Depuis les lois des 4 mars et 30 décembre 2002, si la mise en œuvre de la responsabilité d’un praticien ou d’un établissement médical suppose toujours la démonstration d’une faute, les accidents médicaux et infections nosocomiales présentant une certaine gravité permettent d’obtenir une réparation, même en l’absence de faute.
Dans notre société où l’on recherche toujours un responsable et dans un domaine très technique, mélangeant la médecine et le droit, la responsabilité sans faute était la réponse qui s’imposait aux demandes qui s’exprimaient.
Aujourd’hui, les patients sont de plus en plus exigeants et, de facto, les médecins sont de plus en plus souvent mis en cause. Ces derniers doivent payer une assurance professionnelle toujours plus élevée et sont donc de plus en plus réticents face à leurs patients.
Il convient de s’interroger sur les moyens de prévenir ces contentieux pour éviter que leur multiplication ne fragilise le système de santé.
La pratique de ces dossiers, met en évidence que, bien souvent, des procédures seraient évitées si patients et personnels soignants avaient mis en œuvre quelques principes de base destinés d’une part à rappeler au patient qu’il est responsable (1) et, d’autre part, à rappeler au médecin l’importance de la relation de confiance avec son patient (2).
1- Les patients sont des personnes responsables
Dans la mesure son état de santé le lui permet, le patient doit rester acteur de sa prise en charge médicale.
En effet, il ne faut pas perdre de vue que les patients sont, comme tout un chacun, des personnes responsables, capables de poser des questions, de faire des choix et d’émettre une opinion. Leur maladie, sauf dans certains cas, ne leur ôte pas tout pouvoir de décision.
Cela peut paraître simpliste, mais il est utile de le rappeler car, bien souvent, face aux médecins, les malades renoncent à s’interroger, à comprendre, et se remettent aveuglément dans les mains de la science.
Pour prévenir les contentieux, il est donc important que les patients interrogent le personnel médical et, plus largement, tous leurs interlocuteurs, sur leur maladie, qu’ils demandent des explications sur les termes parfois compliqués qui sont employés, des précisions sur les soins dispensés, et sur les risques qu’ils prennent à accepter tel ou tel traitement.
Les patients doivent également exiger que leur médecin - ou à tout le moins un médecin - leur consacre le temps dont ils ont besoin pour comprendre leur pathologie, les examens qui sont pratiqués, ce qu’il en ressort, et les raisons pour lesquelles tel ou tel médicament est prescrit.
Enfin, il est important d’être attentif à ce que soient toujours notés, dans les fiches de suivi et de transmission, tous les évènements qui peuvent avoir une influence sur l’état de santé du patient (inadaptation d’un matériel médical, problème de taille d’une attèle ou d’une minerve, des douleurs particulières…).
Monsieur X a été hospitalisé pour des douleurs au niveau des cervicales. Le médecin a diagnostiqué une compression de la moelle épinière et a organisé, en urgence, une intervention chirurgicale pour libérer cette compression.
Monsieur X n’a posé aucune question, il n’a jamais vérifié ce que le personnel soignant notait dans son dossier, et, pour prendre un exemple précis, il ne s’est jamais plaint quand il s’est aperçu que la minerve qu’il devait porter après l’intervention n’était pas à sa taille.
Il s’est donc totalement laissé faire, se remettant entre les mains des médecins comme s’il allait être sauvé.
Aujourd’hui, il se plaint de graves séquelles qu’il impute à cette intervention, reproche au médecin de ne pas l’avoir informé des risques, et souhaite engager une procédure.
A la lecture de son dossier hospitalier, il s’est aperçu que les douleurs dont il se plaignait n’ont pas été retranscrites exactement, que certains symptômes qu’il n’avait jamais présentés figuraient à son dossier, et que le fait de ne pas avoir porté la minerve qui, je vous rappelle n’était pas à sa taille, figure dans son dossier comme un refus de suivre les conseils du corps médical…
Ce patient a été irresponsable, il a renoncé à rester le maître de son suivi médical et ne peut aujourd’hui que se le reprocher.
La responsabilisation du patient suppose donc qu’il garde un rôle réel dans le traitement de sa maladie. Elle suppose également que le patient accepte que les médecins ne peuvent pas tout.
En effet, les patients doivent garder à l’esprit que les médecins, établissements médicaux ou hospitaliers n’ont pas d’obligation de résultat.
Par conséquent, ils n’ont pas l’obligation de guérir leurs patients, mais plus simplement de mettre en œuvre les moyens de les guérir, sans garantie de réussite et quand bien même la pathologie serait considérée comme « simple ».
