Dessin: Michel Szlazak
Dégagé classiquement en matière fonctionnement des services publics, où il est retenu comme principe général du droit (CE, Sect., 9 mars 1951, Société des Concerts du Conservatoire, n° 92004), le principe d’égalité trouve également à s’appliquer en matière de planification urbaine.
La cour administrative d’appel de Nantes en a fait application par un arrêt n° 19NT03666 du 6 octobre 2020 :
« 5. Les articles UA 1, UC 1 et UD 1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Trébeurden prévoient chacun que « le changement de destination des bâtiments d'hébergement hôtelier identifiés sur le document graphique du règlement est interdit ».
6. Par ces dispositions, les auteurs du plan local d'urbanisme ont prévu une réglementation spécifique applicable aux seuls bâtiments d'hébergement hôtelier existants dans les zones urbaines du territoire communal à la date de l'adoption de ce plan, à laquelle ne sont pas soumis les autres bâtiments d'hébergement hôtelier susceptibles d'être créés au sein des mêmes zones urbaines. En prévoyant ainsi des règles différentes pour des constructions qui relèvent de la même catégorie de destination, les auteurs du plan local d'urbanisme ont méconnu les dispositions précitées des articles L. 151-9 et R. 123-9 du code de l'urbanisme.
7. En second lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.
8. En l'espèce, l'interdiction du changement de destination des bâtiments d'hébergement hôtelier identifiés par le document graphique du règlement du plan local d'urbanisme contesté est justifiée, selon le rapport de présentation, par la volonté d'enrayer le déclin de la capacité hôtelière de la commune, passée de 338 lits en 2003 à 208 lits en 2015, et de préserver la diversité de l'offre d'hébergement touristique de la commune, afin de consolider l'activité touristique et de conserver son statut de « station classée de tourisme ». Le rapport de présentation précise que « il s'agit en particulier d'éviter que se développe la tendance à produire uniquement des appartements simplement offerts à la location à la semaine, ce qui au sens du code de l'urbanisme se traduit par un changement de destination, d'une destination "hébergement hôtelier" vers une destination "habitation" ». Le plan local d'urbanisme contesté soumet à cette interdiction les seuls bâtiments d'hébergement hôtelier existants dans la commune à la date de l'adoption du plan local d'urbanisme et en exempte les autres bâtiments d'hébergement hôtelier créés ultérieurement ou susceptibles de l'être au sein de la commune, qui ne sont pas dans des situations différentes dès lors qu'ils délivrent tous des prestations hôtelières sur le territoire de Trébeurden. Si les auteurs du plan local d'urbanisme ont entendu déroger à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, la différence de traitement qui en résulte est dépourvue de rapport direct avec l'objet de la norme consistant à maintenir la capacité hôtelière de la commune, à laquelle contribueront les établissements d'hébergement hôtelier créés postérieurement à l'adoption du plan ou susceptibles de l'être au sein de la commune. En tout état de cause, cette différence de traitement est manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être accueilli.Â
9. Il en résulte que les dispositions des articles UA 1, UC 1 et UD 1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Trébeurden selon lesquelles « le changement de destination des bâtiments d'hébergement hôtelier identifiés sur le document graphique du règlement est interdit », divisibles des autres dispositions du règlement, sont illégales ».
Classiquement, le principe d’égalité n’empêche pas un traitement différencié, dès lors que ce traitement est fondé sur une loi, une différence de situation ou une raison d’intérêt général.Â
En l’espèce, les dispositions d’un PLU interdisant le changement de destination des seuls hôtels existants, et non des hôtels ultérieurement créés, sont jugées non conformes au principe d’égalité, cette différence de traitement n’étant pas justifiée.
Le principe d’égalité reste toutefois difficilement invocable en matière de planification urbaine, notamment en matière de zonage où les justiciables sont parfois prompts à se plaindre du traitement différencié réservé à leur terrain. Selon une jurisprudence constante, il appartient aux auteurs d'un plan d'occupation des sols de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme. Leur appréciation peut cependant être censurée par le juge au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts (voir par exemple CE, 8 octobre 2008, n°  293469).
Maître Joseph ANDREANI - CABINET ANDREANI-HUMBERT (mars 2021)
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