1. Thèmes de la négociation annuelle obligatoire
A titre préalable, il est rappelé que, selon l'administration, la négociation annuelle obligatoire (ci-après « NAO ») ne s'applique pas dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux (Circulaire DSS-DGT n° 92 du 7 mars 2011).
Dans les entreprises soumises à la NAO, les thèmes de cette négociation sont visés aux articles L. 2245-5 et suivants du Code du travail.
Pour l’essentiel, la NAO porte sur les sujets suivants :
- Les objectifs d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l'entreprise (conditions d'accès à l'emploi, à la formation professionnelle et à la promotion professionnelle, conditions de travail et d'emploi, etc.) (article L. 2242-5).
- La suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes (article L. 2242-7).
- Les salaires effectifs, la durée effective et l'organisation du temps de travail, notamment la mise en place du travail à temps partiel ou l'augmentation de la durée du travail à la demande des salariés, la formation ou la réduction du temps de travail (article L. 2242-8).
- L'évolution de l'emploi dans l'entreprise, et notamment le nombre des contrats de travail à durée déterminée, des missions de travail temporaire, le nombre des journées de travail effectuées par les intéressés, les prévisions annuelles ou pluriannuelles d'emploi établies dans l'entreprise (article L. 2242-9).
Il existe d’autres thèmes visés par les articles suivants, qui sont plus spécifiques, comme le régime de prévoyance maladie ou les travailleurs handicapés.
Enfin, d’une manière générale, toutes les négociations obligatoires doivent prendre en compte l’objectif d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (article L. 2242-6 du Code du travail).
2. Consultation préalable du comité d’entreprise
En vertu d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation (Cass. soc. 5 mai 1998, n° 96-13498 ; Cass. soc. 10 mars 2010, n° 08-44950), l'employeur est tenu de consulter le comité d'entreprise lorsque un accord collectif porte sur l'une des questions ou mesures visées par l'article L. 2323-6 du Code du travail.
Ce texte dispose que « le comité d'entreprise est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle. »
L'arrêt du 5 mai 1998, susvisé, a précisé que la consultation du comité d’entreprise « doit avoir lieu concomitamment à l'ouverture de la négociation et au plus tard avant la signature de l'accord. »
Par conséquent, il convient impérativement de procéder à une information / consultation du comité d’entreprise à l’occasion de la mise en place de la NAO et, en tout état de cause, préalablement à la signature d’un accord ou à l’établissement d’un procès-verbal de désaccord.
3. Périmètre de la négociation annuelle obligatoire
Par principe, la NAO doit être engagée au niveau de l'entreprise elle-même (Cass. soc. 21 mars 1990, n° 88-14.794).
Cela étant, la jurisprudence considère que l'employeur peut engager la NAO « par établissements ou par groupes d'établissements », à la double condition suivante :
- Qu'aucune des organisations syndicales représentatives dans cet établissement ou ce groupe d'établissements ne s'y oppose (Cass. soc. 21 mars 1990, n° 88-14794) ;
- Qu'il existe des représentants d'organisations représentatives dans chacun des établissements ou groupes d’établissements (Cass. crim. 4 décembre 1990, n° 89-83283).
Le Code du travail consacre cette possibilité de mener la NAO dans un cadre différent de l’entreprise, puisque l’article L. 2242-11 dispose que « dans les entreprises comportant des établissements ou groupes d'établissements distincts, cette négociation peut avoir lieu au niveau de ces établissements ou groupes d'établissements. »
4. Déroulement de la négociation annuelle obligatoire
4.1.Convocation
Il résulte de l’article L. 2242-1 du Code du travail que la NAO doit être engagée chaque année « à l’initiative de l’employeur. »
Le même texte précise qu’à défaut d'une initiative de l'employeur depuis plus de 12 mois suivant la précédente négociation, celle-ci s'engage obligatoirement à la demande d'une organisation syndicale représentative.
La demande de négociation formulée par l'organisation syndicale doit être transmise dans les huit jours par l'employeur aux autres organisations représentatives et, dans les 15 jours qui suivent la demande formulée par l’organisation syndicale, l'employeur doit convoquer les parties à la négociation annuelle.
