1. DEFINITION DE LA PRISE D’ACTE DE LA RUPTURE
Celle-ci peut être définie comme l’acte selon lequel le salarié met fin au contrat de travail « en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail » (cass. soc. 30 mars 2010, n° 08-44236).
Il résulte des termes employés par la Cour de cassation que les faits invoqués par le salarié doivent à la fois être établis et constituer des manquements « suffisamment graves » pour caractériser une rupture imputable à l'employeur.
Le plus souvent, la prise d’acte est matérialisée par une lettre recommandée avec avis de réception, que le salarié adresse à l’employeur et qui mentionne les motifs sur lesquels elle s’appuie.
La prise d’acte peut également émaner du Conseil du salarié, qui agit alors au nom de ce dernier (Cass. soc. 4 avril 2007, n° 05-42.847).
2. DOMAINE DE LA PRISE D’ACTE
2.1. Un mode de rupture réservé au salarié…
Seul le salarié peut prendre acte de la rupture du contrat de travail.
Comme la Cour de cassation l’a énoncé à plusieurs reprises, l'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail ou qui le considère comme rompu du fait du salarié doit mettre en œuvre la procédure de licenciement ; à défaut, la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 25 juin 2003, n° 01-41150).
Par conséquent, il n’est pas possible, pour l’employeur, de considérer que le contrat de travail est rompu par le salarié, en dehors d’une démission non équivoque.
2.2. …en contrat de travail à durée indéterminée
La prise d’acte de la rupture ne se conçoit pas en présence d’un contrat à durée déterminée (CDD).
En effet, le Code du travail prévoit expressément que l’employeur comme le salarié peuvent mettre fin au CDD de manière anticipée, en cas de faute grave de l’un ou l’autre (article L. 1243-1 du Code du travail).
2.3. Cas des salariés protégés
Après avoir longtemps hésité, la Cour de cassation a admis que les salariés protégés puissent, comme tout autre salarié, prendre acte de la rupture de leur contrat de travail en raison de faits qu'ils reprochent à l'employeur (Cass. soc. 25 janvier 2006, n° 01-41.205).
De la même manière, les salariés bénéficiant d’une protection particulière, comme le salarié déclaré inapte à la suite d’un accident du travail, peuvent prendre acte de la rupture de leur contrat de travail (Cass. soc. 21 janvier 2009, n° 07-41822).
3. EFFETS DE LA PRISE D’ACTE
3.1. Les effets immédiats
a) La rupture du contrat de travail
La prise d'acte a pour effet de rompre immédiatement le contrat de travail. Selon la formule de la Cour de cassation, « la prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à l'employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail » (cass. soc. 31 octobre 2006, n° 04-46280).
A la suite d’une prise d’acte, l'employeur a donc l’obligation de tenir à la disposition du salarié son certificat de travail, son reçu pour solde de tout compte et une attestation Pôle Emploi.
Il importe de préciser que l’employeur doit mentionner sur l’attestation Pôle Emploi le motif exact de la rupture du contrat (c’est-à-dire « prise d’acte de la rupture du contrat de travail » ou « autre motif »), sauf à encourir une condamnation à dommages-intérêts (Cass. soc. 27 septembre 2006, n° 05-40414).
b) La question du préavis
Dans la mesure où la prise d’acte implique des manquements graves de la part de l’employeur, elle a pour conséquence que le salarié n’est pas tenu d’effectuer un quelconque préavis.
Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a cependant considéré que le fait d’accomplir un préavis n’exclut pas la notion de prise d’acte de la rupture (Cass. soc. 2 juin 2010, n° 09-40.215).
La Cour de cassation a en effet jugé que « si la prise d'acte entraîne la cessation immédiate du contrat de travail, de sorte que le salarié n'est pas tenu d'exécuter un préavis, la circonstance que l'intéressé a spontanément accompli ou offert d'accomplir celui-ci est sans incidence sur l'appréciation de la gravité des manquements invoqués à l'appui de la prise d'acte. »
c) Les questions accessoires à la rupture du contrat
En présence d’une prise d’acte de la rupture, l’employeur et le salarié doivent être vigilants sur le sort des questions accessoires à la rupture du contrat de travail : portabilité du droit individuel à la formation, portabilité de la mutuelle et de la prévoyance, levée de la clause de non-concurrence, etc.
Sur ce dernier point, la jurisprudence considère que la notification de la prise d’acte constitue le point de départ du délai de levée de la clause de non-concurrence (Cass. soc. 8 juin 2005, n° 03-43.321).
3.2. Les effets différés
La prise d’acte est fréquemment suivie d’une action engagée par le salarié contre l’employeur, devant le conseil de prud’hommes, tendant à voir requalifier la prise d’acte de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par conséquent, la prise d’acte de la rupture peut produire soit les effets d’une démission, soit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, selon la décision du conseil de prud’hommes (cass. soc. 25 juin 2003, n° 01-42679).
a) Démission
Dans le premier cas, l'employeur n’est redevable d'aucune indemnité de licenciement, ni d'indemnité compensatrice de préavis ou de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par ailleurs, l'employeur peut demander à être indemnisé par le salarié pour non-respect du préavis (cass. soc. 4 février 2009, n° 07-44142).
b) Licenciement
Dans le second cas, l'employeur sera condamné au versement de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi qu'à l'indemnité de licenciement, si le salarié en bénéficie.
Par ailleurs, il sera également condamné à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, le cas échéant, au remboursement à Pôle Emploi des allocations de chômage servies au salarié.
c) Cas des salariés protégés
S’agissant des salarié protégés, si le conseil de prud’hommes juge que la prise d’acte s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la rupture produira les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur (Cass. soc. 5 juillet 2006, n° 04-46009).
Bien entendu, si les griefs que le salarié protégé forme à l’appui de la prise d’acte de son contrat de travail ne justifient pas la rupture, cette dernière produira les effets d’une démission.
En conclusion, les développements successifs de la Cour de cassation ont fait de la prise d’acte de la rupture un véritable mode de rupture autonome du contrat de travail, que les parties doivent maîtriser.
Xavier BERJOT
Avocat Associé
OCEAN AVOCATS