L'obligation d'emploi des personnes en situation de handicap

Publié le 28/09/2012 Vu 18 703 fois 4
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Mémoire réalisé en 2011 dans le cadre du Master 1 droit du travail.

Mémoire réalisé en 2011 dans le cadre du Master 1 droit du travail.

L'obligation d'emploi des personnes en situation de handicap


« Pour nous, l’homme se définit avant tout comme un être "en situation". Cela signifie qu’il forme un tout synthétique avec sa situation biologique, économique, politique, culturelle, etc. On ne peut le distinguer d’elle car elle le forme et décide de ses possibilités ». Tels sont les mots de Jean Paul Sartre qui, bien avant l'heure, mettait en avant la situation de l'individu comme critère de sa détermination. La loi du 11 février 2005 pour « l’égalité des droits et des chances, pour la participation et pour la citoyenneté des personnes handicapées », révise les lois précédentes sur le handicap.  Elle impose désormais les termes : « personne en situation de handicap » afin d'affirmer solennellement que la politique du handicap ne se justifie nullement en raison de la particularité physique de la personne, mais en raison de son inadaptation à son environnement, justifiant une action en sa faveur, dans un souci d'équité.

Le terme handicap est issu de la langue Anglaise, « hand in cap » signifiant main dans le chapeau. Ce terme entra en 1914 dans la langue Française. Il s'agissait à l'origine d'un échange opéré entre deux personnes lors d'un jeu de hasard, sous le contrôle d'un arbitre, qui fixait la valeur à ajouter par chaque participant afin d'égaliser les chances. Les politiques du handicap n'ont-elles pas vocation à égaliser les chances ?

L'existence de telles politiques puise sa source dans le Haut Moyen âge, période marquée par l'impulsion de la charité Chrétienne. C'est ainsi que sont créés les premiers hôtels Dieu où sont accueillis les pauvres, les miséreux et les infirmes. Toutes les périodes de l'histoire ne seront pas marquées par cette charité. Ainsi, au XVIII ème siècle, observe-t-on une certaine ghettoïsation  de ces populations. C'est avec l'avènement du Siècle des lumières qu'une certaine stabilité verra le jour, appuyée par l'arrivée de nouveaux principes. C'est en 1924 qu'est mise en place la première obligation d'emploi en faveur des mutilés de guerre de la Première Guerre Mondiale.

C'est sous la IV ème république et son préambule de 1946 que l'on voit apparaître pour la première fois le terme de « travailleurs handicapés ». La loi du 23 novembre 1957 fixe un quota théorique de 10% de travailleurs handicapés dans les effectifs des entreprises. Il s'agit là de la première loi d'obligation d'emploi en faveur des personnes en situation de handicap.

En 1967, le docteur en Droit François Bloch Lainé remet un rapport sur le « problème général de l'inadaptation des personnes handicapées ». Ce rapport fondera les lois successives sur le handicap, notamment la loi sur « l'orientation en faveur des personnes handicapées » du 30 juin 1975 jusqu'à la grande loi du 10 juillet 1987 en faveur de « l'emploi des personnes handicapées ».

L'emploi de ces personnes est un enjeu de société important. De cet emploi découlera leur insertion sociale, culturelle et économique. Loin d'être reléguées aux marges de la société, elles doivent avoir un rôle à jouer, il s'agit de leur intérêt et des intérêts de toute une nation. Pour reprendre les mots du Professeur Laborde, « c'est dans la participation réellement soutenue à la vie professionnelle et sociale que s'enracinera véritablement une citoyenneté solide »[1].

 

La question de l'intégration des personnes en situation de handicap est abordée de manière différente selon les États. Selon L'ARPEJ'H, (Accompagner la Réalisation des Projets d'Études de Jeunes Élèves et Étudiants Handicapés) on peut affirmer qu'il existe trois politiques étatiques distinctes, fondées essentiellement sur la reconnaissance du handicap.[2] C'est ainsi que certains États, tels que l'Autriche et le Danemark ont refusé d'établir une définition officielle du handicap. En France, comme en Allemagne, on définissait le handicap comme une capacité physique, mentale ou psychique réduite. On ne prenait nullement en compte l'environnement de l'individu. Cela s'accompagnait généralement par une politique interventionniste de l'État, notamment par l'élaboration de quotas. D'autres États, principalement Anglo-Saxons, considèrent le handicap comme le rapport entre la personne et son environnement. Ces États furent précurseurs en la matière. C'est précisément cette conception qui sera retenue par l'Organisation Mondiale de la Santé.

 

La France a intégré cette conception tout en maintenant son modèle antérieur dans la loi du 11 février 2005. Cette loi vient définir le handicap comme « toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable, ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou trouble de santé invalidant »

Ce changement de conception est bien heureux. On ne pouvait plus faire cohabiter une loi stigmatisant les caractéristiques physiques d'une personne et affirmer lutter contre la discrimination.

Malgré ces mesures, la situation des personnes handicapées reste potentiellement précaire. Selon une publication de la Direction de l'animation, de la recherche et des études statistiques (DARES) de juin 2011, il y avait en 2008 6% des personnes âgées de 15 à 64 ans ayant une reconnaissance administrative de leur handicap. Le taux de chômage de ces personnes s'élevait au double de la population globale (19% en 2008).

Cette situation est en partie due à une moyenne de productivité faible qui rebute les employeurs. Cependant, d'autres causes peuvent êtres avancées. D'une part, on constate des cas de discrimination envers cette population, notamment du fait de leurs caractéristiques physiques. La loi du 27 mai  2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations érige les notions de discrimination directe et indirecte. Elle vise en outre à protéger la personne handicapée contre tout acte de cette nature. D'autre part, il y a chez ces personnes une certaine tendance à se déclarer trop vite inapte au travail. Ce fait est connu sous le nom de « prophétie auto réalisatrice »[3]. Leur comportement envers l'emploi se modifie de sorte qu'elles s'excluent elles mêmes du marché du travail.

 

En France, l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH) apparaît comme une mesure phare depuis la loi de 1987. Elle vise à intégrer des personnes dans une situation de handicap au sein du milieu professionnel ordinaire, en opposition à l'intégration en établissement spécialisé.

 

La réforme du 11 février 2005, loin d'abandonner ce dispositif, l'améliore, en y associant d'autres mesures. Elle réaffirme le principe des 6% de travailleurs handicapés au sein des effectifs des entreprises et l'étend aux employeurs publics. Elle instaure également d'autres possibilités pour les employeurs de s'acquitter de leur obligation d'emploi, favorisant ainsi le dialogue, la volonté mutuelle et non plus seulement une obligation d'effectif rigide sans condition de négociation. Elle a également pour objet de sortir de la logique de l'assistanat dont étaient empreintes les politiques du handicap, pour la remplacer par la notion d'emploi. Les dispositions qu'elle met en place s'appliquent depuis le 1er janvier 2006.

 

La loi du 11 février 2005, relative à l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, a t' elle permis une plus grande effectivité de l'obligation d'emploi des personnes en situation de handicap ?

 

Une multitude de questions doivent êtres soumises à examen. Du champ d'application de cette obligation, aux  limites de ce dispositif, en passant par sa mise en œuvre. Il conviendra d'étudier le cadre légal de l'obligation d'emploi (I), permettant de cerner les bénéficiaires de l'OETH, ainsi que les employeurs y étant soumis. Cette obligation fait l'objet de modalités d'application (II) dont il conviendra d'y inclure la portée et les critiques qui y sont apportées.

 

 

I)                Le cadre légal de l'obligation d'emploi

 

            L'obligation d'emploi prévue par le législateur n'est nullement généralisée comme on pourrait le penser à priori. Il est vrai que la première loi visant à imposer une obligation d'emploi à l'égard des personnes civiles et militaires en situation de handicap de 1957, n'imposait que très peu de limites, laissant penser qu'elle s'appliquait à tous. Cependant, les lois ultérieures de 1975 et de 1987 fixaient déjà un seuil d'effectif minimum afin de cerner les entreprises concernées. La loi du 11 février 2005 fixe un cadre limitatif de l'obligation, nécessitant d'identifier les bénéficiaires de l'obligation (A) et les entreprises y étant soumises (B).

 

 

            A) Les bénéficiaires de l'obligation d'emploi

 

            L'obligation d'emploi instituée à l'article L.5212-2 vise expressément « des travailleurs handicapés ». Il énonce le principe selon lequel « tout employeur emploie dans la proportion de 6% de l'effectif total de ses salariés (…) des travailleurs handicapés, mutilés de guerre et assimilés ». Le texte législatif énonce les catégories de personnes visées par la loi (1). Il découle du dispositif législatif certains problèmes inhérents à la reconnaissance d'une personne en situation de handicap (2).

 

            1) Les catégories visées par la loi

 

L'article L.5213-1 du code du travail énonce qu'est « considérée comme travailleur handicapé toute personne dont les possibilités d'obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite de l'altération d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales ou psychiques ». On ne se bornera ici qu'à l'énumération des personnes étant dans une situation de  handicap au sens du présent article. En effet, l'obligation d'emploi n'est pas exclusive de cette catégorie de personnes. Elle concerne, entre autres, les « orphelins de guerre » ou encore « les conjoints d'invalides internés pour aliénation mentale » dans les conditions définies à l'article L.5212-13. Il s'agit en outre de catégories de bénéficiaires regroupant des anciens militaires et leurs ayant droits. Depuis 2000, le nombre de bénéficiaires de la loi a augmenté, passant de 220 000 en moyenne entre 1996 et 2000 à 250 000 en 2005.

 

Cet article doit être combiné avec l'article L.5212-13 du même code qui précise les catégories de personnes bénéficiaires. Il s'agit en premier lieu des « travailleurs reconnus handicapés par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées ». Un arrêt du 19 juin 1991 rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation affirmait le monopole de la  Commission Technique d' Orientation et de Reclassement Professionnel (COTOREP) en matière de reconnaissance administrative du handicap.

