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Cadres en forfait jours : signalez votre surcharge de travail !

Publié le 08/05/2025 Vu 391 fois 0
Légavox

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Le forfait jours est d’actualité.

Le forfait jours est d’actualité.

Cadres en forfait jours : signalez votre surcharge de travail !

 

Lors d’un référendum organisé en avril 2025, les cadres d’EY & associés ont voté majoritairement pour le plafonnement de la durée hebdomadaire de travail à 48 heures.

97% des salariés qui se sont exprimés (40% de votants) ont voté pour un plafonnement de la durée hebdomadaire de travail à 48 heures (Le Monde 22 avril 2025n https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/04/22/chez-ey-associes-les-salaries-votent-pour-un-retour-a-la-semaine-de-48-heures_6598874_3234.html).

En pratique, les salariés de cette société d’audit peuvent régulièrement travailler 60 heures par semaine voir plus.

Les forfaits jours ont 25 ans.

Ils ont été créés par la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail qui a institué la durée légale de travail effectif à 35 heures.

Il était impossible de faire travailler les cadres autonomes 35 heures par semaine : le législateur a donc créé un forfait en jours pour les cadres autonomes.

C’était une révolution pour le droit de la durée du travail et pour les avocats travaillistes.

Le dispositif du forfait jours consiste à décompter le temps de travail effectif des salariés non plus en heures mais en jours.

Ce forfait jours est limité à 218 jours travaillés avec un repos quotidien de 11 heures minimum et un repos de 35 heures par semaine.

En pratiques, ces forfaits jours sont très peu connus des salariés cadres.

Souvent, les salariés cadres pensent que leur qualité de cadre leur interdit de demander le paiement d’heures supplémentaires.

C’est bien sur une légende urbaine.

 

1) Rappel des conditions de validité d’une convention individuelle de forfait jours

 

Le recours à la convention de forfait jours doit être autorisé par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche (l’article L. 3121-63 du Code du travail).

 

Cet accord ou cette convention doivent déterminer certaines modalités de l’organisation du travail, et notamment prévoir « les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié » et « les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise » (article L. 3121-64 du Code du travail).

 

Le forfait jours doit faire l’objet de l’accord du salarié via une convention individuelle de forfait établie par écrit (article L. 3121-55 du Code du travail).

 

En outre, les dispositions de l’accord instaurant une convention de forfait en jours doivent être de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnable, que les durées maximales de travail et les temps de repos sont respectés et qu’une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé est assurée, ceci afin d’assurer la protection et la sécurité et la santé du salarié.

A défaut, la convention de forfait en jours est nulle.

La seule organisation d’un entretien annuel portant sur le suivi de la charge de travail a été jugée par la Cour de cassation insuffisante pour permettre la garantie du droit à la santé et au repos. En conséquence, la convention de forfait en jour est nulle. (Cass, soc, 4 février 2015, n°13-20.891)

En effet la Cour de cassation exige que l’accord collectif garantisse des durées raisonnables, ainsi que les temps de repos. (Cass, soc, 5 octobre 2017, n°16-23.106)

De même les dispositions conventionnelles doivent garantir une charge, une répartition et une amplitude de travail raisonnable. (Cass, soc, 17 janvier 2018, n°16-15.124)

Un accord collectif faisant peser sur le salarié la responsabilité du suivi de l’exécution du forfait ne remplit pas ces conditions. (Cass, soc, 14 mai 2014, n°12-35.033)

En effet, les dispositions conventionnelles doivent être de nature à permettre à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable. (Cass, soc, 8 novembre 2017, n°15-22.758)

Par ailleurs, à défaut de respecter les stipulations légales et conventionnelles relatives aux modalités de suivi de l’organisation du travail des salariés soumis au forfait jour, celui-ci est « privé d’effet » et la durée du travail de ce dernier doit être calculée sur la base de 35 heures.

Aussi, lorsque l’employeur ne respecte pas les dispositions de l’accord collectif permettant de contrôler la charge de travail et dont le respect est de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours, la convention de forfait en jours est privée d’effet et le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires.

Lorsque la charge de travail est incompatible avec une durée raisonnable de travail, la convention de forfait en jours est nécessairement privée d’effet. (Cass, soc, arrêt publié du 17 janvier 2018, n° 16-15124)

L’employeur doit apporter la preuve d’un suivi suffisant de la charge de travail. (CA, Paris, 4 juillet 2017, n°15/00152)

 

2)      Contrôle de la charge de travail du salarié par l’employeur

 

Ce dispositif de forfait jours n’est valable que s’il y a un contrôle effectif de la charge de travail par l’employeur.

 

A défaut, le forfait jours est privé d’effet.  

 

Dans ce cas, la durée du travail du salarié est recalculée par rapport à 35 heures.

 

L’employeur a l’obligation de suivre la charge de travail du salarié afin de s’assurer :

-          que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail ;

-          de la bonne articulation entre l'activité professionnelle du salarié et sa vie personnelle.

