La clause de mobilité
La clause de mobilité est la stipulation d’un contrat par laquelle un salarié accepte, à l’avance, que son lieu de travail puisse être modifié et d’exercer ses fonctions dans les différents établissements, agences ou succursales où l’entreprise déciderait de le muter. L’intérêt d’une clause de mobilité valable, est la possibilité de faire varier le lieu de travail d’un salarié sans avoir à passer par un avenant au contrat de travail.
En effet, à défaut de clause de mobilité et lorsque le changement du lieu de travail se fait en dehors du « bassin d’emplois » le changement du lieu de travail devient une modification d’un élément essentiel nécessitant l’accord du salarié. A ce titre, la notion de zone géographique, ou de bassin d’emploi reste aujourd’hui incertaine. En 2012, la Cour de cassation estime que « lorsque le nouveau lieu de travail n’appartient pas à la même aire géographique que celui où travaillaient jusqu’alors les salariés et que l’un et l’autre étaient situés dans des bassins d’emploi différents, il en résulte qu’ils ne font pas partie du même secteur géographique et qu’en conséquence le refus des salariés de changer d’affectation n’est pas fautif » (Cass. soc., 26 sept. 2012, no 11-14.756).
Toute la difficulté est de rédiger une clause licite. Or, il n’existe pas de modèle type permettant d’assurer cette licéité. Toutefois, la clause doit respecter des critères impérieux qui sont les suivants.
- La clause doit être écrite dans le contrat de travail dés la conclusion de la relation. L’insertion d’une telle clause en cours d’exécution du contrat doit faire l’objet d’un avenant.
- La clause doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise.
- Elle doit être proportionnée au but recherché, compte tenu de l'emploi occupé et du travail demandé.
- Elle doit être justifiée par la nature de la tâche à accomplir.
- Elle doit définir un espace géographique précis.
- Son activation devra se faire après le respect d’un délai de prévenance.
- Elle doit tenir compte de la situation personnelle du salarié lors de son activation. En outre, elle ne doit pas permettre d’imposer un changement de domicile.
La clause doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise.
La clause doit être justifiée au regard des activités de l’entreprise. Seul l’intérêt de l’entreprise peut conduire à la mise en œuvre de la clause. Il ne doit pas s’agir d’une décision de l’employeur pour des raisons extérieures (discriminations, abus etc.).
Elle doit être proportionnée au but recherché, compte tenu de l'emploi occupé et du travail demandé.
La mise en œuvre de la clause ne doit être ni abusive, ni vexatoire (Cass. soc., 29 janv. 2002, no 99-44.604, no 402 FS - P : Bull. civ. V, no 39). Sa mise en œuvre doit intervenir de façon loyale, dans le respect de la bonne foi contractuelle. Le poste occupé par le salarié doit justifier qu’il puisse être mobile.
Sur l’obligation de définir une zone géographique précise.
Toute clause de mobilité qui ne définit pas « de façon précise sa zone géographique d'application » est frappée de nullité (Cass. soc., 9 nov. 2011, no 10-10.320).
La jurisprudence utilise la notion de « même secteur géographique ». Il convient de prendre en compte les facilités de déplacement permises par les transports en commun. Si la mobilité du salarié doit s’effectuer dans le même secteur géographique, il n’y a nul besoin de clause de mobilité ou d’avenant, sauf à ce que le lieu de travail ait été contractualisé.
La Cour de cassation a considéré comme nulle à raison de son imprécision une clause stipulant : « Notre direction générale pourra être amenée à vous transférer dans tout service de notre société ou à vous muter dans un de nos secteurs » (Cass. soc., 9 nov. 2011, no 10-10.320 op-cit).
Il est interdit d'étendre le champ d'application de la zone géographique en fonction des besoins de l'entreprise. L'employeur ne peut étendre unilatéralement la portée de la clause de mobilité en cours de contrat, même si cette extension est prévue dans ladite clause.