 

La loi du 11 février 2005 a supprimé cette autorité, la remplaçant par la « Commission des Droits et de l'Autonomie des Personnes Handicapées » (CDAPH). Une procédure administrative permet d'accéder à ce statut. Il convient pour la personne qui en fait la demande de déposer un dossier à la « Maison Départementale des Personnes Handicapées » (MDPH). La CDAPH examinera le dossier puis notifiera au demandeur sa décision. Le refus de la reconnaissance du handicap peut être prononcé si la commission estime que la personne est tout à fait apte au travail ou si, au contraire, elle est dans l'impossibilité totale de travailler. Il est important de préciser que cette reconnaissance n'est pas permanente. Elle ne vaut que pour une certaine période qui devra être renouvelée[4]. Il est alors possible qu'une personne reconnue comme personne en situation de handicap perde le bénéfice de son statut. Les personnes reconnues « handicapées » par cette commission entre dans le champ d'application de l'OETH. On verra ultérieurement que la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé pose un certain nombre de problèmes notamment pour les entreprises.

 

La loi vise également « les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles ayant entraîné une incapacité permanente au moins égale à 10 %, et titulaires d' une rente attribuée au titre du régime général de Sécurité Sociale ou de tout autre régime de protection sociale obligatoire ». Un arrêt du Conseil d'État du 25 octobre 1996 vient préciser que l'on ne peut refuser « la qualité de travailleur handicapé à un accidenté du travail au motif qu'il bénéficie déjà de l'obligation d'emploi. » En l'espèce, une personne s'était vu refusée la qualité de travailleur handicapé par la COTOREP au motif qu'elle bénéficiait déjà de l'obligation d'emploi prévue à l'article L.5212-2 du code du travail. Le Conseil d' Etat censure cette solution et affirme qu'on « ne peut priver une personne des autres avantages afférents à la qualité de travailleur handicapé ».

 

« Les titulaires d'une pension d'invalidité attribuée au titre du régime général de Sécurité Sociale, de tout autre régime de protection sociale obligatoire ou au titre des dispositions régissant les agents publics à condition que l'invalidité des intéressés réduise au moins des deux tiers leur capacité de travail ou de gain » bénéficient eux aussi de l'obligation d'emploi. Sont également concernés « Les titulaires de la carte d'invalidité » et « Les titulaires de l'allocation aux adultes handicapés. »

 

En ce qui concerne la carte d'invalidité, il faut savoir que la loi du 11 février 2005 en a simplifié la procédure d'attribution. Tout comme la procédure de reconnaissance du handicap, l'individu doit en faire la demande auprès de la Maison Départementale des Personnes Handicapées, et la CDAPH rendra son avis dans les 4 mois. Les conditions d'attribution sont mentionnées à l'article L.241-3 du Code de l'action sociale et des familles. Celui-ci prévoit que la carte est attribuée « A toute personne handicapée résidant en France, ainsi qu'aux Français à l'étranger, si le taux d'invalidité est estimé égal ou supérieur à 80 % par la Commission des Droits et de l'Autonomie des Personnes Handicapées. A toute personne classée en 3ème catégorie de la pension d'invalidité de la Sécurité sociale ou encore « A toute personne atteinte d'une incapacité inférieure à 80 % rendant la station debout pénible. »

 

L'allocation aux adultes handicapés est un revenu minimum de « subsistance » versée aux adultes en situation de handicap. Elle est fonction de certaines conditions, telles que l'âge ou les ressources. En principe,  il faut également que la personne ait un taux d'incapacité au moins égal à 80 %. Ce taux est évalué par la CDAPH en fonction d'un barème établi par décret.

Si ces catégories bénéficient de l'obligation d'emploi, ils ne sont pas pour autant des salariés protégés. Il ne faut pas entendre par « obligation d'emploi » la sécurité de l'emploi. Le statut de « travailleur handicapé » n'ouvre pas droit au statut de salarié protégé comme c'est le cas en Allemagne. Ainsi, une personne handicapée peut être licenciée pour tout motif pourvu qu'il soit licite.

En la matière, l'arrêt du 13 mars 1991  est particulièrement intéressant. Une salariée bénéficiant d'une obligation d'emploi avait été mise en congé pour maladie de longue durée. Par la suite, la Sécurité Sociale lui a octroyé une pension d'invalidité et elle fut reconnue « handicapée » par la COTOREP mais apte au travail en milieu ordinaire. Puis, une décision du médecin du travail l'a déclarée inapte pour une durée inconnue. C'est alors que son employeur l'a licenciée pour inaptitude physique. Pour la Cour de Cassation, ce licenciement était irrégulier car la COTOREP ne s'était pas prononcée sur cette inaptitude. La Cour de Cassation exigeait une procédure plus lourde ayant pour objectif de protéger le salarié handicapé.

La question s'est également posée de savoir si l'on pouvait licencier un travailleur étant reconnu handicapé pour inadaptation à son poste de travail. L'arrêt de la chambre sociale de la Cour de Cassation du 14 juin 2007[5] vient affirmer « qu'un licenciement fondé sur l'état de santé de la personne est illicite ». On ne peut invoquer dans la lettre de licenciement le motif selon lequel l'entreprise se trouverait dans la difficulté de proposer un poste adapté à la personne. Cela reviendrait à licencier l'individu en raison de son état de santé, ce qui est constitutif d'une discrimination, entrainant la nullité du licenciement. La Cour précise cependant qu'un tel licenciement peut être valable dés lors que le médecin de travail a déclaré l'inaptitude professionnelle de la personne « à tout poste ».

 

En outre, il pèse sur l'entreprise une obligation de reclassement extrêmement importante. Elle devra tenter de le replacer au sein de l'entreprise du groupe auquel elle appartient ou autre, tant que le salarié est apte au travail. En dehors de ce cas particulier, les salariés ayant une reconnaissance de leur handicap sont soumis aux mêmes règles de procédure de licenciement  de droit commun.

Tous les jugements en matière de licenciement de salariés handicapés ne sont pas aussi protecteurs. On peut à ce propos citer un arrêt de la Cour d'Appel de Metz du 16 décembre 1986, (Coupé Pierre c. Sarl Société nouvelle Amanvilloise) qui avait retenu que le motif réel et sérieux du licenciement pouvait être soutenu par le fait que le salarié ait tiré profit de sa situation. Ce dernier aurait dû selon la Cour adopter un comportement « compréhensif à l'égard de ses collègues, compte tenu du surcroît d'efforts qu'ils devaient déployer pour combler les effets de ses insuffisances et de ses absences. »

Le non respect du quota des 6 % ne peut fonder un ordre lors d'un licenciement économique. Dans un arrêt rendu par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation le 10 juin 1998[6], un salarié ayant une reconnaissance de son handicap, prétendait être victime d'un licenciement abusif. Il estimait qu'il ne pouvait être licencié en raison du fait que l'employeur ne respectait pas son quota de 6%. Pour la Cour, « le seul fait qu'un licenciement d'un salarié handicapé ait pour effet de faire descendre le nombre de bénéficiaires (…) occupés dans l'entreprise au dessous du pourcentage légal ne rend pas ce licenciement abusif. » La qualité de travailleur handicapé ne peut interférer sur l'ordre des licenciements, le critère prédominant restant  la qualité professionnelle.

Outre un contrôle plus poussé de leur licenciement, ils bénéficient tout de même de certaines mesures spécifiques plus favorables. C'est l'article L.5213-9 du code du travail qui prévoit que la durée de préavis du licenciement ainsi que l'indemnité de licenciement sont doublées pour les personnes reconnues handicapées. L'arrêt de la chambre sociale de la Cour de Cassation du 4 juin 2009 vient préciser que cela s'applique également aux entreprises qui ne sont pas liées à l'obligation d'emploi. En cas de conventions ou usages plus favorables, la limite des 3 mois de préavis peut ne pas être appliquée.

 

En matière de rémunération, il existait avant la loi du 11 février 2005, un principe « d'abattement sur salaire ». L'employeur en faisait la demande auprès de la COTOREP avec le contrôle de l'inspecteur du travail. Si la commission acceptait, l'employeur pouvait alors diminuer le salaire de la personne concernée afin de compenser sa moindre rentabilité. Le salarié n'était pas directement touché car il bénéficiait d'une compensation de revenu versée par l'État. Ce système a été abrogé le 1er janvier 2006 et remplacé par un nouveau dispositif. Un ensemble de rapport a démontré les défauts de ce dispositif, notamment son coût trop élevé.  Nous ne nous attarderons pas plus sur ce point qui sera traité ultérieurement dans notre étude.

 

L'employeur a également une obligation d'accessibilité du lieu de travail envers cette catégorie de salarié. L'absence de tels dispositifs équivaudrait à une discrimination envers ces personnes qui ne pourraient pas accéder comme les autres salariés aux locaux de travail.

Cette obligation d'accessibilité était déjà présente dans la loi de 1975 et de 1987, mais la loi du 11 février 2005 vient ajouter que l'employeur est tenu de « prendre les mesures appropriées ». Elle dispose : «Est considéré comme accessible aux personnes handicapées tout bâtiment ou aménagement permettant, dans des conditions normales de fonctionnement, à des personnes handicapées, avec la plus grande autonomie possible, de circuler, d’accéder aux locaux et équipements, d’utiliser les équipements, de se repérer, de communiquer et de bénéficier des prestations en vue desquelles cet établissement ou cette installation a été conçue. Les conditions d’accès des personnes handicapées doivent être les mêmes que celles des personnes valides ou, à défaut, présenter une qualité d’usage équivalente. »

L'accessibilité est un principe essentiel en vue de l'insertion des salariés handicapés au sein de l'entreprise. Le code du travail énonce à son article L.5213-6 qu'elle doit permettre « d’accéder ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer, d’y progresser, (…) ». L'obligation d'emploi ne peut recevoir sa pleine efficacité à l'égard de ses bénéficiaires sans la mise en œuvre de ce principe.

 

 

            2) La problématique de la reconnaissance du handicap

 

La qualité de travailleur handicapé permet à la personne d'accéder à un ensemble de mesures destinées à compenser son inadaptation à son milieu. Le fait de ne pas demander cette « reconnaissance administrative » peut engendrer une dégradation de l'environnement professionnel du salarié en situation de handicap et par conséquent une dégradation de son état de santé. Il en va donc de l'intérêt de la personne. Cependant, face aux hésitations de nombre d'entre elles, la loi de 2005 a entendu faciliter les démarches administratives (créant un formulaire unique) et tente de favoriser le développement d'un esprit de confiance entre les salariés concernés et les employeurs. La reconnaissance du handicap dépend fortement de cette confiance qui doit régner entre les personnes en situation de handicap et les entreprises.

