Si le cadre dirigeant est exclu de la majeure partie de la législation sur la durée du travail, encore faut-il que son statut soit conforme aux exigences du Code du travail et de la jurisprudence… Deux arrêts récents de la Cour de cassation statuent sur le sujet.
1. Le cadre dirigeant doit participer à la direction de l’entreprise
Peuvent avoir le statut de cadre dirigeant ceux qui répondent aux conditions cumulatives suivantes (C. trav. art. L. 3111-2, al. 2) :
- Ils se voient confier des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps ;
- Ils sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome ;
- Ils perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l’entreprise ou l’établissement.
NB. La qualité de cadre dirigeant ne requiert pas l'existence d'un accord particulier entre l'employeur et le salarié (Cass. soc. 30 novembre 2011 n° 09-67798), même s’il est naturellement conseillé de prévoir une clause spécifique dans le contrat de travail ou un avenant.
Depuis plusieurs années, la Cour de cassation étend les termes de l’article L. 3111-2 du Code du travail en considérant que seuls relèvent de la catégorie des cadres dirigeants les cadres participant à la direction de l'entreprise (Cass. soc. 31 janvier 2012, n° 10-24412).
Cette solution a été reprise par un arrêt récent (Cass. soc. 5 mars 2015, n°13-20817) selon lequel les juges du fond ne peuvent retenir le statut de cadre dirigeant « sans caractériser la participation du salarié à la direction de l'entreprise. »
En l’espèce, il s’agissait d’un salarié engagé en qualité de Responsable d’installation classée, qui sollicitait un rappel d’heures supplémentaires et une indemnité pour travail dissimulée.
La Cour d’appel avait rejeté sa demande, aux motifs suivants :
- Le salarié jouissait d'une grande indépendance pour organiser son emploi du temps qu'il fixait comme il l'entendait ;
- Il intervenait sur l’emploi du temps d'autres personnes de la société ;
- Il était l'interlocuteur privilégié des administrations ;
- Il pouvait engager financièrement la société ;
- Il faisait partie des cinq personnes les mieux rémunérées de l'entreprise.
L’arrêt est censuré, la Cour d’appel n’ayant pas caractérisé en quoi le salarié participait à la direction de l’entreprise.
La décision est critiquable puisqu’elle aboutit à ajouter une condition à l’article L. 3111-2 du Code du travail, lequel n’exige pas une participation à la direction de l’entreprise mais l’habilitation à prendre des décisions de façon largement autonome.
Il est manifeste que la Cour de cassation entend restreindre la notion de cadre dirigeant compte tenu des contraintes qu’elle fait peser sur le salarié.
Rappelons, à cet égard, que les cadres dirigeants « ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III » du Code du travail [ndlr. du livre I de la troisième partie] (C. trav. art. L. 3111-2, al. 1)
Ainsi, ils sont exclus de la totalité de la réglementation sur la durée du travail, (durée légale, heures supplémentaires, durées maximales hebdomadaire et quotidienne, temps de pause...), le travail de nuit, les repos hebdomadaire et quotidien, les jours fériés, la journée de solidarité, etc.
Leurs sont en revanches applicables les dispositions relatives aux congés annuels et aux autres congés (Circ. MES/CAB 2000-3 du 3 mars 2000).
2. le juge doit vérifier précisément les conditions réelles d'emploi du salarié concerné
Pour retenir ou écarter la qualité de cadre dirigeant, le juge doit examiner la fonction que le salarié occupe réellement au regard de chacun des critères cumulatifs énoncés par l'article L. 3111-2 du Code du travail (Cass. soc. 25 juin 2008 n° 07-40910).
La Cour de cassation rappelle cette solution dans un arrêt du 5 février 2015 (n°13-22892), énonçant que « le juge doit vérifier précisément les conditions réelles d'emploi du salarié concerné, peu important que l'accord collectif applicable retienne pour la fonction occupée par le salarié la qualité de cadre dirigeant. »
En l’espèce, la salariée occupait les fonctions de contrôleur de gestion et sollicitait le paiement d’heures supplémentaires et de repos compensateurs.
La Cour d’appel l’avait déboutée de sa demande au motif qu’elle était classée cadre au coefficient 600, niveau IV, ce qui est considéré par l'accord du 1er novembre 1998 sur la réduction et l'aménagement du temps de travail dans les entreprises de l'habillement comme un cadre dirigeant.
La décision est censurée, les juges n’ayant pas vérifié les conditions réelles d’emploi de la salariée.
L’arrêt s’inscrit dans le cadre d’une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation (ex. Cass. soc. 13 janvier 2009 n° 06-46.208 ; Cass. soc. 22 juin 2011 n° 10-10.945).
Il en résulte -logiquement- que les conventions et accord collectifs ne sauraient prévaloir sur les conditions réelles d’emploi du salarié.
Xavier Berjot
Avocat Associé
OCEAN Avocats
www.ocean-avocats.com