Le paysage des études juridiques a été largement redessiné ces dernières années. Une évolution remarquable : la multiplication des prépas de droit. S’agit-il d’un simple effet de mode ou d’un changement structurel durable ?
Point de vue basé sur notre expérience à l'Académie Juridique.
Un contexte universitaire en mutation
Le droit, autrefois perçu comme une filière élitiste, est aujourd’hui l’une des disciplines universitaires les plus fréquentées en France. Chaque rentrée, des dizaines de milliers d’étudiants se tournent vers cette voie, attirés par la variété des débouchés possibles : carrières judiciaires, concours de la fonction publique, fonctions juridiques en entreprise, etc.
Cette démocratisation, bien qu’elle témoigne d’un intérêt croissant pour la matière, s’accompagne de nombreuses difficultés : amphithéâtres bondés, manque de professeurs, exigences pédagogiques élevées, et forte compétition pour accéder aux métiers du droit.
Ajoutons à cela les limites budgétaires pesant sur les universités, qui peinent à garantir un encadrement de qualité et à innover dans leurs pratiques pédagogiques. C’est dans ce contexte que les prépas de droit ont émergé et se sont imposées comme un appui stratégique pour les étudiants en quête de structure, d'accompagnement et de résultats. Apparues à la fin du XXe siècle, dans la lignée des préparations aux études de médecine, elles ont trouvé leur public.
Ce phénomène s’explique par deux grands facteurs : d’un côté, les mutations de l’enseignement supérieur et du monde professionnel juridique ; de l’autre, l’adaptation des prépas aux nouvelles attentes des étudiants.
I. Les évolutions structurelles à l’origine de l’essor des prépas
A. Une explosion des effectifs sans renfort des moyens
Depuis le début des années 2000, les facultés de droit ont vu leurs effectifs doubler, dépassant les 200 000 inscrits en 2021. Cette affluence s’est faite sans renforcement proportionnel des équipes pédagogiques ou des infrastructures.
Résultat : les taux d’encadrement en droit sont parmi les plus faibles de l’université française, autour de 6 %. Les cours magistraux se déroulent devant des promotions de plusieurs centaines d’étudiants, et les travaux dirigés sont souvent surchargés.
Ces conditions rendent difficile un apprentissage approfondi :
Peu de dialogue entre enseignants et étudiants
Difficultés à assimiler la méthodologie juridique
Écarts de niveau importants au sein d’un même groupe
Face à cela, de nombreux étudiants recherchent des solutions d’accompagnement plus individualisées. C’est là que les prépas interviennent, en apportant un soutien structuré, des méthodes de travail et un suivi personnalisé.
B. Une compétition accrue pour devenir avocat
Le nombre de candidats à l’examen d’entrée au CRFPA (école d’avocat) n’a cessé d’augmenter : ils étaient 3 000 au tournant des années 2000, contre plus de 15 000 aujourd’hui. Dans le même temps, la profession d’avocat s’est considérablement densifiée, passant de 30 000 avocats en 1990 à plus de 74 000 actuellement.
Cette concurrence accentue la pression sur les futurs professionnels :
L’examen d’entrée au CRFPA est devenu très sélectif
Le marché est saturé, surtout dans les grandes villes
Les jeunes diplômés doivent se démarquer rapidement par leurs compétences
Or, les facultés de droit ne proposent pas toujours une préparation ciblée pour réussir cet examen ou affronter les réalités du terrain. Les prépas, en revanche, offrent une préparation intensive, des simulations d’épreuves et un entraînement méthodique qui répondent aux attentes des recruteurs comme à celles des étudiants.
C. Un enseignement universitaire en retard sur l’innovation pédagogique
Les universités sont confrontées à des contraintes budgétaires qui freinent l’adoption de nouvelles pratiques pédagogiques.
En conséquence :
Les outils numériques sont souvent peu optimisés
L’offre de formations pratiques est limitée
Les attentes des étudiants en matière de pédagogie active ne sont pas toujours comblées
D. Une fuite vers le privé
Face à ces carences, une partie des étudiants opte pour des alternatives privées, jugées plus structurées. Les prépas de droit en sont l’illustration :
Groupes à taille humaine
Séances intensives d’entraînement aux examens
Accès à des supports pédagogiques enrichis
Cette migration vers les prépas traduit une perte de confiance partielle envers le système universitaire, qui peine à répondre aux exigences contemporaines des études de droit.
II. Les prépas : un appui stratégique pour les étudiants
A. Un complément structurant à l’université
Loin de se présenter comme un remplacement de l’université, les prépas de droit s’inscrivent en complément du parcours académique classique. Elles offrent un cadre plus personnalisé, un rythme plus soutenu, et un lien pédagogique plus direct avec les enseignants.
Un renforcement des fondamentaux
Les cours de droit sont souvent denses et abstraits. Les prépas permettent de revenir sur les bases, de les approfondir et de s’assurer de leur bonne assimilation, grâce à des explications détaillées et adaptées au niveau de chacun.Un accompagnement individualisé
Alors que les facultés ne peuvent assurer un suivi personnel pour chaque étudiant, les prépas misent sur de petits groupes pour :
Travailler la méthodologie (dissertation, cas pratique, commentaire d’arrêt…)
Offrir des corrections détaillées
Répondre aux questions, lever les blocages, et personnaliser les conseils
Un soutien pour combler les écarts de niveau
La diversité des profils (filières d’origine, parcours antérieurs, niveaux) rend parfois difficile une progression homogène. Les prépas permettent d’adapter les contenus aux besoins de chacun et de consolider les acquis.Des outils pédagogiques adaptés
Les universités offrent souvent des supports de cours généraux. Les prépas vont plus loin, en mettant à disposition :
Fiches synthétiques structurées
Annales corrigées
Simulations d’examens, pour se préparer concrètement aux attentes universitaires et professionnelles
B. Une préparation à la réalité du monde professionnel
Dans un environnement où les jeunes juristes doivent être immédiatement opérationnels, les prépas jouent aussi un rôle de professionnalisation.
Une approche pratique du droit
Les prépas insistent sur la mise en application des notions juridiques à travers des exercices concrets. Elles développent des compétences essentielles comme :
La rédaction juridique
Le raisonnement structuré
L’analyse de cas réels
Une immersion dans les conditions d’examen
Pour réussir les concours, notamment le CRFPA, il ne suffit pas d’avoir les connaissances : il faut aussi savoir gérer le temps, répondre avec méthode, éviter les erreurs classiques.
Les prépas organisent régulièrement :
Des épreuves blanches dans les conditions réelles
Des corrections précises, accompagnées de conseils
Un suivi progressif des résultats pour identifier les axes d’amélioration
Conclusion
L’essor des prépas de droit ne doit rien au hasard. Il s’inscrit dans une transformation plus large des études juridiques : hausse massive des effectifs, moyens universitaires en tension, concurrence professionnelle accrue.
Face à cela, les prépas apparaissent comme une réponse adaptée, structurée et efficace, qui aide les étudiants à atteindre leurs objectifs académiques et professionnels.
À l’avenir, il est fort probable que ces dispositifs continuent de croître, à moins que les universités ne réussissent à repenser leur organisation et leurs méthodes. D’ici là, les prépas sont appelées à devenir un passage de plus en plus fréquent – sinon incontournable – dans le parcours des futurs juristes.