1. Rappel des dispositions relatives à l’égalité hommes-femmes
La loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a renforcé les mesures d’égalité hommes-femmes dans les relations de travail, en prévoyant notamment une pénalité financière pour les entreprises d’au moins 50 salariés non couvertes par un accord ou un plan d’action sur ce thème.
Selon un nouvel article L. 2242-5-1 du Code du travail, applicable au 1er janvier 2012, les entreprises d'au moins 50 salariés sont soumises à une pénalité à la charge de l'employeur:
- lorsqu'elles ne sont pas couvertes par un accord relatif à l'égalité professionnelle dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire ;
- à défaut d'accord, en cas de non-réalisation des objectifs et des mesures du plan d'action défini dans le rapport annuel sur la situation économique de l'entreprise visé à l'article L. 2323-47 (entreprises de moins de 300 salariés) ou dans le rapport sur la situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes visé à l'article L. 2323-57 (entreprises d'au moins 300 salariés).
Cette pénalité, d’un montant maximum de 1 % de la masse salariale, est fixée par l’Administration, qui prend en compte les efforts de l’entreprise en matière d’égalité hommes-femmes et, le cas échéant, les motifs de sa défaillance.
Le décret n° 2011-822 du 7 juillet 2011 relatif à la mise en œuvre des obligations des entreprises pour l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes a précisé les conditions d'application de cette pénalité.
La circulaire du 28 octobre 2011 apporte de nouvelles précisions sur la mise en œuvre de ce dispositif de pénalité financière.
2. Entreprises concernées par la pénalité de 1 %
Sont visés les employeurs de droit privé, les établissements publics à caractère industriel et commercial et les établissements publics à caractère administratif lorsqu'ils emploient du personnel dans les conditions du droit privé.
L'effectif de l'entreprise est calculé conformément aux dispositions classiques des articles L. 1111-2 et L. 1111-3 du Code du travail.
Pour les entreprises de travail temporaire (ETT), il est fait application des dispositions de l'article L. 1251-54 du Code du travail (le texte prévoit qu’il est tenu compte des salariés permanents de l’ETT, déterminés conformément à l'article L. 1111-2, et des salariés temporaires qui ont été liés à l’ETT par des contrats de mission pendant une durée totale d'au moins trois mois au cours de la dernière année civile).
Enfin, toutes les entreprises d'au moins 50 salariés sont concernées par cette pénalité, qu'elles disposent ou non d'institutions représentatives du personnel (y compris en cas de carence du comité d'entreprise).
3. Entrée en vigueur du dispositif
Le dispositif de la pénalité de 1 % entre en vigueur le 1er janvier 2012.
Toutefois, pour les entreprises couvertes au 10 novembre 2010 par un accord, la pénalité n'entre en vigueur qu'à l'échéance de l'accord indépendamment de son contenu, et au plus tard dans un délai de 3 ans après la conclusion de celui-ci (obligation triennale de négocier en matière d'égalité).
4. Contenu de l'accord ou, à défaut, du plan d'action
Les entreprises doivent être couvertes par un accord collectif ou, à défaut, par un plan d'action fixant (i) des objectifs de progression, (ii) des actions permettant de les atteindre et (iii) des indicateurs chiffrés, sur au moins :
- 2 des 8 domaines d'action énumérés à l'article L. 2323-47 du Code du travail pour les entreprises de moins de 300 salariés,
- 3 des 8 domaines d'action énumérés à l'article L. 2323-57 du Code du travail pour les entreprises de 300 salariés et plus.
Ces domaines d'action sont les suivants : embauche, formation, promotion professionnelle, qualification, classification, conditions de travail, rémunération effective, articulation entre l'activité professionnelle et l'exercice de la responsabilité familiale.
La Circulaire détermine la méthodologie applicable, précisant que les entreprises doivent se fixer des objectifs de progression, programmer des actions permettant de les atteindre et se doter d’indicateurs chiffrés pour suivre ces objectifs et actions.