Sur le délai de prévenance
La clause de mobilité pourra être activée moyennant le respect d’un délai de prévenance (cass.soc 18/09/2002). Il faudra donc veiller à l’existence ou non de dispositions conventionnelles sur ce point. Plus la zone géographique est importante, plus le délai de prévenance doit être important.
Cette durée varie en fonction de chaque situation. A titre d’exemple dans un arrêt de 2012, la Cour de cassation a estimé qu’en ne prévenant la salariée que 10 jours à l'avance, compte tenu des perturbations que la mise en œuvre de la clause de mobilité entraînait pour la salariée et sa famille. Dès lors, bien que la salariée ait contracté un engagement prévoyant sa mobilité, le comportement de l'employeur rendait la rupture imputable à ce dernier (Cass. soc., 3 mai 2012, no 10-25.937).
La prise en compte du principe de respect de la vie privée
La prise en compte d’éléments de vie privée
C’est sur le fondement de l’article L.1121-1 du Code du travail qui dispose que « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché », que la Cour de cassation a jugé que le juge était tenu de rechercher [si cette recherche lui a été demandée] si la décision de l’employeur portait atteinte aux droits au respect de la vie personnelle et familiale, et « si une telle atteinte pouvait être justifiée par la tâche à accomplir et était proportionnée au but recherché » (Cass. soc., 17 oct. 2012, no 11-18.029).
La clause de mobilité comportant une obligation de domiciliation
L'obligation faite au salarié de fixer sa résidence à proximité de son lieu de travail est une modification du contrat de travail, même en présence d'une clause de mobilité. La clause de mobilité ne peut imposer que le salarié établisse son domicile à proximité de son lieu de travail. La domiciliation n’étant pas « inhérente » à la mobilité prévue par le contrat (Cass. soc., 15 mai 2007, no 06-41.277, no 1070 FS - P + B).
Mutation s'accompagnant d'un changement important dans l'organisation du temps de travail
Lorsqu'elle s'accompagne d'un passage d'un horaire de nuit à un horaire de jour ou d'un horaire de jour à un horaire de nuit, la mise en œuvre de la clause de mobilité suppose que le salarié accepte cette mise en œuvre, y compris si la clause prévoyait des modifications d'horaires.
Mutation s'accompagnant d'une modification du salaire
La mise en œuvre d'une clause contractuelle de mobilité ne peut être imposée au salarié lorsqu'elle entraîne une réduction de sa rémunération.
Le cas particulier d’une mutation temporaire
L'affectation occasionnelle d'un salarié en dehors de la zone géographique fixée par la clause de mobilité peut ne pas constituer une modification du contrat, à certaines conditions (Cass. soc., 3 mai 2012, no 11-10.143).
- L’affectation occasionnelle doit être motivée par l'intérêt de l'entreprise
- Elle doit être justifiée par des circonstances exceptionnelles
- Le salarié doit être informé au préalable dans un délai raisonnable du caractère temporaire de l'affectation et de sa durée prévisible.
Sur la mise en œuvre de la clause
Même en l’absence de dispositions conventionnelles en ce sens, il est conseillé de formaliser l’activation de la clause par la tenue d’un entretien et par une lettre écrite. On expliquera au salarié la justification de la mise en œuvre de la clause, et les dispositions qu’elles prévoient.
Dans le cas où la mise en œuvre d’une clause de mobilité fait l’objet de dispositions conventionnelles, il convient de les respecter scrupuleusement. La jurisprudence estime que la procédure prévue constitue des garanties de fond.
Conclusion
Le changement de lieu en application d’une clause valide s’impose au salarié
C’est un simple changement de conditions de travail. En théorie, le refus injustifié d’un salarié qui avait accepté sa clause de mobilité s’analyse en une inexécution fautive d’une obligation contractuelle qui devrait permettre de procéder au licenciement pour faute grave. Mais « en réalité, la qualification du licenciement dépendra des circonstances de l’espèce et de la bonne ou mauvaise foi du salarié[1] ».
Attention : Le refus de s’y conformer ne peut emporter de plein droit la rupture du contrat. Une telle clause est nulle (Cass.soc 19/05/2004).
[1] Catherine Davico-Hoarau