Un patient responsable sait bien qu’il est inutile de mettre en cause la responsabilité d’un médecin - d’un personnel soignant ou d’un établissement - qui n’aurait pas réussi à obtenir la guérison tant attendue.
2- Les médecins doivent maintenir la relation de confiance avec leurs patients
Si les patients doivent se considérer comme des personnes responsables et rester acteurs de leur prise en charge médicale, les médecins doivent également participer à cette dynamique en considérant leurs patients comme des personnes susceptibles de comprendre les explications données (cela peut surprendre mais ce n’est pas toujours le cas) et, le cas échéant, en se mettant à leur portée de profane.
En premier lieu, il convient de rappeler que les médecins sont redevables d’une obligation d’information sur les risques thérapeutiques d’un traitement, d’une intervention, d’un examen ou de soins.
Résultant à la fois de la déontologie (article 35 du code de déontologie) et de la loi (article L1111-2 du code de la santé publique), les manquements à cette obligation sont souvent soulevés par les patients qui s’estiment victimes.
Il convient de rappeler que cette obligation couvre les risques graves, c’est-à-dire de nature à influer sur la décision du patient, mêmes si leur survenance est exceptionnelle (voir Civ. 1ère, 7 octobre 1998 Bull. I n°291, p. 202 et CE, 5 janvier 2000, consorts Telle, Leb. p. 5) ainsi que les risques fréquents.
L’information n’est due que si les risques sont connus au moment de l’intervention et/ou du traitement et s’ils sont liés à cette intervention et/ou à ce traitement (voir Civ. 1ère, 18 décembre 2002, Bull I, n° 314, p. 246).
Enfin, l’information n’est pas due en cas d’urgence ou d’impossibilité ni si le patient refuse d’être informé (Voir Civ. 1ère, 7 octobre 1998, précité et CE, 5 janvier 2000, précité).
En deuxième lieu, et cela découle de l’obligation d’information, il est nécessaire que les médecins et/ou les personnels soignants puissent prendre le temps d’expliquer les résultats d’examens ou de laboratoire, toujours incompréhensibles pour les profanes.
Les questions qu’un patient peut se poser sont nombreuses. Sans volonté d’exhaustivité, citons les suivantes :
- A quoi correspond telle ou telle recherche ?
- Est-ce que les résultats - qui ne sont pas dans la fourchette - sont inquiétants ?
- Que peut-on faire pour améliorer la situation ?
- Est-ce qu’un changement du mode de vie ou de l’alimentation peut avoir une influence ?
En troisième lieu, il est essentiel de noter un maximum d’informations dans le dossier médical, les fiches de suivi infirmier ou les fiches de transmission, et ce pour retracer l’historique médical du patient, mais également pour être en mesure d’établir les diligences qui ont été effectuées au fur et à mesure de l’évolution de l’état de santé du patient.
Si cette obligation est particulièrement importante en cas d’hospitalisation, elle est également utile pour tous les médecins, et notamment les médecins généralistes.
En quatrième et dernier lieu, il apparaît que, très souvent, lorsqu’une situation médicale a évolué en raison d’une erreur, d’un aléa ou plus simplement d’une complication, la relation de confiance entre le médecin et son patient peut se dégrader rapidement et fortement.
Or, cette dégradation n’est pas inéluctable.
Si des soins, un traitement, ou une intervention provoquent un préjudice, le patient a droit à des explications. Ce n’est pas en refusant de le voir ou de l’avoir au téléphone que la relation de confiance se rétablira, bien au contraire.
Nous avons trop souvent vu des personnes se plaindre de n’avoir pu joindre ou voir leur médecin alors qu’ils étaient à la recherche d’explications sur ce qui leur était arrivé. C’est cette réaction qui justifiait leur décision d’engager une procédure et un simple quart d’heure au téléphone aurait permis de l’éviter.
Même si les médecins ne sont pas là pour assurer le soutien psychologique de leurs patients, ils doivent PRENDRE LE TEMPS D’ECOUTER ET DE RASSURER leurs patients. Cela leur évitera à coup sûr des mises en cause en maintenant, par-delà tous les aléas de la médecine, les liens de confiance qui doivent unir les patients à leurs médecins.
Nous terminerons par ces évidences :
- Le patient ne doit ni se laisser porter par le personnel soignant, ni s’opposer à lui : il doit collaborer avec lui pour éradiquer la maladie.
- Le personnel soignant ne doit pas s’imposer au patient, la maladie s’est déjà imposée à lui. En revanche, il doit lui donner les moyens de comprendre ce qui lui arrive et de prendre – s’il n’y a ni urgence ni impossibilité – les décisions qui sont dans son intérêt.
Ce sera là la meilleure prévention contre les contentieux !