 

Dans certains cas, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé pose un certain nombre de problèmes non liés à la CDAPH, mais à la personne elle même. En effet, les entreprises cherchant à s'acquitter de leur OETH sont amenées à rechercher dans leurs effectifs des salariés qui seraient susceptibles d'entrer dans le champ d'application de l'article L.5212-13. D'une part, chaque personne est libre de demander la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé et, d'autre part, chaque personne est libre de protéger, ou pas, certains éléments de sa vie privée. Ainsi, l'individu peut refuser d'engager une procédure de reconnaissance administrative devant la CDAPH, bien que rentrant dans le champ d'application de l'article L.5212-13. D'autre part, une personne ayant une reconnaissance de son handicap peut refuser de communiquer à l'entreprise les documents nécessaires, lui permettant de déclarer son salarié comme tel et donc de rentrer dans les effectifs imposés par la loi. Pour Philippe Auvergnon, chargé de recherche au CNRS, « il y a là indéniablement un conflit de logique entre liberté individuelle du salarié et intérêt financier de l'entreprise ».[7]

 

Ces mesures à l'égard de ces personnes ont pour vocation de compenser leur difficile accès au milieu professionnel. La loi du 27 mai 2008 portant « adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations » œuvre également dans ce sens. L'article L.1132-1 du code du travail énonce qu' « Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap. »

 

On peut cependant légitimement se poser la question de savoir si cette reconnaissance administrative ne conduit pas à stigmatiser  ces personnes sur  le fondement de leurs caractéristiques physiques et ce, alors que l'on affirme lutter contre de tels agissements. Sur ce point, certains ont décrit les méfaits que pouvaient engendrer de telles politiques à l'égard des personnes en situation de handicap. C'est ce qui ressort d'une étude des économistes Coate et Loury de 1993[8]. Ils ont, entre autres, montré que le fait de stigmatiser un groupe de personnes, afin de leur attribuer des avantages en raison de leur situation défavorable, peut les amener de ce fait à moins s'investir sur eux mêmes, notamment en « capital humain ». Il s'agit d'un comportement rationnel, puisque n'étant pas « rémunérés sur la base de leur capital réel mais anticipé », les agents s'investissent moins dans leur qualification.

 

Dés lors qu'ils sont moins qualifiés que d'autres catégories de personnes, cela renforce la représentation que peuvent se faire les employeurs à l'égard des personnes en situation de handicap :  « peu qualifiés et peu productives » Comme évoqué précédemment, cela participe à un mécanisme de « prophétie auto-réalisatrice », accompagné d'un phénomène « d'auto sélection », les candidats s'excluant eux mêmes d'un entretien d'embauche.

 

Cela contribue à maintenir l'équilibre discriminatoire qui s'est installé dans les mentalités  et ce, alors même que le dispositif législatif  visait à favoriser leur insertion professionnelle. Cet argumentaire est également tenu par l'école de « l'égalitarisme démocratique ». Selon elle, le fait de vouloir compenser ou de réparer le handicap dont sont atteintes les personnes ne mène pas à leur insertion, mais tend plutôt à leur exclusion. Depuis 2005, on tente de se dégager de cette logique de pur assistanat, afin de donner plus de place à l'emploi. La participation active de ces personnes à leur insertion est un élément clef de la réussite.

 

La loi du 11 février 2005 est venue changer les termes précédemment employés pour désigner ces personnes. L'expression « personne en situation de handicap » met l'accent sur le fait que le handicap ne résulte pas des caractéristiques physiques de la personne, mais de son inadaptation à son milieu. Il s'agit là d'un premier pas essentiel vers le changement de mentalité qui reste néanmoins fortement ancrée dans la conception antérieure. Toute la difficulté pour le législateur est de compenser la situation défavorable de ces personnes afin de faciliter leur insertion dans le milieu professionnel, sans pour autant justifier ces dispositifs exclusivement par le handicap dont elles sont victimes.

 

Pour les entreprises, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé au sein de leur effectif, et plus généralement l'insertion de personnes visées à l'article 5212-13 est, comme nous allons le voir, un enjeu financier important. Contrairement à ce que pourrait laisser supposer à priori l'article L.5212-2, qui affirme que « tout employeur » est tenu par l'obligation d'emploi, le dispositif légal ne concerne que certaines entreprises.

 

 

         B) Les employeurs soumis à l'obligation d'emploi

 

            L'obligation d'emploi institué par la loi de 2005 ne concerne pas toutes les entreprises. L'article L.5212-1 prévoyant que l'obligation s'applique « à tout employeur occupant vingt salariés et plus, y compris les établissements publics industriels et commerciaux ».

 

L'obligation consiste pour l'entreprise à employer « dans la proportion de 6 % de l'effectif total de ses salariés, à temps plein ou à temps partiel, des travailleurs handicapés, mutilés de guerre ou assimilés, mentionnés à l'article L.5212-13 ». C'est ce qui ressort de l'article L.5212-2 du code du travail. Dés lors, une multitude de questions vont devoir être posées. Il s'agit tout d'abord de savoir quels sont précisément les employeurs soumis au dispositif (1) et les modalités de calcul des 6% qui apparaissent très complexes au regard des éléments à prendre en considération.

 

 

1)                 Les entreprises entrant dans le champ d'application du dispositif

 

La première chose intéressante au regard des articles ci-dessus est de voir que tous les secteurs, qu'ils soient publics ou privés, sont touchés par le dispositif. Ainsi, les entreprises industrielles ou commerciales, les professions libérales, les associations ou encore les syndicats sont visés par la loi. Pour ce qui est du secteur public, les établissements publics industriels, commerciaux ou encore administratifs sont concernés.

 

En réponse à la carence de l'embauche de travailleurs handicapés dans la fonction publique, la loi de 2005 crée le « Fonds pour l'Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique » (FIPHFP), remplaçant le Fond Interministériel pour l'Insertion des Handicapés dans la Fonction Publique. Le FIPHFP est alimenté par les ministères, les hôpitaux publics, les collectivités publiques qui ne respectent pas leur obligation d'emploi.

 

Il est des cas prévus par la loi où l'obligation d'emploi ne s'applique pas de manière immédiate. Ainsi, une entreprise qui comporterait au moment de sa création plus de vingt salariés n'est pas immédiatement soumise à l'obligation. Le législateur leur a octroyé un délai fixé par décret ne pouvant excéder 3 ans. Cela vise à alléger les obligations des entrepreneurs afin de ne pas enrayer la création d'emploi. Un délai de 3 ans semble être raisonnable, afin que l'employeur puisse établir une certaine stabilité de son activité, tout en permettant à des personnes reconnues handicapées de pouvoir rentrer au sein de l'entreprise au terme d'une durée assez courte.

 

Dans le même ordre d'idée, ce délai de mise en conformité s'applique également aux entreprises qui connaîtraient une augmentation de leurs effectifs. L'application de l'OETH n'est pas immédiate, ce qui permet aux chefs d'entreprises de vérifier que cet accroissement n'est pas uniquement temporaire, mais s'inscrit dans le développement structurel de l'entreprise.

 

La loi du 10 juillet 1987 affirmait que l'obligation d'emploi s'appliquait « établissement par établissement. » La loi du 11 février 2005 reprend ce principe important. L'enjeu est ici de viser le plus de structures,  tout en évitant qu'une entreprise ne se divise en plusieurs établissements comportant moins de 20 salariés, afin d'échapper à son obligation d'emploi.

 

En 1987, aucune définition de l'établissement n'avait été donnée par la loi, si ce n'est une circulaire du ministère de l'emploi renvoyant à une définition de l'INSEE. Elle énonçait qu'un établissement était « une unité productrice sise en un lieu topographiquement distinct et dans laquelle une ou plusieurs personnes travaillent pour le compte d'une même entreprise. » Cette définition était imparfaite car elle amenait à restreindre de manière trop importante l'obligation d'emploi. De plus, il paraissait illogique d'utiliser une définition différente de celle utilisée pour reconnaître l'existence d'un établissement distinct, lorsqu'il s'agit de déterminer la présence obligatoire ou non d'un comité d'entreprise.

 

En 2005, c'est l'article L.5213-3 qui énonce que « dans les entreprises à établissement multiples, l'obligation d'emploi s'applique établissement par établissement ». Aujourd'hui on prend en compte la notion d'établissement distinct telle que définie par la chambre sociale de la Cour de Cassation dans un arrêt du 10 Octobre 1990. Pour les hauts magistrats, un établissement distinct s'entend comme « un groupe de salariés ayant des intérêts communs et travaillant sous une direction unique, peu importe que la gestion soit centralisée à un autre niveau dés lors qu'il existe sur place un représentant qualifié de l'employeur ».

 

Ainsi, s'il s'avère que des établissements comportant moins de 20 salariés ne peuvent être considérés comme des établissement distincts, leurs effectifs seront additionnés aux effectifs de l'entreprise principale qui verra son obligation augmenter. En 1991, Philippe Auvergnon écrivait que « seule une interprétation restrictive de la notion d'établissement paraît en accord avec l'intention du législateur (…) de faciliter le placement des handicapés en milieu ouvert. »[9]

 

Enfin, il semble opportun de voir les formalités administratives auxquelles sont soumis les employeurs tenus par l'obligation d'emploi. L'article L.5212-5 du code du travail impose à l'employeur de fournir au « Fonds de Développement pour l'Insertion Professionnelle des Handicapés » une déclaration annuelle, relative à l'emploi de personnes handicapées. En cas de non application de cette formalité, l'employeur sera considéré comme « ne satisfaisant pas à l'obligation d'emploi. » Cette déclaration s'impose à toutes les entreprises, même celles qui ne comportent pas au moins 20 salariés. Elle permet en outre de contrôler si chaque entreprise s'acquitte de son obligation ou de justifier le fait qu'elle n'ait pas à contribuer au Fonds.

