Conventions de forfait-jours SYNTEC : des dispositions non valables

Publié le 11/06/2013 Vu 2 508 fois 0
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Dans un arrêt récent, la Cour de cassation invalide les dispositions de la convention collective des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, dite « SYNTEC. » Cet arrêt a une portée importante, dans la mesure où la convention collective s’applique à un très grand nombre d’entreprises, notamment en région parisienne.

Dans un arrêt récent, la Cour de cassation invalide les dispositions de la convention collective des bureaux

Conventions de forfait-jours SYNTEC : des dispositions non valables

  1. Rappel des conditions de validité des conventions de forfait-jours

Selon l’article L. 3121-39 du Code du travail, la conclusion de conventions individuelles de forfait sur l’année est subordonnée aux conditions suivantes :

- que cette possibilité soit prévue par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

- que cet accord collectif détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les « caractéristiques principales » de ces conventions.

Par ailleurs, la conclusion d’une convention individuelle de forfait requiert l’accord du salarié, obligatoirement matérialisé par écrit (article L. 3121-40 du Code du travail).

Enfin, la convention de forfait-jours doit nécessairement faire l’objet d’un suivi, l’article L. 3121-46 du Code du travail disposant que le salarié doit bénéficier d’un entretien annuel individuel, portant sur sa charge de travail, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale, ainsi que sur sa rémunération.

  1. La solution de la Cour de cassation

Dans son arrêt du 24 avril 2013 (Cass. soc. 24 avril 2013, n° 11-28.398), la Cour de cassation juge que les dispositions de la SYNTEC relatives aux conventions de forfait-jours  ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail du salarié.

Elle en déduit que ces dispositions ne sont pas de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, et que la Cour d’appel saisie du litige aurait donc dû annuler la convention de forfait en jours sur l’année.

Il résulte de cette décision que l'article 4 de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, annexé à la convention collective SYNTEC, ne peut valablement servir de fondement à la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours.

Cette solution est susceptible de s’appliquer à d’autres conventions collectives, puisque la Cour de cassation pose le principe selon lequel « toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires. »

Cette solution jurisprudentielle s’inscrit dans le prolongement d’un arrêt précédent de la Cour de cassation, en date du 29 juin 2011, selon lequel lorsque l’employeur contrevient aux clauses d’un accord collectif organisant le contrôle et le suivi des conventions de forfait-jours, ces conventions sont privées d’effet et le salarié peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires.

  1. Les conséquences pratiques

  1. Irrégularité de la convention collective

En l’état, les employeurs relevant de la convention collective SYNTEC ne peuvent pas conclure directement des conventions de forfait-jours sur l’année avec leurs salariés, dans la mesure où les dispositions actuelles de la convention sont insuffisantes au regard du contrôle de l’amplitude, de la charge de travail et de la bonne répartition, sur l’année, du travail du salarié.

Les conventions individuelles de forfait-jours conclues sur le seul fondement de la convention collective doivent donc être considérées comme nulles.

Il en résulte que les salariés concernés sont censés être soumis à la durée légale de travail de 35 heures par semaine.

Les employeurs doivent en tirer les conséquences pratiques, même s’il est évident que le secteur d’activité du conseil s’accorde mal avec le régime strict des 35 heures hebdomadaires.

Pourtant, à défaut de régularisation, les salariés dont la convention de forfait dépend uniquement de la convention collective peuvent prétendre à la rémunération des heures accomplies au-delà de la durée légale de travail, ainsi qu’aux majorations afférentes.

Par ailleurs, si le salarié peut établir que l’employeur ne rémunère pas les heures supplémentaires en ayant conscience que la convention de forfait-jours est nulle, ce dernier peut être condamné à verser l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé de 6 mois de salaire en cas de rupture de la relation contractuelle (article L. 8223-1 du Code du travail).

  1. Nécessaire régularisation

La nécessaire régularisation qu’implique l’arrêt de la Cour de cassation peut prendre trois formes, selon les cas :

- Dans les entreprises ayant au moins un délégué syndical (en principe, celles de 50 salariés et plus), il est recommandé de conclure un accord d’entreprise reprenant l’ensemble des conditions de validité des conventions de forfait-jours.

- Dans les entreprises de moins de 200 salariés, en l'absence de délégués syndicaux, ou de délégué du personnel désigné comme délégué syndical dans les entreprises de moins de 50 salariés, les membres du comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, les délégués du personnel peuvent négocier et conclure un tel accord (article L. 2232-21, alinéa 1er du Code du travail).

- Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical et lorsqu'un procès-verbal de carence a établi l'absence de représentants élus du personnel, cet accord peut être négocié et conclu par un ou plusieurs salariés expressément mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans la branche.

Enfin, pour leurs futures embauches, les employeurs soumis à la convention collective SYNTEC ne doivent plus fonder les conventions de forfait-jours sur cette dernière mais sur un accord collectif valable. A défaut, ils doivent réfléchir à d’autres solutions d’aménagement du temps de travail.

Xavier Berjot

Avocat Associé

OCEAN Avocats

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