Une jurisprudence récente (Com. 6 juin 2018) nous rappelle qu'une prétendue faute ou fraude commise par le débiteur qui aurait sciemment omis d'alerter ses créanciers de sa mise en redressement judiciaire n'est pas de nature à faire échec à la règle de l'interdiction des poursuites individuelles ni à l'obligation pour les créanciers de déclarer leur créance dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture de la procédure collective.
Ici les créanciers sont des particuliers (M. et Mme Z) prétendant détenir une créance de plusieurs dizaines de milliers d'euros envers une société.
Pour rappel :
"La créance qui n’a pas été déclarée dans le délai prescrit à
l’article L. 622-24 du code de commerce est inopposable au
débiteur pendant l’exécution du plan, de sorte que le créancier
n’est pas recevable à agir en paiement."
Toute créance doit ainsi être déclarée dans le délai de deux mois suivant la publication au BODACC du jugement douverture d'une procédure collective (sauvegarde, redressement, liquidation) en vertu des dispositions de l'article L622-24 du code de commerce.
En l'espèce des particuliers (M. et Mme Z) avaient assigné une société en réparation des préjudices subis à raison des malfaçons dans l'exécution de travaux. Entre temps la société bénéficiait de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire. L'instance continue.
La Cour d'appel condamne la société, malgré l'ouverture d'une procédure collective, au motif qu'elle (la société) "s'est bien gardée, tant durant les opérations d'expertise que devant les premiers juges, de révéler sa situation juridique et a omis de mentionner la créance de M. et Mme Z... dans la liste destinée à son mandataire judiciaire".
Arrêt cassé par la Cour de cassation qui rappelle que même en cas d'absence d'alerte des créanciers par le débiteur de sa mise en redressement judiciaire, la règle de l'arrêt des poursuites individuelles s'applique.
La seule conséquence de l'omission volontaire ou involontaire du débiteur lors de l'établissement de la liste des créanciers, étant que ces derniers peuvent être relevés de forclusion par le juge-commissaire. Mais cette action en relevé de forclusion doit être exercée dans un délai de six mois à compter de la publication du jugement d'ouverture (L622-26 al 3 CCom).
En conclusion pour une créance forclose : l'article L622-26 al 2 du CCom dispose que les créances non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus.
Après consultation du BODACC un jugement a prononcé la résolution du plan et l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société. M. et Mme Z. devraient cette fois penser à déclarer leur créance auprès du liquidateur judiciaire sous réserve de la prescription.