Pour les ETT, l'accord ou, à défaut, le plan d'action concerne uniquement les salariés permanents. Il appartient en effet aux entreprises utilisatrices d’assurer l'égalité de traitement entre les salariés temporaires et leurs salariés permanents dans le cadre de la mise en œuvre des accords ou des plans d'action.
Dès lors qu'un accord collectif relatif à l'égalité professionnelle a été conclu, l'entreprise est couverte pour la durée de cet accord, c'est-à-dire pour 3 ans.
5. Niveau de négociation ou d'élaboration du plan d'action
5.1. Accord
La négociation sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes doit avoir lieu au niveau de l'entreprise. ATTENTION : l’existence d'un accord de branche sur ce thème n'a pas pour effet d'exonérer l'entreprise de la pénalité.
Selon la circulaire, l'employeur peut toutefois engager la négociation par établissement ou groupe d'établissements, s'il existe des organisations syndicales représentatives dans chacun d'eux et si aucune des organisations ne s'oppose à cette négociation décentralisée.
Enfin, en cas de conclusion d’un accord de groupe, au sens de l’article L. 2331-1 du Code du travail, celui-ci doit être décliné (et éventuellement adapté) dans chacune des entreprises du groupe par accord ou dans le plan d'action.
5.2. Plan d’action
Le plan d’action doit être intégré dans le rapport annuel sur la situation économique de l'entreprise visé à l'article L. 2323-47 (pour les entreprises de moins de 300 salariés) ou dans le rapport sur la situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes visé à l'article L. 2323-57 (pour les entreprises d'au moins 300 salariés).
Ces rapports doivent être soumis au comité d’entreprise.
Le plan d’action peut être conçu au niveau de l'entreprise puis décliné et adapté dans chacun des établissements, avant information/consultation du comité d'établissement, puis transmission au comité central d'entreprise.
La circulaire indique que l'entreprise à établissements multiples ne sera pas redevable de la pénalité si chacun de ses établissements est doté d'un plan d'action.
6. Procédure de dépôt de l'accord
Les accords doivent être déposés auprès de la DIRECCTE dans le ressort de laquelle ils ont été conclus. Conformément à l'article D. 2231-2 du Code du travail, le dépôt doit être fait en deux exemplaires, dont une version sur support papier signée des deux parties et une version sur support électronique. ATTENTON : l'administration ne se prononce pas, lors de ce dépôt, sur la conformité de l'accord.
Le plan d'action n'a, en revanche, pas à être déposé à la DIRECCTE puisqu'il fait partie intégrante du rapport unique ou du rapport de situation comparée, qui doivent être transmis à l'inspecteur du travail, ou tenus à sa disposition dans les entreprises de moins de 300 salariés.
7. Procédure de contrôle des entreprises
7.1. Grille d’analyse du contrôle
La circulaire a fourni une grille d’analyse aux contrôleurs, leur permettant de vérifier si les entreprises contrôlées remplissent les obligations relatives à l’égalité hommes/femmes.
Cette grille est la suivante :
- Nombre de domaines d’action traités dans l’accord ou le plan d’action :
- Entreprise de 50 à 299 salariés : 2
- Entreprise de 300 salariés et plus : 3
- Manque-t-il des domaines d’action ? : si oui, l’accord ou le plan est insuffisant.
- Objectifs de progression et actions permettant de les atteindre :
- Existe-t-il des objectifs de progression et des actions rattachés aux domaines d’action ?
- Si seuls les objectifs de progression sont présents, l’accord ou le plan est insuffisant.
- Si seules les actions sont indiquées, l’accord ou le plan est insuffisant.
- Les objectifs de progression et les actions sont accompagnés d’indicateurs chiffrés :
- Les indicateurs chiffrés sont-ils indiqués et renseignés ?
- Si non, l’accord ou le plan d’action est insuffisant.
Les entreprises ont naturellement intérêt à vérifier leurs accords ou plans d’action en amont de tout contrôle, à l’aune de cette grille d’analyse.