Précisons que le délai de 12 mois, à l’issue duquel les organisations syndicales peuvent demander l'ouverture des négociations, commence à courir à compter du début de la négociation précédente (Circulaire DRT n° 86-16 du 23 décembre 1986).
4.2.Première réunion
Selon l’article L. 2242-2 du Code du travail, l’objet de la première réunion est de préciser :
- Le lieu et le calendrier des réunions ;
- Les informations que l'employeur remettra aux délégués syndicaux et aux salariés composant la délégation.
Le texte prévoit que ces informations doivent permettre une analyse comparée de la situation des hommes et des femmes concernant les emplois et les qualifications, les salaires payés, les horaires effectués et l'organisation du temps de travail.
Ces informations doivent faire apparaître les raisons de ces situations.
A l’issue de cette première réunion, il et conseillé d’établir un compte-rendu, afin d’éviter des contestations ultérieures.
Il est également possible, mais pas obligatoire, de conclure un accord collectif, dont l’objet est de déterminer d’un commun accord les modalités de la NAO.
4.3.Réunion(s) ultérieure(s)
Les parties définissent librement le nombre de réunions de la NAO, comme indiqué ci-dessus.
Ainsi, le Code du travail ne fixe pas le nombre minimal de réunions de la NAO.
En tout état de cause, il ne peut pas y avoir moins de deux réunions, c’est-à-dire une première réunion d’organisation matérielle et une seconde réunion de négociation proprement dite.
5. Interdiction des décisions unilatérales en cours de NAO
Selon l’article L. 2242-3 du Code du travail, « tant que la négociation est en cours conformément aux dispositions de la présente section, l'employeur ne peut, dans les matières traitées, arrêter de décisions unilatérales concernant la collectivité des salariés, sauf si l'urgence le justifie. »
A titre d’exemple, est nulle la dénonciation d'un accord collectif portant sur les matières traitées au cours de la négociation, effectuée par l’employeur en cous de NAO (Cass. soc. 29 juin 1994, n° 91-18640).
L’interdiction de prendre des décisions unilatérales débute à compter de la première réunion de NAO (cf. § 4.2. ci-dessus).
Il importe de préciser que les mesures unilatérales que l’employeur ne peut pas prendre sont celles qui ont trait aux matières de la NAO (cf. § 1 susvisé).
En revanche, rien n’interdit à l’employeur de prendre des mesures collectives dans d’autres matières (ex. changement de lieu de travail) ou des mesures individuelles (ex. augmentation individuelle, octroi d’une prime).
6. Issue de la négociation annuelle obligatoire
6.1.Conclusion d’un accord collectif
En cas d’accord entre les parties à l’issue de la NAO, celui-ci soumis aux règles habituelles applicables aux accords collectifs.
En d’autres termes, pour être valable, l’accord doit être signé par un ou plusieurs syndicats représentatifs dans l’entreprise ou l’établissement ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants.
Par ailleurs, l’accord ne doit pas rencontrer l’opposition d’un ou plusieurs syndicats représentatifs ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés à ces mêmes élections, l’opposition devant être exprimée dans les huit jours (article L. 2232-12 du Code du travail).
Rappelons que l’accord collectif doit faire l'objet d'un dépôt auprès de l'administration et du greffe du conseil de prud'hommes.
6.2.Etablissement d’un procès-verbal de désaccord
Si, au terme de la négociation, aucun accord n'a été conclu, un procès-verbal de désaccord doit être établi, dans lequel sont consignées, en leur dernier état, les propositions respectives des parties et les mesures que l'employeur entend appliquer unilatéralement (article L. 2242-4 du Code du travail).
Ce procès-verbal doit donner lieu à dépôt, à l'initiative de la partie la plus diligente, à la DIRECCTE, en deux exemplaires dont l’un sous forme électronique, et au greffe du conseil de prud’hommes (article R. 2242-1 et D. 2231-2 du Code du travail).
Xavier Berjot
Avocat Associé
OCEAN Avocats