1. Analyse de l’arrêt
1.1. Les faits
En l’espèce, une société avait proposé à un candidat, par lettre du 31 juillet 2006, une embauche, au plus tard à compter du 1er octobre 2006, en qualité de directeur adjoint moyennant une rémunération mensuelle de 7600 euros sur treize mois, le bénéfice d'un véhicule de service et la prise en charge de ses frais de déménagement et de logement durant le premier mois de son installation en Guadeloupe.
Par courrier daté du 9 août 2006, la Société a informé ce candidat qu’elle ne donnait pas suite à la promesse d'embauche.
Estimant avoir fait l’objet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le candidat a saisi la juridiction prud’homale.
1.2. La solution juridique
La Cour d’appel de Saint Denis de la Réunion a jugé, le 6 mai 2008, que la lettre du 31 juillet 2006 précisait le salaire, la nature de l’emploi, les conditions de travail et la date de la prise de fonction, de sorte qu’elle ne constituait pas une proposition d'emploi mais une promesse d'embauche.
Pour la Cour d’appel, la rupture de cet engagement par la société s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour d’appel, considérant que « constitue une promesse d'embauche valant contrat de travail l'écrit qui précise l'emploi proposé et la date d'entrée en fonction. »
Par suite, pour la Cour de cassation, la rétractation de cette promesse équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Précisons que le pourvoi de la Société soutenait que la lettre du 31 juillet 2006 faisait mention d’une période d'essai, qui lui permettait de rompre l’engagement sans indemnité.
La Cour de cassation a écarté cet argument, au motif que « le contrat de travail » avait été rompu avant son commencement d'exécution.
2. Conséquences pratiques de l’arrêt
2.1. Distinction entre proposition d’emploi et promesse d’embauche
L’arrêt du 15 décembre 2010 consacre la différence entre proposition d’emploi et promesse d’embauche.
- La promesse d’embauche vaut contrat de travail, dès lors qu’elle est suffisamment précise sur les conditions d’emploi.
Par conséquent, l’employeur qui adresse une promesse d’embauche au salarié, précisant son poste, sa rémunération et sa prise de fonction, est engagé dans les liens d’un contrat de travail.
La rupture d’une telle promesse d’embauche ne peut intervenir au plus tôt que durant la période d’essai, à supposer qu’elle soit prévue au contrat.
Encore faut-il, en cas de litige, que l’employeur puisse établir que la rupture de la période d’essai ne repose pas sur un motif étranger aux compétences professionnelles du salarié.
- La proposition d’emploi, pour être toujours considérée comme telle, doit nécessairement présenter un caractère éventuel ou conditionnel.
Elle doit clairement faire apparaître que l’embauche du candidat n’est que projetée et subordonnée à l’acceptation des deux parties dans un délai déterminé.
Rappelons enfin que la rupture de simples pourparlers ne peut entraîner le versement de dommages-intérêts (Cass. soc. 17 octobre 1973, n° 72-40.731).
2.2. Conséquences financières de la rupture de la promesse d’embauche.
Si l’employeur procède à la rétractation d’une promesse d’embauche valant contrat de travail, il s’expose à devoir payer au salarié les indemnités suivantes.
a) Indemnité compensatrice de préavis
Selon l’article L. 1234-1 du Code du travail, si le salarié justifie chez l’employeur d'une ancienneté inférieure à 6 mois, la durée du préavis est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession.
b) Indemnité pour non respect de la procédure de licenciement
Lorsque, en l'absence de représentant du personnel dans l'entreprise, la règle relative à l'assistance du salarié par un conseiller n'a pas été respectée, la sanction prévue par l'article
L. 1235-2 du Code du travail, instituant une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire en cas d'inobservation de la procédure, est applicable aux salariés ayant moins de 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise ou ayant été licenciés par un employeur qui occupe habituellement moins de 11 salariés (Cass. soc. 9 janvier 2008 n° 06-41.398).
c) Indemnité pour licenciement abusif
Selon l’article L. 1235-5 du Code du travail, le licenciement abusif du salarié ayant moins de 2 ans d'ancienneté ou travaillant dans une entreprise de moins de 11 salariés ouvre droit à une indemnité « correspondant au préjudice subi. »
Dans ce cas, il appartient au salarié d’établir et de chiffrer son préjudice.
A titre d’illustration, le salarié qui a été débauché par un employeur qui rompt une promesse d’embauche pourrait caractériser un préjudice lié à la perte de son emploi précédent.
Xavier BERJOT
Avocat Associé
OCEAN AVOCATS