société de presse.
La Cour de cassation relève la contradiction de motifs et, après avoir rappelé que la fourniture régulière de travail à un pigiste fait de lui un collaborateur régulier qui doit bénéficier à ce titre des dispositions légales applicables aux journalistes professionnels (et donc de la présomption de salariat), elle reproche à la Cour d'appel d'avoir inversé la charge de la preuve.
Le journaliste, en l'espèce pigiste régulier, devait en effet bénéficier de la présomption de salariat et il appartenait à l'entreprise d'apporter la preuve que ce journaliste pigiste régulier n'était pas salarié, c'est-à-dire essentiellement qu'il n'existait pas de lien de subordination.
La charge (ou encore le fardeau) de la preuve du salariat ne pèse donc pas sur le journaliste ou assimilé, même pigiste régulier.