1. Règles de principe
L. 3121-4 du Code du travail, issu de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, fixe trois règles de principe :
- Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif.
- Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière, déterminée par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par décision unilatérale de l'employeur prise après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'il en existe.
- La part du temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire.
Si ces règles légales peuvent sembler claires, leur application pratique dans l’entreprise est parfois plus problématique.
2. Applications pratiques
a. Déplacements domicile / lieu habituel de travail
Le temps de trajet entre le domicile et le lieu « habituel » de travail ne constitue pas, en soi, un temps de travail effectif (Cass. soc. 13 décembre 2006, n° 04-45.542).
Il en résulte que ce temps n’entre pas en compte dans le calcul de la durée du travail, et n’a pas à être rémunéré ou indemnisé.
Il en va de même du trajet retour du salarié, c’est-à-dire de son lieu de travail à son domicile.
Si cette solution est bien établie, un premier écueil doit être évité, qui concerne l’astreinte.
En effet, le temps de déplacement accompli lors de périodes d'astreinte fait partie intégrante de l'intervention elle-même, et doit donc être décompté et rémunéré comme du temps de travail effectif (Cass. soc. 31 octobre 2007, n° 06-43.834).
b. Déplacements domicile / lieu d’exécution du contrat de travail
Est ici visé le déplacement professionnel vers un lieu de travail qui n’est pas le lieu « habituel » de travail du salarié.
Dans un tel cas, sous réserve de dispositions conventionnelles ou d'usages plus favorables :
- Ce temps de déplacement n'entre pas dans le décompte de la durée du travail, en particulier pour l'application de la législation sur les heures supplémentaires (majorations, contingent annuel et contrepartie obligatoire en repos) ;
- Il n'a pas à être rémunéré, sauf s'il coïncide avec l'horaire de travail ;
- Dans l'hypothèse où il excède le « temps normal de trajet »entre le domicile et le lieu « habituel » de travail, seule une contrepartie sous forme de repos ou sous forme financière (par exemple une indemnité de trajet) doit être prévue.
Pour les salariés itinérants (chauffeurs, livreurs, techniciens de maintenance, etc.), qui n’ont pas de lieu de travail habituel, la question se pose de savoir ce qu’il faut entendre par « temps normal de trajet. »
Pour la Cour de cassation (Cass. soc. 22 juin 2011, n° 10-12.920), le « temps normal de trajet » se détermine par référence à celui d’un travailleur type se rendant de son domicile à son lieu de travail habituel.
Cet arrêt doit être rapproché d’un arrêt du 7 mai 2008 selon lequel le temps normal de trajet s’apprécie « dans la région concernée » (Cass. soc. 7 mai 2008, n° 07-42.702).
En pratique, à défaut de précisions dans la convention collective, il revient à l’employeur de définir un temps de trajet moyen entre le domicile et le lieu de travail (ex. 45 min. en région parisienne).
Dans un second temps, l’employeur doit déterminer la contrepartie due au salarié pour la partie du déplacement excédant ce temps moyen (ex. une indemnité de 30 % du taux horaire par heure de trajet).
Dans tous les cas, la décision unilatérale de l’employeur doit intervenir après consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel, et les salariés doivent connaître les règles applicables (au moyen, par exemple, d’une note de service).
c. Déplacements entre deux lieux de travail
Le temps de trajet entre deux lieux de travail (entre l'entreprise et le chantier, entre deux chantiers ou deux lieux de mission) constitue du temps de travail effectif (Cass. soc. 5 novembre 2003, n° 01-43.109).
Par conséquent, ce temps entre en compte dans la détermination de la durée du travail, le calcul des heures supplémentaires et des majorations afférentes, ainsi que dans l'appréciation des durées maximales du travail.
En conclusion, rappelons que les règles visées ci-dessus ne s’appliquent pas si les salariés itinérants sont soumis à une convention de forfait en jours.
Xavier Berjot
Avocat Associé
OCEAN Avocats