1. Fondement de l’obligation de reclassement
Selon l’article L. 1226-2, alinéa 1er du Code du travail, « lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. »
Une règle similaire est prévue à l’article L. 1226-10 du Code du travail en matière d’inaptitude consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle.
Ces dispositions s’appliquent au contrat à durée indéterminée mais aussi au contrat à durée déterminée (Cass. soc. 8 juin 2005, n° 03-44913).
Elles présentent un caractère d’ordre public, ce qui signifie que l’employeur et le salarié ne peuvent pas y échapper en signant une rupture d'un commun accord du contrat de travail (Cass. soc. 29 juin 1999, n° 96-44160).
De la même manière, est nulle la rupture conventionnelle conclue avec un salarié victime d’un accident du travail, qui allait faire l’objet d’un avis d’inaptitude (CA Poitiers 28 mars 2012, n° 10/02441).
2. Naissance de l’obligation de reclassement
L’obligation de reclassement naît dès la constatation de l’inaptitude par le médecin du travail, dans les conditions visées à l’article R. 4624-31 du Code du travail.
Ainsi, l’inaptitude ne peut être constatée par ce dernier qu’après avoir réalisé une étude du poste du salarié, une étude des conditions de travail dans l'entreprise et procédé à deux examens médicaux espacés de deux semaines.
Par exception, lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers ou lorsqu'un examen de préreprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l'avis d'inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen.
3. Portée géographique de l’obligation de reclassement
La recherche du poste de reclassement doit s’effectuer tout d’abord au niveau de l’entreprise et de l’ensemble de ses établissements.
Par ailleurs, si l’entreprise appartient à un groupe, l’employeur est tenu d’effectuer cette recherche parmi les entreprises du groupe dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation lui permettent d’effectuer la mutation de tout ou partie du personnel (Cass. soc. du 10 mars 2004, n° 03-42744).
De surcroît, si l'employeur exploite une franchise, sa recherche de reclassement doit s'effectuer au sein des autres entreprises franchisées exerçant sous la même enseigne commerciale, s’il existe entre elles des possibilités de permutation du personnel (Cass. soc. 20 février 2008, n° 06-45335).
4. Nature du poste de reclassement
Le nouvel emploi proposé au salarié inapte doit être aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail (articles L. 1226-2, alinéa 3 et L. 1226-10 du Code du travail).
Les propositions de l’employeur doivent prendre en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.
Par ailleurs, en cas d’inaptitude professionnelle, l’employeur doit solliciter l’avis des délégués du personnel sur le poste proposé au salarié (article L. 1226-10 du Code du travail).
L’avis des délégués du personnel doit être recueilli avant le licenciement et après le second examen médical effectué par le médecin du travail, c’est-à-dire à l’issue de la déclaration d’inaptitude (Cass. soc. 8 avril 2009, n° 07-44307).
Il convient de préciser que les délégués du personnel doivent être consultés, même lorsque l’employeur invoque une impossibilité de reclassement (Cass. soc. 11 juin 2008, n° 06-45537).
Enfin, la proposition de poste faite au salarié doit être suffisamment précise, et contenir des éléments tels que : libellé du poste, fonction, qualification, rémunération, lieu de travail, durée du travail, etc. (Cass. soc. 7 mars 2012, n° 10-18118).
- Délai de reclassement
Le Code du travail ne prévoit aucun délai dans lequel doit intervenir la recherche de reclassement du salarié.
En pratique, l’employeur a cependant intérêt à travailler sur cette recherche dès la constatation de l’inaptitude.
En effet, lorsque le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou licencié dans le délai d’un mois à compter de la constatation de l’inaptitude, l'employeur doit lui verser, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi qu’il occupait (article L. 1226-2 et article L. 1226-11 du Code du travail).
Ces dispositions ne signifient pas que le reclassement doit intervenir dans le délai d’un mois à compter de l’inaptitude.
Toutefois, elles invitent l’employeur à mener les recherches de reclassement avec diligence, sous peine de devoir reprendre le versement de la rémunération du salarié déclaré inapte à l’issue du délai d’un mois visé ci-dessus.
- Limites de l’obligation de reclassement
Si l’obligation de reclassement présente un caractère étendu, elle n’en comporte pas moins certaines limites.
En effet, la recherche de reclassement ne porte que sur les postes disponibles dans l’entreprise ou, le cas échéant, dans le groupe.
C’est ainsi que la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 21 mars 2012 (n° 10-18118) que l’employeur n’avait pas l’obligation de créer un nouveau poste pour le salarié inapte.
Par ailleurs, l'employeur ne saurait imposer à un autre salarié une modification de son contrat de travail, aux fins de libérer son poste pour le proposer à titre de reclassement (Cass. soc. 15 novembre 2006, n° 05-40408).
- Conséquences du refus du salarié
La question se pose enfin de savoir comment l’employeur doit réagir face au refus du salarié des offres de reclassement.
La jurisprudence considère que le refus par le salarié du poste de reclassement proposé par l'employeur ne constitue pas une faute.
Par conséquent, face au refus du salarié, l'employeur doit lui proposer un nouveau poste de reclassement ou le licencier pour inaptitude et impossibilité de reclassement (Cass. soc. 9 avril 2002, n° 99-44192).
Xavier Berjot
Avocat Associé
OCEN Avocats