La nature juridique du site Internet en droit français

Publié le 19/02/2013 Vu 6 005 fois 0
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Le droit français accueille favorablement la qualification du site Internet (ou plutôt son serveur) à un établissement. Toutefois, des conditions doivent être respectées.

Le droit français accueille favorablement la qualification du site Internet (ou plutôt son serveur) à un é

La nature juridique du site Internet en droit français

  

Le droit français n’est pas hostile à l’assimilation du site Internet à un établissement stable. Certains critères doivent toutefois être respectés, dont certains ont été retenus par le CECEI[1] (1), d’autres par la Banque de France (2).

 

        1. Les critères du CECEI

 

Agrément préalable. Soucieux de protéger les activités couvertes par le monopole français, ainsi que de préserver la sécurité des paiements et de l’épargne, le CECEI avait toujours été préoccupé par la question de savoir si un prestataire étranger développe ou non une présence permanente sur le territoire français. Les critères classiques posés par le TFUE[2] et par la CJUE, et particulièrement l’arrêt Commission contre Allemagne du 4 décembre 1986 précité étaient faciles à déceler. Ainsi, il suffisait d’implanter un bureau, succursale ou agence pour être considéré comme développant une présence permanente en France, et par conséquent, de subir le contrôle prudentiel français. L’objectif étant d’assurer une concurrence saine et équitable d’une part entre les prestataires français et européens qui disposent de l’agrément unique, et partant, de la liberté d’établissement dans tous les pays membres de l’Union européenne, et d’autre part, les prestataires étrangers établis sur le sol français qui ne bénéficient pas des avantages de cet agrément unique et devaient demander l’agrément du CECEI ainsi qu’auprès des autorités de contrôle de chaque pays de l’Union européenne sur le territoire duquel ils veulent s’établir.

 

Formes classiques d’établissement. Traditionnellement, le CECEI a pu considérer que ‘’les formes de présence entretenues de façon permanente par des établissements étrangers sur notre territoire pouvaient être assimilées à un exercice d’opérations bancaires en France, dès lors que les clients français étaient dispensés de s’adresser directement à l’opérateur étranger et qu’ils pouvaient conclure valablement en France »[4]. De ce fait, si un prestataire étranger propose ses services en France ‘’en y ouvrant un bureau géré par le personnel de l’entreprise, ou en y mandatant un intermédiaire qui y est établi durablement, peut constituer une présence permanente en France, du fait que la clientèle française peut s’y adresser directement, et que cet opérateur étranger se reconnait valablement engagé par les actes de ce bureau ou de cet intermédiaire’’[5]. Ainsi, en se fondant sur les notions d’autonomie de prise de décision et de dispense de recours à la maison mère, le CECEI avait simplement repris les critères classiques retenus par la CJUE[6]. Toutefois, ces critères ont été bouleversés par l’avènement d’Internet. Ainsi, peut-on assimiler un site Internet accessible en France à une succursale, et partant, considérer qu’il développe une présence permanente sur le sol français? Ou plutôt il s’agit d’une forme de libre prestation de services ?

 

Critères applicables au contexte électronique. Dans son rapport du 20 novembre 1998 intitulé ‘’la libre prestation de services en matière de services d’investissement’’ , le CECEI  avait délimité les critères de qualification d’une activité afin de savoir si elle est considérée comme une liberté d’établissement ou une libre prestation de services dont les frontières sont parfois difficiles à délimiter après l’avènement d’Internet. Ainsi, en se basant sur les critères fixés par la Commission européenne, il avait considéré qu’une installation électronique pouvait être considérée comme développant une présence permanente en France, mais à une condition particulière. Ainsi, ’’pour déterminer si une installation électronique peut relever de la liberté d’établissement plutôt que de la liberté de prestation de services, le fait que la prise de décision de la conclusion de l’opération bancaire puisse être réalisée au niveau de l’installation électronique elle-même sans que la maison mère intervienne au cours de l’opération par un ordre de validation’’[7]. Force est de constater que ce critère s’apparente à celui de l’indépendance dans la prise de décision sans intervention humaine qui a été retenu par l’OCDE.