7.2. Mise en demeure préalable
En l'absence d'accord ou de plan d'action, ou en cas d'accord ou de plan d'action non conforme aux textes, l'inspecteur ou le contrôleur du travail met en demeure l'employeur de combler cette carence dans un délai de 6 mois.
Comme l’énonce la Circulaire, et conformément à l’article R. 22423 du Code du travail, cette mise en demeure doit lister l'ensemble des manquements relevés et fixe sa date d'échéance.
7.3. Période de régularisation
A la suite de la mise en demeure, l'entreprise dispose de 6 mois pour négocier ou compléter son accord collectif ou, à défaut, pour établir ou modifier son plan d'action. Ces documents sont transmis à l'inspecteur du travail, par lettre recommandée avec accusé de réception.
La procédure applicable dans ce délai est la suivante :
- Si l'inspecteur du travail estime, à la lumière des documents transmis, que l'employeur n'a pas régularisé entièrement sa situation, il l'invite à procéder à cette régularisation ;
- Cette invitation n'ouvre pas pour autant un nouveau délai de 6 mois ;
- A sa demande, l'employeur peut être entendu.
Lorsque l'entreprise estime ne pas être en mesure de régulariser sa situation sur tout ou partie des insuffisances relevées, elle adresse à l'inspecteur ou au contrôleur du travail une demande de prise en compte des motifs de sa défaillance (difficultés économiques, restructuration ou fusion en cours, procédure collective, etc.).
La Circulaire précise que peut être pris en compte tout motif « indépendant de la volonté de l’employeur et de nature à justifier la non régularisation de sa situation. »
Il appartiendra à la jurisprudence de se prononcer sur le sujet.
7.4. Application de la pénalité
La décision d'appliquer ou non la pénalité appartient au DIRECCTE, qui ne peut déléguer son pouvoir d'appréciation et de notification.
Ce dernier est informé par l'inspecteur ou le contrôleur du travail sur la situation de l'entreprise, à l'issue des 6 mois suivant la mise en demeure ou dès lors que l'entreprise a transmis des éléments de nature à répondre aux manquements relevés.
Si l'entreprise a régularisé sa situation, le DIRECCTE notifie sans délai sa décision de ne pas appliquer la pénalité.
Dans le cas contraire, à l'issue du délai de 6 mois, le DIRECCTE détermine s'il y a lieu d'appliquer la pénalité et en fixe le taux (1 % au maximum) en tenant compte des éléments suivants :
- de l'importance des obligations demeurant non respectées ;
- des motifs de défaillance dont a justifié l'employeur ;
- des autres mesures qu'il a prises en matière d'égalité professionnelle ;
- de sa bonne foi.
Le DIRECCTE notifie à l'employeur sa décision motivée précisant le taux de la pénalité qui lui est appliqué, dans le délai d'un mois à compter de l'expiration de la mise en demeure.
7.5. Etablissement du montant de la pénalité et recouvrement
La pénalité n'est pas rétroactive. Elle ne s'applique qu'à compter de la décision de notification du taux à l'employeur. Elle prend la forme d'une astreinte due par l'entreprise tant qu'elle n'a pas régularisé sa situation.
Le montant de la pénalité est calculé sur la base de la masse salariale (ensemble des gains et rémunérations au sens du premier alinéa de l'article L. 242-1 du CSS) versée pour chaque mois civil entier à compter du terme de la mise en demeure.
La masse salariale doit être communiquée par l'employeur au DIRECCTE dans le délai d'un mois suivant la notification du taux de la pénalité.
ATTENTION: à défaut de transmission de ces éléments par l'employeur, la pénalité est calculée sur la base de deux fois la valeur du plafond mensuel de la sécurité sociale par salarié et par mois civil entier à compter du terme de la mise en demeure.
Le DIRECCTE établit un titre de perception et le transmet au directeur régional ou départemental des finances publiques territorialement compétent ou au comptable de la direction générale des finances publiques qui en assure le recouvrement comme en matière de créance étrangère à l'impôt et au domaine.
Xavier Berjot
Avocat Associé
OCEAN AVOCATS