Quelle promesse ?
Dans son programme (en-marche.fr), Emmanuel Macron a pris l'engagement suivant :
« Nous ouvrirons les droits à l'assurance-chômage aux salariés qui démissionnent.
Tous les cinq ans, chacun y aura droit, s'il choisit de démissionner pour changer d'activité ou développer son propre projet professionnel. Cela incitera les entreprises à investir pour améliorer la qualité de vie au travail afin de conserver leurs salariés, dont nous renforçons ainsi le pouvoir de négociation. »
D'après Emmanuel Macron, la contrepartie de ces droits nouveaux résidera dans (i) la mise en place d'un contrôle accru de la recherche d'emploi, grâce à un renforcement des moyens de Pôle Emploi et (ii) l’introduction de sanctions « justes et crédibles. »
Ainsi, le président élu souhaite que les allocations-chômage soient suspendues, si (i) le demandeur d’emploi refuse plus de deux « emplois décents », selon des critères de salaire de qualification à déterminer, ou si (ii) « l'intensité de sa recherche d'emploi » est jugée insuffisante.
Pour ce faire, il envisage d’instituer un bilan de compétences, dans les 15 jours de l'inscription à Pôle emploi, qui pourra ainsi servir de référence.
Enfin, Emmanuel Macron souhaite que l'État prenne en charge le pilotage du système d'assurance-chômage, actuellement géré par les organisations patronales et les syndicats de salariés (sous l’égide de l’UNEDIC).
Emmanuel Macron affirme que l'État y associera « l'ensemble des parties prenantes, et en particulier les partenaires sociaux. »
Cette promesse d'Emmanuel Macron est à mettre en perspective avec sa volonté exprimée d’instituer une « assurance-chômage pour tous. »
Sur ce point, le président élu écrit, dans son programme : « Nous mettrons en place une assurance-chômage pour tous, parce que dans un monde qui se transforme, le chômage ne peut plus être un risque contre lequel certains se couvrent à titre individuel, et d'autres par des garanties collectives.
Lorsqu'on est successivement salarié et indépendant, ou parfois les deux en même temps, la protection ne peut plus dépendre du statut comme dans le monde d'hier. L'assurance-chômage universelle couvrira tous les actifs - salariés, artisans, commerçants indépendants, entrepreneurs, professions libérales, agriculteurs - et facilitera les transitions d'un statut à un autre. »
Quelles conséquences ?
Le programme d'Emmanuel Macron n'est, à ce stade, pas suffisamment précis sur le financement de l'assurance-chômage universelle.
Ainsi, certains commentateurs font observer que la future réforme pourrait imposer une durée minimale d'activité aux indépendants, afin d'éviter un « effet d’appel » ou « effet d’aubaine. »
Par ailleurs, des planchers de rémunération pourraient être fixés, dans le but d'exclure de l'assurance-chômage universelle les salariés n'ayant pas perçu la rémunération plancher requise.
En bref, le financement de cette assurance-chômage universelle reste encore à définir.
Enfin, la question se pose de savoir si l'ouverture de l'assurance-chômage aux salariés démissionnaires pourrait mettre un terme aux ruptures conventionnelles.
Sur ce point, rappelons tout d'abord que l'année 2016 a constitué une nouvelle « année record » pour les ruptures conventionnelles.
En effet, l'année dernière, 389.862 ruptures conventionnelles ont été homologuées, sur 419.562 demandes enregistrées par la direction du travail.
Il est très probable que la mise en place d'une assurance-chômage pour les salariés démissionnaires contribuera à faire baisser le nombre des ruptures conventionnelles.
En effet, le salarié qui rencontre des difficultés professionnelles peut légitimement hésiter à démissionner car il se trouve de facto privé de tout droit à chômage.
Dans cette situation, assez fréquente en pratique, le salarié est conduit (ou contraint) à faire pression sur l'employeur afin de le pousser à conclure une rupture conventionnelle.
Or, si le salarié dispose de la possibilité, une fois tous les cinq ans, de démissionner en étant couvert par l'assurance-chômage, il s’écartera logiquement du dispositif de la rupture conventionnelle.
Pour autant, la rupture conventionnelle continuera d'exister, notamment lorsque le salarié souhaitera quitter l'entreprise moyennant une indemnisation (à condition, bien sûr, qu’il dispose de leviers de négociation).
Enfin, le fait d’être garanti par l'assurance-chômage après une démission pourrait entraîner une « redistribution » de la relation hiérarchique entre l'employeur et le salarié.
Gageons que l'employeur sera incité à motiver ses salariés à demeurer dans l'entreprise, conscient que ceux-ci risquent de démissionner s’ils ne sont pas satisfaits de leurs conditions d’emploi.
Lors des entretiens d'évaluation (ou des entretiens professionnels), le supérieur hiérarchique devra conserver ce risque en mémoire.
Cela est d'autant plus vrai pour les emplois jugés stratégiques par l'entreprise.
Bien évidemment, le salarié disposera également d’un levier de négociation significatif lors de la discussion relative à son augmentation de salaire.
Xavier Berjot
Avocat Associé
OCEAN Avocats
www.ocean-avocats.com