- Les conditions d’exercice du droit d’alerte et de retrait
Il résulte de l’article L. 4131-1, al. 1er du Code du travail, que le salarié :
- doit alerter immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection.
- peut se retirer d'une telle situation.
La Cour de cassation a précisé que le droit de retrait constitue un droit et non une obligation, de sorte que le salarié ne peut pas être sanctionné pour avoir refusé de l’utiliser en présence d’une situation dangereuse (Cass. soc. 9 décembre 2003, n° 02-47.579).
En revanche, le salarié n’ayant pas alerté l’employeur de cette situation est passible d’une sanction disciplinaire, dans la mesure où l’article L. 4131-1 du Code du travail lui impose cette obligation (Cass. soc. 21 janvier 2009, n° 07-41.935).
Le Code du travail ne prévoit pas de procédure particulière en cas de mise en œuvre du droit d’alerte et de retrait, ce qui se justifie par le fait qu’il correspond à des situations d’urgence.
Ainsi, la clause d’un règlement intérieur imposant aux salariés d’établir une déclaration écrite dans l'exercice de leur droit de retrait est irrégulière (CE 30 novembre 1990, n° 89253).
De même, l'exercice par un salarié de son droit d'alerte ou de retrait n'est pas subordonné à la procédure d'intervention du CHSCT (Cass. soc. 10 mai 2001, n° 00-43.437).
Sur le plan pratique, le droit de retrait doit être exercé dans des conditions ne pouvant créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent (article L. 4132-1 du Code du travail).
- Les obligations de l’employeur
Selon l’article L. 4131-1, al. 3 du Code du travail, l'employeur ne peut pas demander au salarié qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent, résultant notamment d'une défectuosité du système de protection.
Au contraire, il doit prendre les mesures et donner les instructions nécessaires pour permettre aux salariés, en cas de danger grave et imminent, d'arrêter leur activité et de se mettre en sécurité en quittant immédiatement le lieu de travail (article L. 4132-5 du Code du travail).
A défaut, l’employeur est susceptible d’engager sa responsabilité pénale.
En outre, l’article L. 4131-4 du Code du travail prévoit que le bénéfice de la faute inexcusable est de droit pour les salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'eux-mêmes ou un représentant du personnel au CHSCT avaient signalé à l'employeur le risque qui s'est matérialisé.
Lorsque le salarié utilise son droit d’alerte, aucune sanction ni aucune retenue de salaire ne peut être prise à son encontre (article L. 4131-3 du Code du travail).
Cette disposition pose de nombreuses difficultés d’application, sur le point de savoir si le salarié a exercé son droit de retrait de manière légitime.
Pour la Cour de cassation, le juge du fond apprécie souverainement l'existence d'un motif raisonnable de penser que la situation de travail présente un danger grave et imminent pour la vie ou la santé du salarié (Cass. soc. 30 mai 2012, n° 10-15.992).
En cas de litige, le salarié n’a pas à prouver l’existence d’un danger grave et imminent mais doit seulement établir qu’il avait un motif « raisonnable » de penser qu’il était en présence d’une telle situation.
L’employeur désireux de sanctionner le salarié pour l’usage abusif du droit de retrait doit être particulièrement vigilant, la Cour de cassation ayant jugé qu'est nul le licenciement prononcé par l'employeur pour un motif lié à l'exercice légitime par le salarié du droit de retrait de son poste dans une situation de danger (Cass. soc. 28 janvier 2009, n° 07-44.556).
- Le rôle du CHSCT
Le représentant du personnel au CHSCT, qui constate qu'il existe une cause de danger grave et imminent, notamment par l'intermédiaire d'un travailleur, en alerte immédiatement l'employeur en consignant son avis par écrit (articles L. 4131-2 et L. 4132-2, al. 1er du Code du travail).
L'avis du représentant du personnel au CHSCT est daté, signé, et consigné sur un registre spécial dont les pages sont numérotées et authentifiées par le tampon du comité.
Il doit indiquer :
1° Les postes de travail concernés par la cause du danger constaté ;
2° La nature et la cause de ce danger ;
3° Le nom des travailleurs exposés.
L’employeur a alors l’obligation de procéder immédiatement à une enquête avec le représentant du CHSCT qui lui a signalé le danger et de prendre les dispositions nécessaires pour y remédier.
En présence des conclusions de l’enquête, il arrive que l’employeur et le représentant du CHSCT divergent sur la réalité du danger ou la façon de le faire cesser.
Dans un tel cas, l’employeur doit réunir d'urgence le CHSCT, dans un délai n'excédant pas vingt-quatre heures (article L. 4132-3, al. 1er du Code du travail).
Parallèlement, il doit informer immédiatement l'inspecteur du travail et l'agent du service de prévention de la CRAM, qui peuvent assister à la réunion du CHSCT (article L. 4132-3, al. 2 du Code du travail).
Si le désaccord persiste entre l’employeur et la majorité des membres du CHSCT, l’inspecteur du travail doit être à nouveau saisi par l’employeur et peut :
- soit lui adresser une mise en demeure de prendre toutes mesures utiles pour faire cesser le danger ;
- soit saisir le juge des référés pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque (mise hors service d’une machine, saisie de produits…).
En conclusion, rappelons que la loi du 16 avril 2013 relative à l'indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et à la protection des lanceurs d'alerte a introduit un droit d'alerte spécifique en matière de santé publique et d'environnement (articles L. 4133-1 et suivants du Code du travail).
Xavier Berjot
Avocat Associé
OCEAN Avocats
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