Alors que le constructeur européen Airbus et la Société Air France viennent d’être mis en examen dans le cadre de l’enquête sur la catastrophe du vol Rio-Paris dans laquelle ont péri 228 personnes le 1er juin 2009, il est temps de faire un rappel relatif aux droits des familles des victimes.
Aux termes de l’article 17 de la convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international du 28 mai 1999, dite convention de Montréal (décret n°2004-578 du 17 juin 2004, JORF n°143 du 22 juin 2004, p 11205), « le transporteur est responsable du préjudice survenu en cas de mort ou de lésion corporelle subie par un passager, par cela seul que l’accident qui a causé la mort ou la lésion s’est produit à bord de l’aéronef ou au cours de toutes opérations d’embarquement ou de débarquement (…) ».
Par conséquent, la responsabilité d’Air France, en sa qualité de transporteur, n’est pas contestable.
Toutefois, l’article 35 de cette même convention prévoit que, « l’action en responsabilité doit être intentée, sous peine de déchéance, dans le délai de deux ans à compter de l’arrivée à destination, ou du jour où l’aéronef aurait dû arriver, ou de l’arrêt du transport (…) ».
Pour être recevable, l’action des familles des victimes du crash du vol AF 447 doit donc être engagée avant le 31 mai prochain à minuit.
Il est naturellement possible d’éviter que cette première échéance ne devienne un couperet.
En effet, pendant une période de 20 ans à compter de la naissance du droit, le cours de cette prescription peut être suspendu ou interrompu en application des articles 2228 et suivants du code civil, issus de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008.
La suspension arrête le cours de la prescription sans effacer le délai déjà acquis (article 2230 du code civil) et peut résulter, pour les causes susceptibles de nous intéresser :
- De l’impossibilité d’agir résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure (article 2234 du code civil), ce qui concerne notamment le cas des mineurs, et permet de reporter le point de départ de la prescription ou d’en suspendre le cours.
- Du recours à la médiation ou à la conciliation sachant qu’à défaut d’accord écrit, l’interruption résulte de la tenue de la 1ère réunion (article 2238 du code civil) et que, dans cette hypothèse, à la fin de la médiation ou de la conciliation, la prescription recommence à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à 6 mois. Cette solution est particulièrement séduisante dès lors qu’un médiateur a été saisi du dossier (il s’agit du Centre de Médiation et d’Arbitrage de Paris) et où il suffit de convenir d’un rendez-vous pour suspendre le délai.
- Du fait qu’un juge fasse droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès (article 2239 du code civil) étant précisé que, dans ce cas, le délai de prescription recommence à courir pour au moins 6 mois à compter du jour où ma mesure d’instruction a été exécutée. Il s’agit de viser la procédure spécifique aux fins de désignation d’un expert judiciaire. Le délai est interrompu jusqu’au dépôt du rapport et recommence à courir pour une durée d’au moins 6 mois même si le délai qui restait était moindre.
Il est également possible d’interrompre le cours de la prescription. Il s’agit alors d’effectuer un acte qui aura pour effet d’effacer le délai de prescription acquis et de faire courir un nouveau délai de même durée que l’ancien (article 2231 du code civil).
Parmi les causes d’interruption prévues par le code civil, on peut notamment citer :
- La reconnaissance par le débiteur du droit contre lequel il prescrivait (article 2240 du code civil) : versement d’une indemnisation relative à une partie des préjudices, courrier de reconnaissance de responsabilité…
- La demande en justice, même en référé, même si la juridiction saisie est incompétente, et même si l’assignation est annulée pour vice de procédure (article 2241 du code civil). L’interruption produit alors ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance - c’est-à-dire jusqu’à ce que la décision soit rendue - mais est non avenue en cas de désistement, de péremption d’instance ou de rejet définitif des demandes.
Enfin, il est également possible, d’aménager conventionnellement le délai de prescription (article 2254 du code civil). En l’occurrence, il s’agirait de demander à Air France qu’elle accepte de proroger le délai de prescription pour une durée à déterminer. Compte tenu du délai particulièrement court qui reste avant le 31 mai, cette solution est pour le moins risquée puisqu’en l’état, rien ne garantit qu’Air France ferait droit à de telles demandes.
Quelle que soit l’option choisie, le 31 mai 2011 approche à grands pas. Soyons donc vigilants et préservons les droits des familles des victimes de la catastrophe aérienne Rio-Paris en prenant les mesures utiles pour suspendre ou interrompre la prescription et éviter la déchéance de l’action en responsabilité dont elles disposent à l’encontre du transporteur.