« La République du 21ème siècle sera nécessairement numérique : elle doit anticiper les changements à l’œuvre, en saisir pleinement les opportunités, et dessiner une société conforme à ses principes de liberté, d’égalité et de fraternité. »
C’est en ces termes que le Gouvernement commence la présentation du projet de loi pour la République numérique en faisant recours à un procédé nouveau (I) qui est la consultation citoyenne. La réforme du droit français était devenue nécessaire (II) afin de se conformer aux changements qu’impose le développement numérique dans la société en mutation constante. Dans cet article nous aborderons uniquement les grandes lignes de ce projet (III), nous reviendrons plus en détails sur ce projet dans un prochain article.
I) Nouveauté du procédé
Il s’agit d’une grande première en France. Le Gouvernement a soumis le projet de la loi pour une République numérique à la consultation publique. L’objectif étant d’enrichir et de perfectionner le texte de loi. Le projet de loi est présenté article par article via une plateforme dédiée à cet effet. Le principe est simple. Il suffit de cliquer sur le lien « je participe au projet de loi pour une république numérique » et cliquer sur contribuer sur la page suivante. Les internautes qui le souhaitent, pourront émettre des avis ou même proposer des modifications, soumis à leur tour à l’avis des autres participants. Certaines contributions seront intégrées au projet de loi après leur étude. Les auteurs dont les contributions reçoivent le plus de vote, pourront être reçus par la secrétaire d’Etat chargée du numérique.
II) Nécessité d’une telle réforme
Nul ne peut nier la place qu’occupe le numérique de nos jours dans le quotidien des usagers, ni le potentiel de compétitivité et d’internationalisation qu’il offre aux entreprises. Une révolution s’est produite aussi bien dans les habitudes de consommation et de commercialisation des biens, mais également dans le cadre juridique qui s’est métamorphosé au fil des années afin de s’adapter à la modernisation qu’impose le numérique.
Comme l’a souligné le rapport d’activité du Conseil national du numérique 2013-2014 « la transformation numérique est une priorité économique stratégique pour la France » qui offre un énorme potentiel de compétitivité. Le même rapport souligne que le succès de Google ou Amazon, exemples de la réussite américaine dans leurs domaines respectifs, n’est pas l’apanage de la puissance du marché, mais d’une action concertée entre décideurs publics et acteurs privés.
Toutefois, force est de constater que malgré les efforts qui ont été entrepris pour inclure les activités numériques dans le socle législatif français, la réglementation aujourd’hui se trouve dépassée par le nombre d’évolutions et les problématiques suscités par le numérique. A titre d’exemple, la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique qui a été adoptée depuis plus de dix ans. Dépassée aujourd’hui, il était temps de la dépoussiérer.
Les politiciens français en sont parfaitement conscients, d’où les nombreuses propositions de réformer le cadre légal afin d’être à la pointe de l’évolution technologique, et dont la dernière en date est la préparation en cours de la loi pour une République numérique[1].
III)Les principales dispositions du projet de loi numérique
Le projet de loi vise à instaurer les bases d’une société numérique en fixant des principes comme :
- La liberté accrue pour la liberté de circulation de données et du savoir,
- L’égalité de droit pour les usagers du net,
- La fraternité, pour une société numérique ouverte à tous.
Selon Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat chargée du numérique, le projet fixe trois objectifs : d’abord celui d’anticiper, pour créer un environnement économique, protéger les citoyens, en leur redonnant la maitrise sur leurs données numériques et enfin, garantir une meilleure accessibilité au réseau même aux plus défavorisé.
Pour résumer, Le projet prévoit un ensemble de mesures relativement techniques. Il s’agit principalement de :
- La circulation des données et du savoir
- La protection dans la société numérique
- L’accès au numérique
L’ouverture et la circulation des données publiques. Concrètement, les données publiques, qui seront mises à jour de façon régulière, seront librement téléchargeables en ligne. Ainsi, les administrations, les services publics industriels et commerciaux, et les établissements publics à caractère industriel et commercial doivent rendre toutes les informations demandées par le public disponibles. Au grand bonheur des chercheurs, les ressources scientifiques qui ont été financées en moitié par des fonds publics seront également consultables sans frais.
La portabilité des données : il s’agit ici de la possibilité pour les utilisateurs de récupérer leurs données numériques stockées dans un service (facebook, youtube, gmail..) ou encore de les transférer d’un service à un autre. Sont notamment concernés les fournisseurs de courriers électroniques.
Droit à l’oubli des mineurs. Le projet de loi souhaite protéger les plus jeunes, en leur accordant le droit d’effacer à la source leurs données personnelles. A défaut, il pourra saisir la CNIL et obtenir une réponse dans un délai de quinze jours.
Autre point soulevé par le projet: la mort numérique. Il s’agit de la possibilité d’établir un testament numérique. Les services vont interroger les utilisateurs de laisser, de leur vivant des instructions concernant la gestion de leur compte après leur mort, et ce, dès l’inscription sur le site en question.
L’accès au numérique: le Gouvernement incite les sites Internet ou les applications des administrations publiques soient plus adaptés aux non voyants, malvoyants et malentendants sous peine d’amende. Un autre objectif phare du gouvernement c’est de renforcer l’accès des « publics fragiles » au numérique en consacrant le maintien de la connexion pour les foyers les plus modestes même en cas de non paiement des factures, et de garantir le maintien d’un service « téléphonique restreint et un service d’accès à Internet (…) jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande d’aide ».
Pour conclure cette brève présentation de ce projet, force est de souligner que la loi française, en faisant recours à la consultation publique, a voulu lancer le débat sur certains points, et anticiper la réforme sur les données personnelles par rapport au droit européen qui n’a pas encore adopté le Règlement sur ce point.