 

Les entreprises ou les établissements concernés par l'obligation vont devoir effectuer un calcul assez technique, afin de vérifier s'ils remplissent leur obligation. Ce calcul est fondamental car il va conditionner les obligations de ces derniers. Soit le taux de 6 % est respecté et dans ce cas, l'entreprise remplit les conditions requises. Soit les 6 % ne sont pas atteint et ils seront contraints de prendre d'autres mesures.

 

 

2)                 Les modalités de calcul des effectifs

 

Le calcul de l'effectif est soumis à la prise en compte de multiples éléments dont certains sont apparus avec la loi du 11 février 2005. Nous avons vu précédemment certaines conditions tenant à la taille de l'entreprise et à son organisation. Il s'agira ici de tenir compte d'éléments propres à la personne du salarié.

 

La première exigence qui s'impose à l'employeur est de montrer la validité du titre de bénéficiaire de l'obligation d'emploi. L'employeur ne peut prendre en compte des salariés, qui bien que victimes d'un handicap, ne bénéficient pas de la reconnaissance administrative de la qualité de travailleur handicapé. Cela renvoie à la problématique de la reconnaissance du handicap évoquée précédemment.

 

Il est vrai que l'employeur va tenter de chercher si, au sein de ses effectifs, il y aurait des personnes susceptibles d'être reconnues comme travailleurs handicapés par la CDAPH. Mais d'une part, le salarié est libre d'en faire la demande et d'autre part, il est nécessaire d'avoir un titre de bénéficiaire pour être pris en compte dans les effectifs en tant que travailleur handicapé.

 

Ce titre doit être valable au moment de la déclaration pour que le bénéficiaire soit compté normalement. Ce formalisme imposé peut sembler rigide, mais il est nécessaire même si on peut concevoir la frustration d'un employeur qui compterait dans ses effectifs un salarié pouvant être reconnu comme handicapé, mais qui ne le souhaite pas. Il est certain que ce dernier pourrait lui éviter d'engager des frais d'embauche ou de contribution à l'AGEFIPH supplémentaires, mais la liberté individuelle prime sur les intérêts financiers de l'entreprise. Néanmoins, il ne serait pas concevable que l'employeur apprécie de façon discrétionnaire la situation de handicap de tel ou tel salarié. Afin que chacun soit traité sur un même pied d'égalité, il est nécessaire de centraliser la délivrance du titre de bénéficiaire de l'obligation d'emploi.

 

Le calcul des bénéficiaires de l'obligation d'emploi au sein de l'entreprise ne se calcule plus en « unité bénéficiaire ». Depuis 2005, il faut prendre en considération le temps de présence du salarié au sein de l'entreprise. Avant 2008, on appliquait la règle des 6 mois : un travailleur était compté pour « un » dés lors qu'il était présent durant au moins 6 mois. Ces dispositions ont été abrogées  par l'article 5 de la loi du 26 mai 2008. Cette loi harmonise également  le décompte effectué, en ne prenant plus en considération le type de contrat utilisé. Les CDI, CDD, intérimaires, ou encore les mises à disposition sont décomptés de la même manière.

 

Ainsi l'article L.5212-14 et le règlement R.5212-1-1 énoncent que « le salarié bénéficiaire de l'OETH dont la durée de travail est égale ou supérieure à la moitié de la durée légale ou conventionnelle de travail, compte pour une unité multipliée par le nombre de jours de présence effective du salarié dans l'établissement, rapporté à l'année. » Parallèlement, « le salarié bénéficiaire de l'OETH dont la durée de travail est  inférieure à la moitié de la durée légale ou conventionnelle compte pour une demi unité multipliée par le nombre de jours de présence effective dans l'établissement rapporté à l'année. »

 

Il faut savoir que le calcul de cette présence doit exclure les périodes de suspension du contrat. (congé maternité, invalidité, maladie, etc..) Il s'agit de prendre en compte le temps de travail effectif au service de l'entreprise et non la durée du lien contractuel.

 

Ce système a pour avantage de limiter la volonté de l'employeur de n'employer que des salariés bénéficiaires de l'obligation à mi-temps, afin de s'acquitter de son obligation d'emploi tout en gardant une grande marge de manœuvre. On sait que les personnes handicapées sont frappées de plein fouet par les contrats précaires, ce dispositif permet quelque peu de limiter une précarisation déjà trop importante. D'autre part, cela permet d'optimiser les possibilités de travailleurs handicapés d'être intégrés dans une entreprise, notamment pour les personnes atteintes d'un handicap très lourd. Le fait que les périodes de suspension ne soient pas prises en compte implique que l'obligation d'emploi s'appuie sur une véritable relation de travail et pas uniquement une relation contractuelle.

 

Les salariés mis à la disposition de l'entreprise peuvent également être pris en compte dans le calcul des effectifs. Il ressort de l'article L.1111-2 plusieurs conditions cumulatives. Le bénéficiaire doit être présent au jour du décompte, soit le 31 décembre de l'année d'exercice et ce, depuis au moins un an. La durée d'un an peut être une addition de plusieurs périodes, il n'est pas exigé qu'elle soit d'un seul tenant. Enfin, il ne doit pas remplacer un salarié absent ou dont le contrat de travail a été suspendu. Si ces conditions sont réunies, il peut être comptabilisé par l'entreprise utilisatrice, mais également par l'entreprise avec laquelle il est lié à un contrat de travail.

 

Auparavant, certains salariés n'étaient pas pris en compte dans le calcul de l'effectif total de l'entreprise. Il s'agissait la plupart du temps de postes dits particuliers. (travaux dangereux par exemple). Cela avait pour conséquence de restreindre encore le champ d'application des entreprises concernées. En effet, celles qui passaient sous le seuil des 20 salariés grâce à ce dispositif n'étaient pas concernées par l'obligation d'emploi. En 1988, cela rassemblait 33 catégories d'emplois, dont  les maçons, les conducteurs, ou encore les hôtesse d'accueil . A l'époque, une des grandes critiques de ce dispositif, revenait à affirmer qu'il y avait certains emplois inaccessibles par nature aux personnes handicapées. Il est logique aujourd'hui de considérer que cela revient à ériger une discrimination qui ne peut cohabiter avec les engagements pris par les gouvernements successifs.

 

Depuis 2005, si les ECAP, « emplois exigeant des conditions d'aptitudes particulières » existent toujours (Décret n° 2006-135),  ils sont désormais pris en compte dans le calcul des effectifs. Cela permet  d'élargir un peu plus le champ d'application de l'obligation par rapport à la loi de 1987.

 

Toujours afin de lutter contre la discrimination, tout en prenant en compte les intérêts financiers des entreprises, la loi vient supprimer le critère de l'importance du handicap. Avant 2005, le handicap était catégorisé en 3 catégories (A,B,C), en fonction de « l'importance du handicap ». Cette classification comportait deux problèmes majeurs. Primo, ce classement était particulièrement discriminant, donc contraire aux objectifs et à la politique de lutte menée en la matière. Secundo, il n'était absolument pas représentatif. Un handicap catégorisé C apparaît très important, mais il peut convenir à des postes adaptés ou à un autre poste. A contrario, un handicap catégorisé A est léger, mais il peut ne pas être adapté à certaines situations de travail.

 

Le législateur a donc opté pour l'abandon du critère de l'importance, en le substituant au critère de la lourdeur du handicap. Si les notions semblent proches, c'est l'approche qui en est faîte qui est totalement différente. En effet, il ne s'agit plus de reconnaître la lourdeur d'un handicap, ce qui resterait discriminant. Toujours dans l'optique de la nouvelle notion de handicap, cette approche vient mettre en avant le fait que ce n'est pas l'individu qui n'est pas adapté, mais le travail.

 

Dés lors, la reconnaissance de la lourdeur du handicap (RLH) revient en définitive à identifier le coût restant à l'employeur après qu'il ait adapté le poste occupé par le salarié reconnu handicapé. En fait, il s'agit de l'évolution d'une  mesure déjà existante à travers les abattements de salaires évoqués précédemment. Ces abattements ne sont plus d'actualité aujourd'hui, mais la loi prévoit encore un mécanisme de compensation au bénéfice de l'employeur. Elle vise à compenser non pas le manque de productivité, mais le coût de l'adaptation du poste qui a été mise place. Cette compensation est effectuée par le biais d'aides financières versées par l' AGEFIPH en fonction de l'effort de l'employeur. La RLH n'est accordée que pour une durée limitée et pour un poste précis (1 à 3 ans). Elle est attachée à l'employeur et à un poste déterminé. A l'expiration de ces délais, l'employeur doit demander le renouvellement de la RLH. Cela est également obligatoire dés lors que le salarié bénéficiaire change de poste au sein de l'entreprise ou en cas d'évolution de son handicap. Étant attachée à l'employeur et à un poste de travail déterminé, le changement de poste avant l'expiration du délai entraîne la caducité de la RLH.

 

Le calcul du seuil des 6 % apparaît donc très complexe, en témoigne les multiples éléments que l'entreprise doit prendre en considération.

 

L'obligation d'emploi peut être réalisée par différents moyens. Dans chaque cas, il faudra prendre en compte tous les éléments précités afin de vérifier si l'entreprise répond ou non à ses obligations légales. Si l'embauche directe de travailleurs handicapés apparaît comme le principe, la loi vient prévoir un panel de mesures pouvant venir se substituer totalement ou partiellement à cette possibilité.

 

 

I)                 Les modalités d'application de l'obligation d'emploi

 

            En 2005, le législateur a souhaité reprendre la logique entreprise par la loi du 10 juillet 1987. A l'époque, les créateurs de la loi avaient souhaité établir des modalités d'application complémentaires pouvant se substituer partiellement ou totalement à l'embauche directe de travailleurs handicapés, ces mesures permettant une certaine flexibilité. Elles bénéficient aux entreprises mais également à l' AGEFIPH qui voit ses possibilités d'action se diversifier en raison de l'augmentation de ses fonds. Ces moyens d'application variés de l'obligation d'emploi (A) ne sont pas vus du même œil par tous les acteurs. En outre, le bilan étape de l'obligation d'emploi reste mitigé et sujet à critiques (B).

