1. Conditions de validité des bons de délégation
Pour la Cour de cassation, la pratique des bons de délégation est licite, mais « ne peut être détournée de son seul objet d'information préalable d'un déplacement pour l'exercice du mandat dans ou en dehors de l'entreprise » (Cass. soc. 10 mai 2006, n° 05-40802).
Il en résulte que l’employeur ne peut se servir de ce dispositif pour instaurer un contrôle préalable de l’activité des représentants du personnel.
A titre d’illustration, la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé illicite la procédure de délivrance des bons de délégation instaurée par une note de service exigeant que ceux-ci ne soient délivrés que si le crédit d'heures dont disposaient les représentants du personnel n'était pas épuisé et si leur absence correspondait à la fonction exercée (Cass. crim. 25 mai 1982, n° 81-93443).
En effet, une telle note de service avait pour objet d’instituer un contrôle a priori du chef d'entreprise et une autorisation préalable d'absence des représentants du personnel.
Précisons, enfin, que l’administration reconnait depuis longtemps la licéité de la pratique des bons de délégation, dans la mesure où ils ne sont qu'un « procédé comptable » (Rép. Jacquot : AN 26 janvier 1987 p. 328 n° 10946).
2. Mise en place des bons de délégation
Puisque les bons de délégation ne sont pas prévus par le Code du travail, la question se pose de savoir comment l’employeur peut les mettre en place dans l’entreprise.
Depuis un arrêt du 12 avril 1988, la Cour de cassation exige que les bons de délégations soient mis en place à l'issue d'une procédure « de concertation » avec les représentants du personnel (Cass. crim. 12 avril 1988 n° 87-84.148).
Cette procédure de consultation implique soit la conclusion d’un accord collectif avec les syndicats représentatifs dans l’entreprise, soit la conclusion d’un accord atypique avec le comité d’entreprise.
Par ailleurs, certaines conventions collectives prévoient la possibilité d’utiliser des bons de délégation.
Ainsi, l’article 21 de la convention collective des commerces de quincaillerie, relatif aux délégués du personnel, dispose que « l'usage de bons de délégation pourra être institué dans l'établissement afin de faciliter le décompte des heures. »
En conclusion, l’employeur ne peut pas les mettre en place unilatéralement dans l’entreprise (Cass. crim. 10 janv. 1989, n° 87-80048).
Un tel procédé serait assimilé à un délit d’entrave, exposant l’employeur à d’éventuelles sanctions pénales.
3. Fonctionnement des bons de délégation
En pratique, le bon de délégation est un simple document écrit qui comporte certaines mentions telles que les nom et prénom du représentant du personnel, la nature de son mandat, la durée de son absence, le visa du responsable hiérarchique et celui du représentant du personnel.
Le bon de délégation est signé préalablement à l’utilisation du crédit d’heures par le représentant du personnel.
Son seul objet est de permettre d’éviter toute contestation concernant le décompte des heures de délégation.
Ainsi, la pratique des bons de délégation ne peut, en aucun cas, imposer au représentant du personnel de préciser les motifs de son absence (Cass. crim. 12 avril 1988, n° 87-84148) ou instituer un contrôle préalable de l’employeur (cf. § 2).
En revanche, la jurisprudence admet que l’utilisation du crédit d’heures soit soumise à un délai de prévenance (même arrêt).
4. Litiges relatifs aux bons de délégation
La délivrance de bons de délégation n'implique pas la reconnaissance, par l'employeur, de l'utilisation des heures de délégation conformément à leur objet (Cass. soc. 13 janvier 1999, n° 96-43678).
Cela étant, les heures mentionnées sur les bons de délégation par un représentant du personnel doivent nécessairement être payées par l’employeur.
En effet, selon l’article L. 2325-7 du Code du travail, applicable au comité d’entreprise, « le temps passé en heures de délégation est de plein droit considéré comme temps de travail et payé à l'échéance normale. L'employeur qui entend contester l'utilisation faite des heures de délégation saisit le juge judiciaire. »
Le non-respect du dispositif des bons de délégation, par le représentant du personnel, peut justifier une sanction disciplinaire, voire son licenciement (CE 8 août 2002, n° 109749).
Toutefois, la méconnaissance des règles relatives aux bons de délégation est sans influence sur la rémunération des heures de délégation, qui doit être maintenue (Cass. soc. 12 juillet 2006 n° 04-44532).
Enfin, précisons que le délégué syndical ayant rempli des bons de délégation mentionnant des activités à l’intérieur de l’entreprise, alors qu'il s'était en réalité absenté pour se consacrer à des activités syndicales dans une entreprise étrangère, peut se rendre coupable d'escroquerie (Cass. crim. 8 juillet 1986, n° 85-90088).
Xavier Berjot
Avocat Associé
OCEAN Avocats