Responsabilité de la copropriété du fait de ses copropriétaires

Publié le 30/05/2022 Vu 7 678 fois 0
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La Cour de Cassation étend le champs de la responsabilité du Syndicat des Copropriétaires à la négligence fautive envers des tiers, en raison du comportement d'un de ses copropriétaires.

La Cour de Cassation étend le champs de la responsabilité du Syndicat des Copropriétaires à la négligence

Responsabilité de la copropriété du fait de ses copropriétaires

Responsabilité de la copropriété du fait de ses copropriétaires ? Extension du principe de négligence fautive à la Copropriété.

Par Ariel DAHAN, Avocat

 

 

Par un arrêt du 21 avril 2022, (affaire 21-12240 SDC Résidence Port des Sables c/ SDC Résidence Le Soleil) la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation a étendu la responsabilité du Syndicat des Copropriétaires aux comportements fautifs de ses membres, et dans le même temps a rappelé que la servitude de vue pouvait s’acquérir par la prescription trentenaire.

Cass.3 21-12240, 21/04/2022, ECLI:FR:CCASS:2022:C300363

 

Les faits tels qu’ils sont relatés sont hélas assez fréquents dans la zone grise du contentieux des copropriétés : M. B, copropriétaire particulièrement cuistre s’est autorisé à percer des ouvertures, fenêtres et portes, dans le mur extérieur de sa copropriété (Résidence Port des Sables) sans en avoir demandé l’autorisation. Fort d’une impunité apparente, il s’est constitué une terrasse en empiétant purement et simplement sur le terrain paysager de la copropriété voisine (Résidence Le Soleil), et a affecté cet espace nouvellement obtenu à l’activité commerciale de son fonds de commerce (les faits se déroulent au Rez-de-chaussée). M. B. s’est ainsi constitué une terrasse commerciale de 12 m2 ce qui représente une valeur patrimoniale ainsi qu’une capacité de nuisances sonores très importantes.

 

Comme il est très fréquent également, par lâcheté ou par intérêt, les deux copropriétés ont laissé faire le cuistre, soit qu’aucun copropriétaire ne voit de préjudice dans ce comportement soit qu’un arrangement occulte ait été passé soutenant ou couvrant ce comportement. Quoi qu’il en soit, ni la Résidence Port des Sables, victime des percements dans ses parties communes, ni la Résidence Le Soleil sur laquelle des vues ont été créées et sur laquelle il est empiété ne revendiquent leurs droits.

 

Plus de 40 années passent. Les copropriétaires ont changé, si ce n’est les relations entre les habitants. Le Syndicat des copropriétaires de la résidence Le Soleil, fonds qui subit cette vue et cette terrasse y découvre des nuisances et une atteinte intolérable à son droit de propriété par les vues créées sur son fonds. Il réclame en justice au Syndicat des copropriétaires de la résidence Port des Sables, immeuble d’où provient la nuisance, la fermeture des vues et de la terrasse ainsi que la remise en état et une indemnité financière. La Copropriété ainsi assignée et mise devant ses responsabilités appelle en garantie le copropriétaire indélicat. Situation procédurale très classique, dans la mesure où la copropriété lésée peut légitimement ne pas connaître l’identité du copropriétaire par qui le scandale arrive.

 

La Cour d’Appel de Montpellier donne raison à la victime quérulante et estime que le Syndicat des Copropriétaires de la Résidence Port des Sables auquel appartient M. B (empiéteur) a commis une négligence en n’intervenant pas dès l’origine et en ne poursuivant pas son propre copropriétaire pour faire fermer les ouvertures. Elle condamne donc « in solidum » le copropriétaire indélicat et la copropriété à fermer les ouvertures, supprimer les empiètements sur le fonds lésé, à restituer aux lieux leur état initial et à payer au Syndicat de copropriété lésé une somme en dommages-intérêts.

 

Cette condamnation « in solidum » de la copropriété déplaît au Syndicat des copropriétaires jugé responsable, qui se pourvoi en cassation.

 

oOo

 

La Cour a jugé que la Cour d’Appel a bien fondé sa décision de retenir la responsabilité du Syndicat des Copropriétaires du fait de son membre.

Elle a par contre jugé que, par application de l’article 690 du Code Civil, qui dispose que les servitudes continues et apparentes s’acquièrent par titre ou par la possession de trente ans, la prescription trentenaire avait produit ses effets créateurs de droit et interdisait au Syndicat des copropriétaires victime de réclamer la fermeture des vues, la servitude de vue s’acquérant par prescription trentenaire indépendamment de toute licéité de l’acte ou du fait créateur de cette servitude, en l’occurrence la création des vues.

 

Que retenir de cette décision ? Au-delà de l’application technique du droit en ce qui concerne la prescription acquisitive de la servitude de vue posée par l’article 690 du Code Civil, et qui est en définitive une décision conforme au droit positif, il faut s’interroger sur la nature de la responsabilité « in solidum » du Syndicat des Copropriétaires pour le fait de l’un de ses membres.

 

Condamnation IN SOLIDUM

La condamnation in-solidum est une condamnation décidée par le Tribunal lorsqu’il considère qu’un comportement dommageable est le fait de plusieurs personnes de manière indifférenciée sans vouloir distinguer entre la responsabilité ou l’imputabilité des griefs.