 

 

            A) Des moyens de mise en œuvre variés

 

            Les moyens d'application peuvent être répertoriés en deux catégories : celles ayant pour objet de pouvoir remplir totalement l'obligation d'emploi (1) et d'autres ne pouvant s'y substituer que partiellement (2).

 

 

1)                 Les moyens de mise en œuvre totale de l'obligation d'emploi

 

Le premier moyen de s'acquitter de son obligation pour une entreprise est de satisfaire  à l'exigence des  6 % de travailleurs handicapés au sein de ses effectifs. Il s'agit du principe : une obligation permettant l'embauche de personnes en situation de handicap. Il est certain que cette modalité correspond à la véritable volonté du législateur. Elle est la seule à même de donner des effets directs sur l'insertion de ces personnes dans le milieu professionnel.

 

Mais l'embauche directe de travailleurs handicapés semble difficile à mettre en place pour les entreprises. Si elles ont bien intégré l'obligation d'emploi, elles penchent beaucoup plus vers les moyens alternatifs à l'embauche. Selon la DARES, en 2008, l'obligation d'emploi ne s'élevait en moyenne qu'à 4,5 % au lieu des 6 % voulus par le législateur. En 1990, elle était de 4 %. Sa progression est donc très faible et démontre que les entreprises préfèrent recourir à d'autres moyens.

 

Il apparaît nettement que l'emploi direct est plus fréquent dans les grands établissements, notamment dans les secteurs de l'industrie et de la construction. Selon la DARES, en 2005, 80 % des établissements de plus de 200 salariés avaient recours à l'emploi direct et à la sous traitance. Parmi eux, seuls 17 % atteignaient le quota obligatoire. Les statistiques montrent que plus l'effectif de l'entreprise est important, plus la part des salariés handicapés tend à augmenter. Ainsi, toujours en 2005, les entreprises de 20 à 49 salariés comptaient dans leurs effectifs 2,3 % de salariés handicapés à temps plein. Cette part passe à 3,2 % pour les entreprises de 500 salariés et plus.

 

La loi de 2005 ne semble pas avoir résolu le problème de l'embauche, tout comme la loi du 10 juillet 1987. Celle-ci avait prévu un taux de 6 % pour 1991, le taux légal augmentant chaque année afin de ne pas prendre au dépourvu les entreprises. Mais on constata bien amèrement que le taux n'atteignit que 4 % en 1991. Cela traduit bel et bien un certain malaise des entreprises sur ce sujet qui ne va pas s'améliorer avec la période de crise économique que nous traversons actuellement.

 

Pour autant, peut on véritablement s'étonner de ces chiffres ? A partir du moment où l'on ouvre des possibilités alternatives, on peut se douter que les entreprises vont opter pour des solutions qui sont plus à même de répondre à leurs contraintes.

 

L'obligation d'emploi peut être mise en œuvre par l'application d'un accord. C'est l'article L.5212-8 qui énonce la possibilité de « l'employeur de s'acquitter de l'obligation d'emploi en faisant application d'un accord de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement agrée prévoyant la mise en œuvre d'un programme annuel ou pluriannuel en faveur des travailleurs handicapés ».

 

Cet accord doit obligatoirement mettre en application un plan d'embauche en milieu ordinaire.  A côté de ce plan, il doit mettre en œuvre au  moins deux actions parmi lesquelles figurent : « le plan d'insertion et de formation », « le plan d'adaptation aux mutations technologiques », « le plan de maintien dans l'entreprise en cas de licenciement.»

 

Afin d'être validé, il devra tout d'abord recueillir l'avis  de la CDAPH ou du Conseil supérieur pour le reclassement professionnel et social des travailleurs handicapés. Il devra ensuite être agrée par l'autorité administrative. Pour les accords de branche, il s'agira du ministre chargé de l'emploi après avis du conseil supérieur pour le reclassement professionnel. Pour les accords de groupes, d'entreprises ou d'établissements, il s'agira du préfet après avis de la CDAPH. Il est bien évident que ces accords ne concernent que les personnes ayant une reconnaissance administrative de leur handicap et non d'autres catégories telles que celle des accidentés du travail. L'accord est mis en place pour une durée limitée. A l'expiration du délai, il devra être renouvelé expressément ou disparaîtra. Il n'y a pas de tacite reconduction. Les parties doivent à nouveau se réunir afin d'envisager d'autres modalités, d'autres actions permettant de s'adapter aux évolutions de la situation.

 

Ces accords peuvent permettre à l'employeur de s'acquitter de son obligation totalement ou partiellement. Cela dépendra de l'appréciation que fera l'autorité administrative du contenu de l'accord. Plus les mesures envisagées seront importantes, plus l'accord sera susceptible de remplir l' OETH de l'employeur.

 

La question qui se pose est de savoir comment l'autorité administrative va vérifier l'application effective de cet accord. Il y avait là matière à inquiétude. En 1987, aucune mesure de contrôle ou de sanction n'avait été prévue : ce n'est plus le cas aujourd'hui. La mise en œuvre de l'accord est suivie par la mise en place au niveau local d'un référent handicap ou de relais permettant de vérifier les résultats obtenus.

 

Cette alternative présente des avantages pour les entreprises, mais aussi pour la collectivité. Pour les entreprises, il s'agit d'appliquer son obligation par une modalité qui répond de façon plus appropriée à sa structure. Ces accords peuvent permettre de favoriser l'intégration de personnes handicapées de manière différée, au sein d'autres entreprises, grâce à la formation qui peut être mise en place. Ces modalités permettent d'envisager l'obligation d'une manière différente, tout en s'inscrivant entièrement dans la volonté du législateur. De tels accords peuvent avoir des effets bien plus larges que la simple embauche.

 

Outre ce moyen d'application alternatif, il existe d'autres modalités envisageables pour les entreprises. Mais, contrairement à la conclusion d'un accord, ces modalités ne peuvent que partiellement participer à la réalisation de l'obligation. Le législateur a entendu limiter le recours à ces modalités afin de diversifier les actions des entreprises. Cette diversité est la seule à même de participer efficacement à l'insertion des personnes handicapées.

 

 

2)                 Les moyens de mise en œuvre partielle de l'obligation d'emploi

 

            La loi prévoit deux modalités de mise en œuvre partielle. Elles sont prévues aux articles L.5212-6 et 5212-7 du Code du travail.

 

L'article 5212-6 prévoit que les « entreprises peuvent s'acquitter partiellement de l'obligation d'emploi en passant des contrats de fournitures de sous traitance ou de prestations de services ». Ces contrats doivent être ciblés vers trois types d'établissement. Il s'agit des entreprises adaptées, des centres de distribution de travail à domicile et des établissements ou services d'aide par le travail.

 

Ce qui est intéressant, c'est que le législateur a limité la possibilité de s'acquitter de l'obligation de cette manière, tout en incitant l'entreprise à fournir un volume  de travail important lorsqu'elle a recours à ce type de contrat.

 

L'article L.5212-6 prévoit en effet que « cet acquittement partiel est proportionnel au volume de travail fourni à ces ateliers, centres, établissements ou services ». Plus l'employeur fournira une quantité de travail importante, plus il tendra à réaliser son obligation d'emploi. Une telle condition est idéale afin d'éviter les contrats qui ne comporteraient qu'une quantité de travail à réaliser très faible et donc peu intéressante pour ces établissements. Elle permet d'éviter que des contrats dépourvus de tout contenu puissent compter dans la réalisation de l'obligation.

 

Elle a également l'avantage de faire coopérer le milieu dit « ordinaire » et les milieux de travail « protégés ». Ainsi, l'entreprise qui ne pourrait ou ne souhaiterait  pas confier du travail en raison de l'inadaptation de son entreprise aux travailleurs handicapés, peut sous traiter avec ces établissements qui ont par définition des structures adaptées.

 

Le recours à ces types de contrat est néanmoins limité puisqu'il ne peut représenter que 50 % de l'obligation d'emploi, soit 3 % de l'obligation totale.

 

L'article L.5212-7 prévoit quant à lui que « l'employeur peut s'acquitter partiellement de l'obligation d'emploi en accueillant en stage, dans des conditions fixées par un décret précisant le durée minimale de ce stage, des personnes handicapées, dans la limite de 2% de l'effectif total des salariés de l'entreprise. » Un stage en entreprise permet à la personne bénéficiaire de prendre ou de reprendre contact avec le milieu professionnel. Elle peut ainsi montrer ses compétences à l'employeur et lui donner une image différente de celle souvent perçue.

 

Ces stages ne concernent que les personnes bénéficiaires de l'obligation d'emploi exerçant des stages précis. Il s'agit de formations professionnelles rémunérées par l'État, de stages organisés par l' AGEFIPH, des stages d'alternance, prescrits par pôle emploi, un stage relevant du code de l'éducation et depuis 2006 des stages étudiants en entreprise.

 

Le stage ne peut avoir une durée inférieure à 40 heures. Afin de calculer la part que représentent ces stagiaires dans l'obligation d'emploi, il suffit de faire le rapport entre la durée du stage et la durée annuelle de travail dans l'établissement. On remarque ainsi que plus il y aura de stagiaires et plus la durée de leur stage sera importante, plus ils tendront à réaliser l'obligation. Cependant, n'étant que partielle, cette modalité ne peut avoir pour effet de réaliser entièrement l'obligation d'emploi. Cela se limite à 2 % de l'obligation.

 

Enfin, une autre possibilité est ouverte aux entreprises à travers la contribution financière à l' AGEFIPH. Cette modalité est prévue à l'article L.5212-9, elle ne permet véritablement aux entreprises de respecter leur obligation que de manière partielle. Depuis 2005, la contribution financière a été étendue au secteur public. Les contributions versées par ce secteur sont collectées par le Fonds Public pour l' Insertion des Personnes Handicapées (FIPHFP). Selon Francis Kessler, la création de ce fonds à pour objet de répondre au « constat de carence de l'embauche dans la fonction publique »[10] Cette modalité est intéressante car elle peut être un outil de compensation visant à compléter la part de l'obligation non remplie. En tout état de cause, elle ne peut à elle seule remplir l'obligation de l'employeur pour deux raisons principales.