 

En tout état de cause, le salarié doit continuer de bénéficier des garanties légales relatives :

-          au repos quotidien : 11 heures consécutives de repos entre 2 jours de travail ;

-          au repos hebdomadaire : au moins 35 heures consécutives d’une semaine à l’autre (24 heures + 11 heures) ;

-          au repos dominical : pas de travail le dimanche sauf dérogation.

 

 

3) Signalez votre surcharge de travail lors de l’entretien annuel d’évaluation ou lors de l’entretien annuel sur le forfait jours

 

L’entretien sur le forfait jours doit porter sur votre charge de travail, l'organisation de votre travail dans l'entreprise, l'articulation entre votre activité professionnelle et votre vie personnelle et familiale, ainsi que sur votre rémunération.

 

Cet entretien peut être un entretien uniquement consacré au forfait jours. Cela peut être aussi un entretien sur le forfait jours qui fait partie de l’entretien d’évaluation annuelle.

 

C’est donc le moment opportun pour signaler l’existence d’une surcharge de travail.

 

Mais qu’entend-on par surcharge de travail ?

 

La surcharge de travail est souvent caractérisée par un volume de travail excessif par rapport aux capacités normales du salarié, des tâches supplémentaires non prévues, et des conséquences négatives sur sa santé physique ou mentale.

 

Le salarié en forfait jours doit avoir au moins 11 heures de repos quotidien. Cela signifie qu’il peut théoriquement travailler 13 heures par jours, soit 65 heures par semaine 13 heures x5).

 

Une durée de 65 heures par semaine est, selon nous, excessive.

 

Dès lors que vous dépassez 48 heures de travail par semaine, nous considérons qu’il y a surcharge de travail.

 

D’ailleurs, les salariés d’EY qui ont participé au référendum d’avril 2025 ont quasi unanimement voté pour un plafond de durée hebdomadaire de travail à48 heures.

 

Quand bien même cette surcharge ne devait être qu’occasionnelle, vous devez impérativement la signaler à votre employeur lors de cet entretien ou par tout moyen écrit (SMS, email, LRAR).

 

Nous vous conseillons de ne pas attendre la tenue de l’entretien annuel pour alerter votre employeur de la situation.

 

Dès que votre charge de travail devient excessive, il conviendra de la signaler par écrit afin qu’un aménagement de vos conditions de travail soit proposé.

 

Rassemblez les éléments de preuves : heures travaillées répertoriées au sein d’un tableau (indiquant l’heure d’arrivée et l’heure de départ), sauvegarde des e-mails envoyés, géolocalisation avec google maps, sms, boucles WhatsApp, plannings, compte-rendu des entretiens annuels et témoignages.

 

4)Que devez-vous faire lors de cet entretien ?

 

- Exprimez clairement votre charge de travail et les difficultés rencontrées.

 

Indiquez les horaires de travail effectués et les périodes de travail concernées.

 

Si vous avez été en arrêt de travail, indiquez les périodes d’arrêts.

 

Indiquez que votre employeur n’a pas respecté le droit à la déconnexion.

 

- Mentionnez le terme « surcharge de travail » dans le compte-rendu de l’entretien. 

 

 

5) Géolocalisation Google Maps : moyen de preuve de vos heures supplémentaires.

 

 

Il est possible de produire les relevés de position de Google Maps pour justifier des horaires durant lesquels vous vous trouviez sur votre lieu de travail.

 

Vous devez activer la géolocalisation permanente sur l’application Google Maps.

 

Si votre géolocalisation était déjà activée, vous n’avez qu’à vous rendre sur l’application Google Maps figurant sur votre téléphone portable, à cliquer sur votre photo de profil, puis sur « Vos trajets ».

 

S’affiche alors votre relevé de positions pour la journée.

 

Vous pouvez accéder ensuite aux journées précédentes en faisant défiler.

 

Vous pourrez ainsi démontrer les horaires durant lesquels vous étiez sur votre lieu de travail.

 

Nous vous conseillons ensuite de remplir un tableau récapitulant l’ensemble des horaires effectués sur toute la période pour laquelle un rappel est sollicité.

 

Notre article : Salariés, cadres : comment utiliser google maps pour prouver vos heures sup’ ?

https://www.village-justice.com/articles/salaries-cadres-comment-utiliser-google-maps-pour-prouver-vos-heures-sup,49899.html

 

6) Conséquences en cas d’absence de suivi effectif ou de réaction adaptée face aux dénonciations : la convention de forfait jours est privée d’effet

.

La convention de forfait jours sera privée d’effet :

 

-          En l’absence de suivi effectif de la charge de travail du salarié qui doit être compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;

 

-          En l’absence de contrôle effectif des jours travaillés ;

 

-          En l'absence d'entretien régulier et à minima annuel sur la charge de travail ;

 

-          En l’absence de réaction de l’employeur suite aux alertes du salarié sur sa charge de travail.

 

Dans ce cas, la durée du travail du salariée est recalculée par rapport à 35 heures par semaine.

