Inaptitude professionnelle : seule la consultation des délégués du personnel est valable

Publié le 26/06/2016 Vu 2 387 fois 0
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La Cour de cassation vient de juger qu’est sans cause réelle et sérieuse le licenciement d'un salarié déclaré inapte à la suite d'un accident du travail, après consultation du comité d'entreprise sur son reclassement préalable, à la place des délégués du personnel (Cass. soc. 14 juin 2016, n° 14-23.825).

La Cour de cassation vient de juger qu’est sans cause réelle et sérieuse le licenciement d'un salarié dé

Inaptitude professionnelle : seule la consultation des délégués du personnel est valable

1/ Rappel sur l’obligation de consultation des délégués du personnel

A l’issue de la suspension du contrat de travail liée à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur doit lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités.

L’article L. 1226-10, al. 2 du Code du travail précise que cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel (DP), les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise.

A défaut de consultation des DP, le salarié doit bénéficier d’une indemnité minimum de 12 mois de salaire, se cumulant avec l’indemnité compensatrice et, le cas échéant, l’indemnité spéciale de licenciement prévue à l’article L. 1226-14 (C. trav. art. L. 1226-15, al. 3).

La jurisprudence considère, de longue date, que la consultation des DP est une formalité substantielle qui s’impose en tout état de cause.

Ainsi, l’obligation de consulter ces derniers s’applique, que l’inaptitude du salarié soit temporaire ou définitive (Cass. soc. 16 juin 1988, n° 85-46452).

Par ailleurs, l’impossibilité du reclassement du salarié inapte ne saurait excuser l’absence de consultation des DP (Cass. soc. 22 juin 1994, n° 91-41610), et ce même si cette impossibilité a été actée par le comité d’entreprise (Cass. soc. 30 octobre 1991, n° 87-43801).

En l’absence de DP dans l’entreprise, l’employeur est délié de son obligation de consultation dans deux cas bien précis :

- D’une part, si l’effectif de l’entreprise est inférieur à 11 salariés, puisque celle-ci n’est alors pas assujettie à l’obligation de mise en place des DP ;

- D’autre part, si l’effectif de l’entreprise est supérieur mais que l’employeur peut produire un procès-verbal de carence de l’élection des DP (Cass. soc. 7 décembre 1999, n° 97-43106).

NB : seul un procès-verbal établi à l’issue du second tour de scrutin justifie le respect, par l’employeur, de ses obligations en matière d’organisation des élections des DP, puisque l’organisation d’un second tour est obligatoire en cas de carence de candidature syndicale au premier tour (Cass. soc. 28 avril 2011, n° 09-71658).

Enfin, l’employeur ne saurait se soustraire à son obligation de consultation des DP en établissant avoir procédé à la consultation du comité d’entreprise en l’absence de DP (Cass. soc. 22 mars 2000, n° 98-41166).

La Cour de cassation vient de le rappeler, dans sa décision du 14 juin 2016 (n° 14-23.825), approuvant la Cour d’appel d’avoir considéré comme inopérante la consultation du comité d’entreprise à la place des DP.

 

2/ Modalités de l’obligation de consultation des délégués du personnel

L’avis des DP sur le reclassement du salarié ayant fait l’objet d’une inaptitude professionnelle doit être recueilli après la constatation de l’inaptitude dans les conditions prévues à l’article R. 4624-31 du Code du travail (Cass. soc. 15 octobre 2002, n° 99-44623).

Ce texte dispose que le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s’il a réalisé :

- une étude de ce poste ;

- une étude des conditions de travail dans l’entreprise ;

- deux examens médicaux de l’intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires.

Par exception, lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celle des tiers ou lorsqu’un examen de préreprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l’avis d’inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen.

Si l’avis des DP doit être recueilli après la constatation de l’inaptitude, il doit l’être avant la proposition au salarié d’un poste de reclassement (Cass. soc. 28 octobre 2009, n° 08-42804).

L’employeur doit consulter tous les DP et pas seulement une partie d’entre eux (Cass. soc. 3 juillet 1990, n° 87-41946).

En cas de délégation unique du personnel (DUP), l’employeur doit veiller à consulter cette DUP en tant que délégués du personnel et non de comité d’entreprise (Cass. soc. 25 février 2009, n° 07-42412).

A défaut, le salarié inapte est éligible à l’indemnité de 12 mois de salaire.

La question se pose, par ailleurs, de savoir si l’employeur doit consulter les DP préalablement à chaque proposition de reclassement au salarié inapte (ce qui peut sembler conforme à l’esprit du texte).

La Cour de cassation y a apporté une réponse négative, jugeant que les DP ayant été consultés avant une première proposition de reclassement au salarié n’ont pas à l’être à nouveau préalablement à une seconde proposition de reclassement (Cass. soc. 3 juillet 2001, n° 98-43326).

L’avis des DP concluant à l’absence de possibilité de reclassement du salarié ne dispense pas l’employeur de rechercher l’existence d’une telle possibilité dans l’entreprise ou le groupe (Cass. soc. 20 juillet 1994, n° 91-41420).

Enfin, l’employeur doit naturellement fournir aux DP les informations nécessaires pour leur permettre de donner un avis en connaissance de cause sur les possibilités de reclassement du salarié reconnu inapte.

Ainsi, une cour d’appel qui relève que l’employeur n’avait pas porté à leur connaissance les conclusions du médecin du travail sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise, en a justement déduit que la consultation était irrégulière (Cass. soc. 26 janvier 2011 n° 09-72.284).

 

Xavier Berjot
Avocat Associé
OCEAN AVOCATS
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