 

La contribution à l' AGEFIPH apparaît comme une solution coûteuse à l'employeur. Elle est calculée en fonction du nombre de bénéficiaires manquants qu'il aurait dû employer. Ce calcul prend en compte divers éléments. Tout d'abord, il s'agit de calculer le nombre de bénéficiaires manquants. On prend en compte ici les bénéficiaires qu'il emploie ainsi que les modalités partielles mises en œuvre.

 

Une fois cet élément calculé, il faut venir appliquer ce que le législateur appelle des coefficients de minoration. Il s'agit là de prendre en considération les efforts déployés par l'employeur afin de maintenir dans l'emploi des personnes handicapées ou de les y intégrer. A ce titre, il est prévu des minorations dans certains cas. Par exemple, on décomptera 0,5 d'une unité de base et ce, de manière permanente, pour l'embauche d'un bénéficiaire de moins de 25 ans ou de 50 ans et plus. Cette minoration sera de 1, la première année, pour l'embauche d'un bénéficiaire de l'obligation d'emploi en chômage de longue durée... Une fois le montant déterminé, l'employeur n'aura plus qu'à effectuer le versement auprès de l'organisme compétent. Il recevra alors « une attestation de versement de contribution »[11].

 

On peut trouver choquant de décompter de la sorte l'obligation d'emploi. De tels calculs montrent qu'il s'agit véritablement d'une corvée pour les entreprises. On en vient à effectuer des calculs d'apothicaires pour l'application d'un dispositif visant simplement à aider les personnes handicapées à s'insérer dans le milieu professionnel. Cependant, l'argument selon lequel les entreprises n'ont pas vocation à mener des actions sociales reste défendable.

 

La contribution financière va donc dépendre du nombre de bénéficiaires manquants, mais également de la taille de l'entreprise. Ces montants ont été augmentés depuis la loi de 2005 afin de dissuader les employeurs de cette modalité. De sorte que dans les entreprises de 20 à 199 salariés, la contribution sera de 400 fois le SMIC horaire par bénéficiaire manquant. 500 fois le SMIC horaire pour celles comptant 200 à 749 salariés, 600 fois pour les entreprises de 750 salariés et plus.

 

Cette contribution ne peut être que partielle, puisqu'en vertu de l'article 5212-10 du code du travail, les entreprises n'ayant occupé aucun bénéficiaire de l'obligation d'emploi, n'ayant passé aucun contrat de sous traitance ou n'appliquant aucun accord durant une période de 3 ans voient leur contribution augmenter à 1500 fois le SMIC. On remarquera que le recours à des stagiaires ne permet pas de s'exonérer de cette majoration, étant donné qu'il ne correspond pas à la liste énumérée ci dessus. Cette contribution majorée est une véritable sanction dont l'objectif est de pousser les entreprises à mettre en œuvre des actions positives en faveur des travailleurs handicapés.

 

Les pénalités infligées aux employeurs étant des sanctions, il faut rappeler qu'elles doivent faire l'objet du principe contradictoire. Ce principe est illustré dans un vieil arrêt du 4 juin 1997, intitulé Société Cap île de France[12]. Cette société s'était vue imposée des pénalités par l'administration du travail. Le Conseil d'état cassa l'arrêt d'une cour d'appel en raison du non respect de la procédure. Il met en évidence le fait que l'employeur doit pouvoir s'expliquer du non respect de l'obligation. Divers éléments peuvent ainsi être pris en compte, telle que la concurrence d'une autre entreprise ne respectant pas son obligation d'emploi. Les pénalités n'ont pas vocation encore une fois à s'appliquer automatiquement. Il s'agit de sanctions devant faire l'objet d'un échange d'arguments contradictoires propre à lutter contre l'arbitraire de l'administration.

 

De part l'éventail prévu par le législateur, on assiste depuis quelques années à une  « contractualisation » de l'obligation, chaque entreprise négociant la réalisation de son obligation en appliquant telle ou telle disposition. Ce phénomène est également présent à travers l'obligation des employeurs publics. Pour Augustin Boujeka maître de conférence à l'université Paris Ouest Nanterre et président de l'association Travail et Handicap dans la fonction publique, on observe  « une contractualisation de l'action publique d'insertion professionnelle des travailleurs handicapés ».[13]Les modalités prévues par le législateur permettent de diversifier les actions des entreprises.

 

Suite à la forte proportion d'entreprises préférant la contribution financière entre 1987 et 2005, le législateur a durci les règles de la contribution. Elle ne peut être que partielle, ce qui permet de respecter l'objectif initial qu'est l'embauche de travailleurs handicapés. Malgré tout, les entreprises continuent de préférer les autres modalités prévues par la loi à l'embauche directe. Peut on véritablement s'en plaindre ? Doit on revenir à une rigidité du système ? La question peut être posée mais il est certain que ces dispositifs présentent des avantages indéniables.

 

 

            B) Un bilan étape mitigé

 

Bien qu'il soit trop tôt pour effectuer un véritable bilan, la loi du 11 février 2005 a sans conteste permis d'améliorer la situation préexistante (1). Il restera difficile dans les prochaines années d'effectuer une comparaison avec le passé. En effet, la situation économique a de l'influence sur  l'insertion des personnes handicapées. Étant particulièrement variable, une telle comparaison ne pourra avoir qu'une portée limitée. De plus, la loi de 2005 a modifié les modes de calcul d'effectifs, ce qui va également dans ce sens. Cependant, on peut tout de même s'interroger sur certains points, pouvant laisser penser qu'elle ne va pas au bout de ses ambitions (2). On retrouve ainsi certaines limites déjà soulevées lors du bilan de la loi de 1987.

 

 

1)                 Une plus grande efficacité de l'obligation d'emploi

 

            En premier lieu, la loi du 11 février 2005 permet d'étendre l'obligation d'emploi. Désormais, le secteur public est également concerné par l' OETH. Cela représente un nombre de salariés non négligeable. Le secteur public vient contribuer financièrement au FIPFP, ce qui permet d'augmenter en parallèle les actions en faveur des personnes handicapées.

 

Cette extension de l'obligation se retrouve également du fait de la prise en compte de certaines catégories de travailleurs au sein de l'entreprise, auparavant non décomptées, ce qui avait pour conséquence de diminuer le seuil d'effectifs. De nombreuses entreprises sortaient ainsi du champ d'application de l' OETH, réduisant la possibilité des travailleurs handicapés d'être embauchés.

 

Désormais, ce n'est plus le cas. Ainsi, le nombre d'établissements concernés par l' OETH a augmenté entre 2006 et en 2007, atteignant 126 000. Cela a également permis de diminuer le nombre d'entreprises n'employant aucun bénéficiaire de l'OETH . Entre 2005 et 2007, ce nombre d'entreprises a diminué de 7 points, tandis que le nombre d'entreprises ayant recours à l'embauche directe a augmenté de 56 %.[14] Par ailleurs, selon le Ministère du travail, entre 2005 et 2009, il y aurait eu 24 % d'embauche de personnes handicapées supplémentaires, les entreprises ayant recours à des salariés handicapés étant passées de 53 % à 56 %.

 

Les accords collectifs conclus en faveur des personnes en situation de handicap ont augmenté de 15 % entre 2005 et 2009. Le gouvernement veut insister sur ces accords en incitant le plus grand nombre d'entreprises à y avoir recours.

 

D'autre part, les contributions financières ont été augmentées afin d'inciter les employeurs à effectuer des actions positives en matière d'insertion. A défaut, ces contributions permettent tout de même d'engager des actions en leur faveur par le biais de l'AGEFIPH ou du FIPHP. Ces fonds « ont pour objet d'accroître les moyens consacrés à l'insertion professionnelle des handicapés en milieu ordinaire de travail » (art. L.5214-1 du code du travail). L'association engage « des actions de financement, de mise en œuvre des parcours de formation professionnelle pré qualifiante et certifiante des demandeurs d'emploi handicapés. » (art. L.5214-1-1 du même code). Entre 2005 et 2009, l'AGEFIPH et le FIPHPH ont reçu environ 400 millions d'euros supplémentaires. Cela s'est traduit par une augmentation de 80 % des actions engagées par ces fonds d'insertion.

 

Ainsi, si les entreprises  ne réalisent pas d'actions positives, ce sont ces fonds qui prennent le relais. Ils agissent afin d'améliorer l'insertion des personnes handicapées.

 

Nous verrons que certains critiquent ce mécanisme. Il apparaîtrait comme un échappatoire trop facile pour les entreprises désireuses de ne pas appliquer leur obligation d'emploi. Cependant, il faut bien admettre que ces fonds permettent en tout état de cause d'agir d'une autre manière en faveur des personnes handicapées améliorant leur situation, ce qui est bien l'essentiel.

 

Outre le mécanisme des contributions financières, les autres méthodes alternatives de réalisation de l'obligation semblent avoir été bien intégrées par les employeurs. Ceux-ci ont bien accueilli le fait de pouvoir moduler la réalisation de leur obligation. Il est vrai que ce système a pour avantage indéniable de favoriser le dialogue et la négociation, impliquant pleinement les employeurs dans cette politique d'insertion en milieu ordinaire.

 

Il fût un temps où l'obligation d'emploi était imposée aux employeurs de manière rigide. Or, on sait qu'une telle rigidité ne peut que frustrer les parties et bloquer un dialogue pourtant nécessaire. Depuis la mise en place de ces dispositifs alternatifs, on observe que les employeurs ont accepté et intégré l' OETH. Cette acceptation ne fait plus débat aujourd'hui. En laissant le choix aux employeurs, on ouvre la voix du dialogue, de la « contractualisation » de l'obligation, favorisant une meilleure réalisation de l'insertion.

 

La conclusion d'un accord peut avoir des effets bien plus larges que l'embauche directe de travailleurs handicapés. Un accord peut avoir pour conséquence de maintenir dans l'emploi cette catégorie de personnes particulièrement vulnérables. Il ne suffit pas de favoriser l'accès à l'emploi, encore faut il que ces personnes s'y maintiennent. La pluralité d'actions permet une certaine complémentarité des différents acteurs. La solidarité d'une société face au handicap est la plus belle réponse que l'on peut leur envoyer. Cependant, hormis la symbolique, encore faut il que cette obligation soit effectivement respectée. C'est là qu'intervient le contrôle des juges.

