1. La fiche individuelle de suivi des conditions de pénibilité
a. Détermination et prévention des facteurs de risques
Cette obligation s’applique aux expositions intervenues à compter d'une date fixée par décret (et au plus tard le 1er janvier 2012), quelle que soit la taille de l’entreprise, aux travailleurs exposés à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur la santé.
Les facteurs de risques ont été définis par le décret n° 2011-354 du 30 mars 2011, ayant inséré un nouvel article D. 4121-5 dans le Code du travail, et sont les suivants :
1° Au titre des contraintes physiques marquées :
a) Les manutentions manuelles de charges définies à l'article R. 4541-2 ;
b) Les postures pénibles définies comme positions forcées des articulations ;
c) Les vibrations mécaniques mentionnées à l'article R. 4441-1.
2° Au titre de l'environnement physique agressif :
a) Les agents chimiques dangereux mentionnés aux articles R. 4412-3 et R. 4412-60, y compris les poussières et les fumées ;
b) Les activités exercées en milieu hyperbare définies à l'article R. 4461-1 ;
c) Les températures extrêmes ;
d) Le bruit mentionné à l'article R. 4431-1 ;
3° Au titre de certains rythmes de travail :
a) Le travail de nuit dans les conditions fixées aux articles L. 3122-29 à L. 3122-31 ;
b) Le travail en équipes successives alternantes ;
c) Le travail répétitif caractérisé par la répétition d'un même geste, à une cadence contrainte, imposée ou non par le déplacement automatique d'une pièce ou par la rémunération à la pièce, avec un temps de cycle défini.
Bien entendu, cette liste des facteurs de risques constitue une « base minimum » et les partenaires sociaux sont libres d’intégrer d’autres facteurs de pénibilité non énumérés par le texte mais propres à l’entreprise.
Selon les textes, la fiche individuelle de suivi des conditions de pénibilité doit être établie en cohérence avec l'évaluation des risques « prévue à l'article L. 4121-3. » En d’autres termes, l’employeur doit veiller à ce que le document unique d'évaluation des risques professionnels intègre la notion de pénibilité.
La fiche individuelle doit être communiquée au service de santé au travail qui la transmet au médecin du travail, afin qu’elle complète le dossier médical en santé au travail de chaque travailleur.
Elle doit préciser de manière apparente et claire le droit pour tout salarié de demander la rectification des informations contenues dans ce document.
Le modèle de cette fiche individuelle sera fixé par arrêté du ministre chargé du travail après avis du Conseil d'orientation sur les conditions de travail.
Une copie de cette fiche devra être remise au travailleur à son départ de l'établissement, en cas d'arrêt de travail excédant une durée fixée par décret ou de déclaration de maladie professionnelle.
La Loi a prévu que les informations contenues dans la fiche individuelle sont confidentielles et ne peuvent donc pas être communiquées à un autre employeur auprès duquel le travailleur sollicite un emploi.
Enfin, en cas de décès du travailleur, ses ayants droit peuvent obtenir une copie de la fiche individuelle.
b. Le rôle des représentants du personnel
Si la fiche de suivi des conditions de pénibilité est individuelle, il n’en reste pas moins que les représentants du personnel ont un rôle important à jouer sur le sujet.
En particulier, l’identification des facteurs de risques professionnels doit nécessairement se faire en concertation avec le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).
L’article L. 4612-2 du Code du travail, modifié par l’article 62 de la Loi, dispose ainsi que le CHSCT « procède à l'analyse de l'exposition des salariés à des facteurs de pénibilité. »
Le CHSCT est donc naturellement l’instance de référence de l’identification et de l’analyse des facteurs de pénibilité.
Rappelons qu’aux termes de l'article L 2313-16 du Code du travail, s'il n'existe pas de CHSCT dans l’entreprise, les délégués du personnel exercent les missions attribuées à ce comité.
Le comité d’entreprise n’est pas exclu des enjeux liées à la pénibilité, puisque l’article L. 2323-27 du Code du travail prévoit qu’il est « informé et consulté sur les problèmes généraux concernant les conditions de travail résultant de l'organisation du travail, de la technologie, des conditions d'emploi, de l'organisation du temps de travail, des qualifications et des modes de rémunération. »
2. L’accord ou le plan d’action sur la pénibilité
a. Accord sur la pénibilité
A l’instar des dispositions relatives à l’emploi des seniors, la Loi a prévu l’obligation, pour les entreprises de 50 salariés et plus, de négocier sur la pénibilité.
Ainsi, il résulte de l’article L. 138-29 du Code de la sécurité sociale, applicable au 1er janvier 2012, que les groupes ou entreprises d'au moins 50 salariés doivent être couverts par un accord ou un plan d'action relatif à la prévention de la pénibilité, lorsqu'une proportion minimale de leur personnel est soumise à des risques professionnels.