 

 

7) Conséquences : vous pourrez obtenir le paiement des heures supplémentaires travaillées au-delà de 35 heures. Quelques jurisprudences inédites.

 

Lorsque le forfait jours est privé d’effet, le temps de travail est calculé non plus en jours sur l’année mais en heures conformément à la durée légale ou conventionnelle (L. 3121-27 du Code du travail).

 

Concrètement, vous serez en droit de solliciter devant le conseil de prud’hommes la condamnation de votre employeur au paiement des heures supplémentaires effectuées au-delà de 35 heures avec les majorations légales (l’article L. 3121-36 du Code du travail) :

 

-          25 % pour les huit premières heures supplémentaires travaillées dans la même semaine (pour une durée légale du travail de 35h, de la 36e à la 43e heure)

-          50 % pour les heures suivantes.

 

Vous pouvez obtenir devant le Conseil de prud’hommes :

 

-          Le paiement des heures supplémentaires travaillées au-delà de 35h avec les majoration légales (ces demandes sont toutefois soumises à la prescription triennale) ;

 

-          Des dommages et intérêts pour soumission à un forfait jours illicite (à condition de pouvoir démontrer d’un préjudice) ;

 

-          Une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire pour travail dissimulé à condition de pouvoir démontrer l’intention frauduleuse de l’employeur prévue à l’article L. 8221-5 du Code du travail) ;

 

-          Des dommages et intérêts pour le non-respect des durées maximales de travail (quotidien et hebdomadaire) ;

 

-          Des dommages et intérêts pour harcèlement moral (la surcharge de travail persistante pouvant caractériser une forme de harcèlement moral) ;

 

-          Des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de santé et sécurité.

 

A titre d’exemple, dans un jugement de départage du conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt du 6 décembre 2024, une DRH soumis à la convention collective SYNTEC obtient que sa convention de forfait jours soit privée d’effet et son employeur est condamné à payer 92 000 euros au titre de rappel d’heures supplémentaires et non-respect des durées maximales.

https://www.legavox.fr/blog/frederic-chhum-avocats/forfait-jours-prive-effet-syntec-37165.htm

 

Dans un arrêt de la cour d’appel de Versailles du 3 février 2022, dans la convention de la métallurgie, une cadre dirigeante de Compagnie IBM France dont le forfait cadre dirigeant, a été déclaré nul a obtenu 45 093 euros de rappel d’heures supplémentaires. https://www.village-justice.com/articles/cadres-dirigeants-une-directrice-iii-ibm-est-pas-cadre-dirigeant-peut-obtenir,43757.html

 

Pour justifier de ses heures supplémentaires, la fausse cadre dirigeante produisait notamment :

 

. ses agendas 2015 et 2016 avec ses horaires de début et de fin de journée et les différentes réunions ou rendez-vous auxquels elle a assisté,

. des courriels et des captures d’écran,
. pour les années 2014 et 2015, les relevés d’enregistrement de ses fichiers informatiques indiquant la date et l’heure d’enregistrement,
. l’intégralité des courriels qu’elle a envoyés par jour de travail au titre de chacune des années pour lesquelles elle demande le paiement de ses heures supplémentaires,
. les archives de son agenda professionnel,
. un listing de ses fichiers informatiques issu de son disque dur.

 

Dans un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 23 mars 2022, un manager de Re:Sources (groupe Publicis) a vu sa convention de forfait jours déclaré nulle. Il a obtenu 35 000 euros de rappel d’heures supplémentaires et non-respect des durées maxima du travail.

https://www.legavox.fr/blog/frederic-chhum-avocats/resiliation-judiciaire-harcelement-moral-paiement-35239.htm

 

8)      Mandatez un avocat !

 

Surtout, mandatez un avocat en droit du travail qui pourra vous accompagner dans le cadre de la procédure devant le Conseil de prud’hommes.

 

Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

Apolline TOCQUET avocate

CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)

e-mail: chhum@chhum-avocats.com

www.chhum-avocats.fr

https://www.instagram.com/fredericchhum/?hl=fr

.Paris: 34 rue Petrelle 75009 Paris tel: 0142560300

.Nantes: 41, Quai de la Fosse 44000 Nantes tel: 0228442644

.Lille: : 45, Rue Saint Etienne 59000 Lille – Ligne directe +(33) 03.20.57.53.24

                                        

 

 

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A propos de l'auteur
Blog de CHHUM AVOCATS Paris Nantes Lille

CHHUM AVOCATS conseille et accompagne des salariés, intermittents du spectacles, journalistes, pigistes, artistes, cadres, cadres dirigeants dans le cadre de litige avec leur employeur et/ou négociations de départs.

Maître Frédéric CHHUM est membre du conseil de l'ordre des avocats de Paris (2019-2021). Il possède un bureau secondaire à Nantes et à Lille.

Tél : 01 42 56 03 00 (Paris) ou 02 28 44 26 44 (Nantes) ou 03 20 13 50 83 (Lille).

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