 

L'acceptation de l'obligation est facilement remarquable au vu du peu de contentieux en la matière, les pénalités infligées en cas de non respect étant assez dissuasives. Cependant, on aurait pu croire que les employeurs contesteraient les pénalités qui leur sont imposées en cas de non respect du quota. Si le contentieux n'est pas inexistant, il est très restreint et l'on peut s'en réjouir. Mais loin de tomber dans un trop grand optimisme, il convient de comprendre les raisons de cette situation. Hervé Rihal, Professeur de droit public à l'Université d'Angers met en évidence trois éléments dans sa chronique l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés : le  respect de l'obligation des 6 % apprécié par les juridictions administratives et judiciaires.[15]

 

Le premier élément revient à dire que le panel de mesures proposées par le législateur dont nous avons vu le contenu, ne pouvait conduire  qu'à la réalisation de l'obligation sans trop de difficulté. L'embauche directe n'étant pas la seule possibilité d'atteindre les 6%, l'obligation apparaît assez facile à réaliser.

 

De plus, au vu de la complexité du calcul des pénalités, l'administration met d'abord en place « une phase de négociation avec l'entreprise débitrice ». Les pénalités ne tombant pas immédiatement  à la connaissance du non respect de l'obligation, l'employeur dispose d'un temps supplémentaire afin de se mettre en conformité. Enfin, « l'extension des pénalités au droit de la fonction publique ne date que de la loi du 11 février 2005, de sorte qu'aucun contentieux n'a encore vu le jour »

 

Malgré tout, il ne faut pas oublier qu'il existe un contentieux en la matière permettant de dégager certains principes élaborés par la Cour de Cassation et par le Conseil d'état. Ainsi, on observe qu'en matière d'obligation d'emploi, le Conseil d'état est bien plus exigeant que la Cour de Cassation.

 

Pour la Cour de Cassation, le non respect du quota ne peut justifier une immixtion dans les affaires de l'entreprise. De plus, comme on l'a vu précédemment, elle ne considère pas le handicap comme un « privilège » pouvant caractériser un statut protecteur face au licenciement. Elle remet ce contrôle à la charge de l'administration !

 

On peut illustrer ce propos par l'arrêt rendu par la 2éme chambre civile de la Cour de Cassation le 10 juin 2004 [16] En l'espèce, un comité d'établissement avait saisi le juge des référés pour se voir communiquer les documents justifiant la qualité de travailleurs handicapés des salariés concernés. Pour la Cour de Cassation, ces éléments relèvent de la vie privée. Le comité ne peut donc avoir connaissance de ces éléments. Il en résulte que les comités d'entreprise n'ont aucun droit de regard sur le respect du quota des 6 %. On peut y voir là une certaine  contrainte ou au contraire le respect de la vie privée des personnes handicapées. En sachant que dans une société où l'individu est mis sur un piédestal, la vie privée ne peut que l'emporter.

 

Toujours dans cette logique de contrôle plus poussé, le Conseil d'état affirme que l'administration a un devoir de vigilance important en matière de respect de l'obligation d'emploi d'entreprises candidates à une délégation de service public : cela ressort d'un arrêt du 4 février 2009. Dans les faits, une société évincée d'une procédure de délégation de service public affirmait avoir été lésée en raison du non respect des principes de non concurrence. Elle arguait que la société retenue ne respectait pas son obligation d'emploi créant ainsi une rupture d'égalité de traitement. Le Conseil d'état affirme alors que l'administration doit vérifier que les entreprises respectent bien leur obligation d'emploi. Cela incite les employeurs à respecter leur obligation. Il serait dommage pour une entreprise de se voir évincer d'une délégation de service public, pour le simple non respect de l'obligation d'emploi.

 

Enfin, le Conseil d'état affirme le principe selon lequel l'embauche d'un salarié handicapé d'un Etat membre de l'Union Européenne compte dans le calcul des 6 %. Le 9 novembre 2007[17], le Conseil d'état écarte des dispositions législatives et réglementaires du Code du travail. Celles-ci ayant amené l' Administration à refuser de prendre en compte dans le calcul du quota de 6% un travailleur Néerlandais travaillant sur le territoire national au motif qu'il n'avait pas fait l'objet d'une reconnaissance de son handicap en France. Un travailleur transfrontalier de l'Union Européenne reconnu handicapé dans son État d'origine doit être pris en compte dans le quota de 6%.

 

On peut estimer que cela permet de faire de l'insertion des travailleurs handicapés un enjeu Européen. Il serait contrariant de restreindre l'obligation d'emploi au seul territoire national. Le handicap ne connaît pas de frontière. 

 

Au vu des éléments du contentieux, il apparaît clairement que le Conseil d'état est plus pointilleux sur la question du respect de l'obligation d'emploi que ne l'est la Cour de Cassation. Cela peut s'expliquer par la proximité qu'il existe entre la prononciation de pénalités et l' Administration. La Cour de Cassation ne semble guère se soucier du respect du quota, mais qu' à cela ne tienne, puisque le Conseil d'état veille.

 

Depuis 2005, le législateur a ouvert la possibilité pour les associations agissant dans le domaine du handicap d'agir en justice au nom  d'un candidat à un emploi ayant une reconnaissance de son handicap. Il s'agit là d'une avancée importante. Les associations étant les plus proches du problème connaissent bien les tenants et les aboutissants du problème. Une personne handicapée peut lui confier son droit d'ester  en justice afin que lui soit reconnu ses droits. On sait que certaines personnes refusent parfois d'intenter une action, par manque de volonté ou par crainte de ce que représente un procès. Par cette avancée, la loi donne un rôle supplémentaire aux associations dont on connaît l'importance de leur action.

 

L'application de cette loi a permis de corriger certains défauts de la loi de 1987. Le champ d'application de l'obligation est aujourd'hui plus large, ce qui est censé faciliter l'insertion des personnes en situation de handicap. Le faible contentieux peut laisser supposer une acceptation des nouveaux dispositifs comme ce fût le cas pour la loi de 1987. Néanmoins, il est évident qu'il est un peu tôt pour établir les conséquences positives de cette loi. De tels effets ne peuvent s'étudier que sur le long terme. On peut cependant d'ores et déjà s'étonner que le législateur ait repris certaines dispositions fortement critiquées en leur temps. Pour certains, cette loi ne va pas au bout de ses ambitions.

 

 

2)                 Une efficacité restant limitée

 

Alors que le législateur entend généraliser une obligation d'emploi, pourquoi avoir repris la condition du seuil d'effectif minimum ? Cette critique était déjà présente en 1987. Les défenseurs de ce seuil affirme qu'il s'agit là d'une exigence de réalisme. « Il n'y a de bonne norme qu'effective et la  norme pour être effective doit tenir compte de la pratique. »

 

Cependant, s'il est concevable qu'une entreprise ayant peu de salariés ne soit pas soumise à l'obligation d'emploi, pourquoi ne pas envisager pour celles ci d'autres obligations en faveur de l'insertion des travailleurs handicapés ? Le fait qu'une entreprise n'emploie pas beaucoup de salariés n'est pas synonyme d'un faible bénéfice.  Il serait logique de faire peser une obligation d'emploi proportionnelle aux bénéfices dégagés par chaque entreprise. Au delà de 20 salariés, on appliquerait les dispositions en vigueur et pour celles ayant un effectif inférieur, on pourrait envisager une contribution à l' AGEFIPH ou au FIPHFP en fonction des profits dégagés.

 

Il est certain que l'on pourrait trouver dans la pratique des situations paradoxales. Des entreprises étant soumises à une OETH, en raison de leurs effectifs, faisant peser sur elles des charges supplémentaires, alors que leur activité est moins lucrative que d'autres entreprises non soumises à l'obligation d'emploi malgré des bénéfices bien supérieurs. Il y aurait là matière à restaurer un certain principe d'équité, ayant également pour objet de  généraliser véritablement l'obligation d'emploi.

 

Certains voient dans le maintien de ce seuil un certain manque de volonté politique. Le législateur serait mal à l'aise face à un enjeu de société dont les entreprises ne sont pas forcément prêtes à en supporter le coût.

 

Une autre critique porte sur la faible création d'emploi de ces dispositifs. La multitude d'actions ouvertes aux employeurs pour s'acquitter de leur OETH aurait détourné de nombreuses entreprises à embaucher des travailleurs handicapés. Il est vrai que l'objectif des 6 % reste loin d'être atteint. On  ne serait qu'à 4,5% en 2008, soit 0,5 point en plus par rapport à 1991. Ce constat semble confirmer que le dispositif ne remplit pas toutes ses promesses en matière d'emploi.

 

Mais peut on dire qu'il s'agit là de l'essentiel ? On a vu que d'autres actions agissent en faveur de l'insertion des travailleurs handicapés. L'objectif du législateur ne réside t'-il pas là ? Ces actions ne porteront leurs fruits que dans quelques années.

 

Il est à noter que les entreprises ont indéniablement intériorisé l'obligation d'emploi, ce qui est un premier pas essentiel, mais  qui fût déjà réalisé dans les années 1990. Il est certainement regrettable que des entreprises préfèrent remplir leur obligation en contribuant financièrement, malgré la majoration des contributions. Mais ces fonds ne vont t'-ils pas servir à œuvrer en faveur des personnes en situation de handicap ?

 

Par ailleurs, le gouvernement a affirmé que le statut des Maisons Départementales devrait être modifié en raison de problèmes de fonctionnement. Elles prendront bientôt le nom de « Maison de l' Autonomie ». Outre ce changement de nom, cela illustre les problèmes organisationnels de notre système. La multiplicité des intervenants dans le domaine de l'insertion des personnes handicapées conduit à son opacité.