 

 2. Les critères de la Banque de France 

 

Faisceau d’indices. Dans son livre blanc de 2000, la Banque de France a envisagé le cas dans lequel le serveur du site Internet d’un prestataire financier peut s’apparenter à une forme de présence permanente en France, en faisant recours à un faisceau d’indices. En effet, le prestataire financier est considéré comme développant une présence permanente sur le sol français s’il ‘’ouvre en France un site web présenté en français, en y localisant un serveur et en affichant éventuellement à la clientèle française un nom de domaine en ‘’.fr ’’, il souhaite ainsi cibler la clientèle française en lui présentant une offre adaptée au marché français et en la rassurant sur l’origine géographique de son offre…..dès lors que la localisation géographique en France de l’installation serait certaine, et que l’on pourrait considérer que la clientèle française n’a dès lors qu’à s’adresser au serveur situé en France pour conclure valablement des opérations avec le prestataires, le serveur pourrait être assimilé à une présence permanente de l’opérateur en France’’. Par cette définition, la Banque de France a repris aussi bien le critère retenu par le CECEI (la clientèle française s’adresse uniquement au serveur situé en France), que celui retenu par le droit international (concernant le lieu de la localisation du serveur), mais a ajouté d’autres conditions spécifiques. Sur ce point, elle a affirmé qu’un serveur n’est considéré développer une présence permanente en France que s’il dispose d’un nom de domaine en (.fr), qu’il rassure la clientèle sur l’origine géographique de son offre, que cette dernière soit adaptée au marché français, enfin, il faut que le site soit transactionnel, autrement dit, qu’il dispense les clients français à s’adresser à un autre site ou établissement. De par ces critères, la Banque de France a exclu un certain nombre de sites de cette qualification. Il s’agit notamment de sites qui sont simplement destinés à informer le public, qui rempliraient dans ce cas la fonction d’un bureau de représentation[8] et de liens hypertextes de sites de prestataires étrangers qui s’inscrivent souvent sur des sites portails français. A la lumière de ce qui précède, la Banque de France a conclu par ce qui suit : « A moins que le prestataire n’installe un site web dans le pays du client (installation d’un serveur, choix d’un nom de domaine suffixé par le sigle du pays…), ou ne recoure à des formes d’implantation telles que décrites précédemment (ouverture d’une filiale ou d’une succursale), la délivrance des services bancaires ou financiers sur son site ne peut manifestement pas s’apparenter à une présence permanente dans le pays du client, ni donc relever du droit d’établissement »[9]. Cette position du droit français peut surprendre en raison de sa non-conformité au droit de l’Union européenne qui s’oppose à cette assimilation.

 

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[1] Avant qu’il ne soit fusionné au sein de l’ACP, la nouvelle autorité prudentielle en France par l’Ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010 portant fusion des autorités d’agrément et de contrôle de la Banque et de l’assurance, JO n°0018 du 22 janvier 2010 p 1392.
 

[2] Le chapitre 2 relatif au droit de l’établissement.

[3] La question d’agrément sera détaillée amplement dans le cadre du chapitre 2 du présent Titre.

[4] Le livre blanc de la Banque de France, opt.cit, p 38.

[5] Internet, quelles conséquences prudentielles ?, Livre blanc de la Banque de France, opt. cit, p 38.

[6] ‘’….la notion de succursale, d’agence ou de tout autre établissement implique un centre d’opérations qui se manifeste d’une façon durable vers l’extérieur comme le prolongement d’une maison mère, pourvu d’une direction et matériellement équipé de façon à pouvoir négocier des affaires avec des tiers, de telle façon que ceux-ci, tout en sachant qu’un lien de droit éventuel s’établira avec la maison mère dont le siège est à l’étranger, sont dispensés de s’adresser directement à celle-ci, et peuvent conclure des affaires au centre d’opérations qui en constitue le prolongement’’. CJUE, Affaire Somafer 33/78, Arrêt du 22/11/1978, Rec. 1978 p. 2183.

 

[7]Rapport du CECEI du 20 novembre 1998 ‘’ la libre prestation de services en matière de services d’investissement’’.

[8] Livre blanc de la Banque de France, opt. cit. p 39.

[9] Livre blanc de la Banque de France, opt. cit. p 40.

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