Sont assujetties à cette obligation les entreprises qui emploient au moins 50 salariés, ou qui appartiennent à un groupe au sens de l'article L 2331-1 du Code du travail ayant au moins 50 salariés, et dont au moins 50 % de l'effectif est exposé aux facteurs de risques mentionnés à l'article L 4121-3-1 du Code du travail (cf. § 1 ci-dessus).
Il appartiendra à l’employeur de déterminer la proportion de salariés exposés aux facteurs de pénibilité (article R. 138-32 du Code de la sécurité sociale), qui devra être consignée en annexe du document unique d'évaluation des risques professionnels.
L'accord d'entreprise ou de groupe doit traiter (article D. 138-27 du Code de la sécurité sociale) :
1. D'au moins un des thèmes suivants :
- la réduction des polyexpositions aux facteurs de pénibilité ;
- l'adaptation et l'aménagement du poste de travail.
2. En outre, d'au moins deux des thèmes suivants :
- l'amélioration des conditions de travail, notamment au plan organisationnel ;
- le développement des compétences et des qualifications ;
- l'aménagement des fins de carrière ;
- le maintien en activité des salariés exposés aux facteurs de pénibilité.
Afin de donner une vraie cohérence à la prévention de la pénibilité, la Loi a prévu que l’accord devra reposer sur un diagnostic préalable des situations de pénibilité et envisager les mesures de prévention qui en découlent ainsi que les modalités de suivi de leur mise en œuvre effective (article D 138-28 du Code de la sécurité sociale).
Comme pour les accords seniors, chaque thème retenu dans l'accord devra être assorti d'objectifs chiffrés dont la réalisation sera mesurée au moyen d'indicateurs.
Le CHSCT ou, à défaut, les délégués du personnel, devront obtenir ces indicateurs, au moins une fois par an.
L'accord d'entreprise ou de groupe devra être conclu pour une durée maximale de 3 ans (article L. 138-30 du Code de la sécurité sociale).
Pour le législateur, retenir une durée plus longue aurait pu faire perdre au dispositif une partie de son efficacité, les enjeux liés à la prévention de la pénibilité devant nécessairement être revus périodiquement.
b. Plan d’action sur la pénibilité
En l'absence d'accord d'entreprise ou de groupe, les entreprises devront avoir élaboré, après avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, un plan d'action relatif à la prévention de la pénibilité, dont le contenu devra être conforme à celui de l'accord d'entreprise ou de groupe (article L. 138-31 du Code de la sécurité sociale).
Les entreprises ou groupes devant établir ce plan d'action sont ceux qui n'ont pas pu signer un accord ou qui ne peuvent pas négocier un tel accord en l'absence de délégué syndical.
Ici encore, la durée maximale du plan d'action est de trois ans.
Le plan devra par ailleurs faire l'objet d'un dépôt auprès de la DIRECCTE compétente (article R. 138-33 du Code de la sécurité sociale).
Précisons que les entreprises dont l'effectif comprend au moins 50 salariés et est inférieur à 300 salariés ou appartenant à un groupe dont l'effectif comprend au moins 50 salariés et est inférieur à 300 salariés, n’auront pas à conclure d’accord ni à élaborer de plan d’action à condition d’être couvertes par un accord de branche étendu sur le sujet.
c. Pénalité en l’absence d’accord ou de plan d’action
A compter du 1er janvier 2012, en l’absence d’accord ou de plan d’action sur la prévention de la pénibilité, l’employeur s’exposera au paiement d’une pénalité fixée à 1 % maximum des rémunérations versés aux travailleurs salariés ou assimilés concernés au cours des périodes au titre desquelles l'entreprise n'est pas couverte par un accord ou un plan d'action (article L. 138-29 du Code de la sécurité sociale).
La procédure de recouvrement de cette pénalité, définie par les articles R. 138-34 et suivants du Code de la sécurité sociale, est décrite ci-dessous :
Lorsque l'inspecteur ou le contrôleur du travail constate qu'une entreprise n'est pas couverte par un accord collectif ou par un plan d'action, il met en demeure l'employeur, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, de remédier à cette situation dans un délai de six mois.
L'employeur communique à l'inspection du travail, sous la même forme et dans ce délai, soit l'accord, soit le plan d'action, soit les modifications apportées à ces documents. A défaut, il justifie des motifs de la défaillance de l'entreprise ainsi que des efforts accomplis en matière de prévention de la pénibilité.
A sa demande, il peut être entendu.
A l'issue du délai imparti par la mise en demeure, le DIRECCTE décide s'il y a lieu d'appliquer la pénalité.
Gageons que les entreprises prendront la pleine mesure de ces nouveaux enjeux sur la prévention de la pénibilité, qui sont d’autant plus importants que les carrières professionnelles s’allongent. En cela, la prévention de la pénibilité est intimement liée à l’emploi des seniors.
Xavier Berjot
Avocat Associé
OCEAN AVOCATS