 

Enfin, si la loi du 11 février 2005 est porteuse de grandes ambitions, au vu de la comparaison avec notre voisin qu'est l'Allemagne, il apparaît qu'elle est moins efficace que les dispositifs germaniques. Ce constat est effectué par Serge Milano, ancien conseiller social de l' Ambassade de France à Berlin, dans l'article L'emploi des personnes handicapées en Allemagne et en France.[18]

 

Il est intéressant d'opérer une comparaison des deux États ayant un niveau de développement identique. Face à la chute du nombre de personnes handicapées embauchées au sein des entreprises, l'Allemagne a réagi à partir de 2001 en menant une politique d'incitation et en tentant de se dégager de l' OETH. En France, c'est exactement le mouvement inverse, avec un durcissement des sanctions et un maintien du taux de 6% d'emploi malgré l'échec de la loi de 1987. En Allemagne, ce taux a été diminué à 5 %. Les entreprises concernées sont celles comportant au moins 60 salariés. Pour les autres, la loi oblige les entreprises comportant moins de 40 salariés à embaucher 1 salarié handicapé. Pour les entreprises dont l'effectif est compris entre 40 et 60 salariés, ce nombre est porté à 2. L' Allemagne prend en compte la taille des entreprises de manière plus précise qu'en France.

 

En outre, en Allemagne, il y a une vision plus large de l'obligation d'emploi. Elle s'entend également d'une obligation de formation et de conseil non prise en compte dans le calcul des 5 %. Ceci est largement ancré dans les mentalités des employeurs qui  appliquent sans complexe cette obligation.

 

Cette efficacité de l' OETH en Allemagne peut également s'expliquer par la différence de politique menée. En France, le dialogue et la négociation sont ouverts par les différentes modalités offertes à l'employeur pour s'acquitter de son obligation. Cela a pour effet de diluer les embauches remplacées en grande partie par les contributions et par d'autres actions. En Allemagne, l'embauche directe est le seul et unique moyen de remplir son obligation. Il y a là une différence de point de vue.

 

L' Allemagne a également misé sur une forte incitation. Ainsi depuis 2004, les possibilités de se comptabiliser un salarié handicapé pour 1, 2 voir 3 se sont élargies. « Les personnes gravement handicapées dont la participation à la vie se heurte à des difficultés particulières » peuvent être comptabilisées pour 3. A côté de ces incitations ont été mises en œuvre des contributions pour non respect de l'obligation. Mais à la différence de la France, ces contributions sont uniquement des sanctions, et ne peuvent constituer un moyen de remplir l' OETH. Le modèle allemand a également mis en place une protection contre le licenciement envers les salariés handicapés, ce qui n'est pas le cas pour la France. Une telle protection favorise le maintien dans l'emploi et donc favorise la réalisation de l'objectif allemand.

 

Notre voisin gère de manière différente les fonds perçus au titre de la contribution. Pour résumer, ces fonds sont perçus par l'office d'intégration qui a l'obligation d'en verser une partie au Ministère Fédéral des Affaires Sociales. Cela permet à l'État Allemand de conserver une marge de manœuvre. Grâce à ces fonds  il peut « mener de larges politiques d'insertion en faveur des travailleurs handicapés au niveau national ». En France, ces fonds sont collectés par l' AGEFIPH et redistribués aux agences régionales, ce qui apparaît dans une certaine mesure moins efficace.

 

Un autre élément marquant est le fait que le travailleur handicapé allemand bénéficie d'une double représentation. Elle est dite générale en raison du fait que le CE a pour mission de veiller à l'insertion des personnes handicapées et dite particulière, puisque qu'il bénéficie d'une information et participe plus largement à la vie de l'entreprise. Dans certaines situations, les travailleurs handicapés bénéficient d'un représentant au sein de l'entreprise ou de la fonction publique. De ce point de vue, l'Allemagne met l'accent sur une coopération très étroite de chaque niveau de la société afin de faciliter l'insertion.

 

Enfin, une autre explication peut se trouver dans l'organisation du modèle allemand. Celui-ci est piloté par une institution unique qu'est l' Agence Fédérale pour l' Emploi. Et ce, alors qu'en France, le pilotage de la politique du handicap est disséminé entre l' AGEFIPH, le FIPHFP, L'AFPA et le pôle emploi. Cela rend le système bien plus lourd, plus lent à agir donc par conséquent bien moins efficace.

 

Le modèle allemand apparaît comme plus organisé et plus actif en faveur de la personne handicapée tout en restant inflexible sur la nécessité de l'embauche directe. La loi de 2005 n'avait pas pour objet de modifier le modèle institutionnel qui apparaît pourtant comme un facteur prédominant dans la réalisation de l'insertion dans l'emploi des personnes handicapées.

 

 

CONCLUSION

 

            L'obligation d'emploi reste un élément essentiel de l'insertion des personnes en situation de handicap dans le milieu professionnel. Depuis 2005, son champ d'application a été étendu, en réponse aux critiques apportées à la loi du 10 juillet 1987. Elle concerne ainsi un nombre plus important d'établissements et de bénéficiaires. Cet élargissement a pour objectif de faciliter l'accès à l'emploi de ces personnes dont la situation reste précaire. Notamment en période de crise économique où les entreprises cherchent à optimiser leurs effectifs afin d'obtenir la plus grande productivité possible.

 

Il sera difficile d'établir une comparaison des chiffres à venir et de ceux antérieurs à 2005. La situation économique étant très mouvante et les méthodes de calculs ayant été modifiées. On peut  néanmoins affirmer que les différentes modalités d'application de l'obligation ont été bien intégrées par les entreprises diversifiant ainsi leurs actions en faveur du handicap. Mais cette diversité d'application a également eu pour effet de détourner de nombreuses entreprises de l'embauche directe de travailleurs handicapés. Or, il s'agissait là de l'objectif principal du législateur, misant sur un taux d'emploi de 6 %. Mais tout comme le bilan de 1987, il semble que cet objectif ne sera pas atteint. Beaucoup d'employeurs préfèrent contribuer financièrement. Si ces fonds permettent tout de même d'agir en faveur de ces personnes, on peut affirmer qu'il s'agit d'une certaine déviance de la loi. En effet, au vu de l'augmentation du taux des contributions instituées en 2005, on se doute bien que le législateur voulait encourager des actions directes, et tentait d'enrayer la simple contribution financière.

 

Si le taux d'emploi des personnes handicapées tend à augmenter, on peut et on doit prétendre à une plus grande efficacité du système. Non loin de jeter la pierre sur cette loi ayant le mérite de bousculer de nombreux paradigmes, et ayant fait des choix légitimes, il serait intéressant de s'inspirer du modèle allemand axé sur une meilleure organisation du système, et sur une représentation à tous les échelons du salarié handicapé. Cette coopération plus poussée apparaît comme une bonne méthode complémentaire aux dispositifs de la loi du 11 février 2005, afin de favoriser l'insertion des travailleurs handicapés dans le milieu professionnel.

           

 

BIBLIOGRAPHIE

 

 

Sources internet

 

  • Légifrance
  • Revue numérisée Dalloz
  • Revue numérisée Lamy
  • Site internet de l' AGEFIPH
  • Site internet DARES
  • Site internet du Ministère du Travail et de l'Emploi

 

Sources littéraires


  • Code du travail
  • Droit social
  • Guide pratique du droit du travail
  • Jurisclasseur périodique
  • L'insertion professionnelle des travailleurs handicapés d'Alain Blanc PUG (cote 331-2 INS)
  • Revue de Droit sanitaire et social
  • Revue Dalloz
  • Revue Lamy

 

 

 



[1]Droit social 2004 p.992

[2]Voir l'étude « l'emploi et la formation des personnes handicapées dans les différents Pays Européens »

[3]Ce phénomène a été décrit pour la première fois par l'écrivain Frigyes Karinthy. Il a fait l'objet d'une description par le sociologue Robert King Merton  quelques années plus tard.

[4]Cf. Annexe n°1

[5]Cassation sociale 14 juin 2007 n°06-43.443 Société Sylvania Ligthing International

[6]   Cassation sociale Mohamed X c/ SNC SCREG Ouest, n° 96-42.973

[7]L'obligation d'emploi des personnes handicapées Droit social Juillet Août 1991 p.596

[8]Document de travail du Centre d'Etude de l'Emploi : « Handicap et accès à l'emploi : efficacité et limites de la discrimination positive » N°63 juillet 2006.

[9]L'obligation d'emploi des personnes handicapées Droit social Juillet Août 1991 p.596

[10]Revue de Droit sanitaire et social 2005 p.382

[11]Cf. Annexe n°2

[12]Recueil Lebon 203 « Le contentieux de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés : le respect de l'obligation des 6 % apprécié par les juridictions administratives et judiciaires » Hervé Rihal, Professeur de droit public à l'Université d'Angers.

[13]Revue Droit sanitaire et social 2010 p.544 La contractualisation de l'action publique en matière d'insertion (...)

[14]DARES Octobre 2009

[15]Revue du droit sanitaire et social, novembre-décembre 2010, n° 6, p. 1146-1150

[16]Société Atofina Bulletin civil II n°292 p.246

[17]JCP 2008

[18]Revue de Droit sanitaire et social n°2 Avril 2010.

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1 Publié par Visiteur
19/04/2014 14:47

Bonjour je voudrais savoir en tant salaire remplaçante depuis 3ans j'ai déclaré au ressource humaine que j'étais reconnu travailleur handicape est ce que je suis prioritaire sur un poste vacant merci de votre réponse

2 Publié par Visiteur
03/11/2014 15:43

Bonjour et merci our tous ces rappels,

Je vous conseil cet article^au sujet de l'emploi et du handicap : http://explorajob.fr/CV-emploi/emploi-et-handicap/

Les conseils y sont très complémentaires aux votres.

3 Publié par Visiteur
31/12/2014 18:58

Bonjour pouvez vous me dire en étant reconnu travailleur handicapé est il vrai que mon employeur, prend en charge ma cotisation de mutuelle
Merci d'avance

4 Publié par Visiteur
27/01/2016 03:19

Tout ceci n'est qu'une blague personnes Ne repecte cette loi a par les sociétés qui on compris qu'ils pouvez pousser le visse a créé des entreprise ou une fois de plus tout handicaper et caché société qui de surcroît exploite ces mêmes personnes qui ne veulent travailler juste pour avoir une vie sociale donc tout le monde doit profiter il est vrais que de passer à 1200 euros par mois aux lieux de la mdph en ferait d'essence ext plus d'une personnes ferais le calcul vite fait seulement voilà vi nos cacher pour le plus grand bien de qui ????????

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