D’où peut provenir cette condamnation solidaire et indivisible rendue contre deux personnes n’ayant souscrit aucun engagement de solidarité ou d’indivisibilité ? L’article 1310 du Code Civil est très clair. La solidarité est légale ou conventionnelle ; elle ne se présume pas.[1]

 

La première mise en œuvre de cette construction jurisprudentielle apparaît dans un arrêt du 4 décembre 1939, de la Chambre des Requêtes de la Cour de cassation. S’agissant de responsabilité, la Cour a jugé que « chacun des coauteurs d’un même dommage, conséquence de leurs fautes respectives, doit être condamné in solidum à la réparation de 1’entier dommage, chacun des fautes ayant concouru à le causer tout entier » (Cass. Req. 4 déc. 1939)[2].

Cette jurisprudence a été étendue très vite à la responsabilité du fait des choses, en présence de plusieurs gardiens de la chose instrument du dommage (Cass. civ. 29 nov. 1948).

 

Pour les juges, la condamnation in-solidum ne correspond pas à une obligation préalable, mais à la conséquence de l’obligation de réparation du préjudice. Face à un préjudice unique causé par plusieurs personnes, il en résulte une obligation unique de réparation, la condamnation in-solidum.

 

Les conséquences de cette condamnation est qu’elle rend n’importe laquelle des personnes condamnées redevable de l’intégralité de la condamnation. Il s’agit d’une solution très pratique pour le justiciable qui n’a pas à diviser sa demande d’exécution. Il suffit de prendre le plus solvable des condamnés et de lui réclamer le paiement.

Les juges ont souvent de l’humour. On peut en effet considérer que cette condamnation est le corolaire du cri de ralliement des Mousquetaires. « Tous pour Un et Un pour Tous ! »[3]

 

Si la condamnation est prononcée In Solidum, cela signifie donc que les deux parties poursuivies, le copropriétaire cuistre et la copropriété lâche, ont participé indivisiblement au dommage subi par la copropriété lésée. L’explication est aisée. Mais encore faut-il accepter le principe de cette nouvelle responsabilité du fait d’autrui, celle d’un de ses membres pour un dommage auquel la Copropriété est étrangère par nature !

 

Responsabilité du fait de ses membres ?

On connaît plusieurs responsabilités du fait d’autrui. Jusqu’à ce jour, la responsabilité du fait d’autrui suppose un lien d’autorité ou de subordination entre soi et le tiers responsable directement du dommage. On est responsable du fait de ses enfants (conséquence logique de l’autorité parentale). On est également responsable du fait de ses préposés (conséquence logique du contrat de travail ou du mandat). Mais peut-on être responsable du fait d’un des membres de la copropriété ?

 

Il faut s’interroger sur le statut du membre d’une copropriété. Le copropriétaire est en position d’autorité face à la copropriété. Il demande des résolutions, les vote, et la copropriété n’a de personnalité morale qu’autant que ses copropriétaires le souhaitent réellement.

Incontestablement le Syndicat des Copropriétaires est une personne morale de droit privé.

Mais tout aussi incontestablement, le copropriétaire ne peut être considéré comme le subordonné de la copropriété. Il ne prend pas ses ordres de la Copropriété. C’est tout le contraire. Il vote les ordres dès lors qu’il participe aux décisions en assemblée générale. Et tant le Syndic que le Président du Syndicat agissent en son nom, selon le mandat qui lui a été donné. On comprend aisément qu’il soit responsable des actes et faits de la Copropriété, mais l’inverse est moins évident à comprendre. Le lien descendant m’apparaît très baroque !

 

C’est pourtant la position de principe portée par l’arrêt rendu par la Cour de Cassation.

 

Pour y parvenir la Cour s’exprime en deux phrases très sèches :

6. La cour d'appel a exactement retenu qu'il appartenait au syndicat de la résidence Port des sables, informé des ouvertures pratiquées par M. [B] dans un mur partie commune de la copropriété sans son autorisation, donnant sur le fonds voisin appartenant à la résidence Le Soleil et susceptible de préjudicier à cette dernière, de le mettre en demeure de rétablir les lieux dans leur état initial.
7. Ayant ainsi caractérisé la faute du syndicat de la résidence Port des sables dans la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes, elle a pu retenir que cette négligence fautive avait contribué à la réalisation du préjudice invoqué par le syndicat de la résidence Le Soleil, résultant de l'atteinte à son droit de propriété et des troubles anormaux de voisinage générés par l'activité commerciale des locataires de M. [B] et en déduire qu'il devait être condamné, in solidum avec M. [B], à le réparer.

 

Si le raisonnement paraît logique, il ne l’est vraiment pas : L’obligation que relève la Cour de Cassation à la charge du Syndicat de copropriété de veiller à la conservation de l’immeuble et à la bonne administration des parties communes passe d’une obligation contractuelle qui n’a d’effet qu’à l’égard des parties au Règlement de Copropriété, à une obligation délictuelle qui serait opposable par tous, et notamment par les voisins.

 

Par ces deux phrases, la Cour de Cassation dans cet arrêt autorise implicitement mais nécessairement les voisins des copropriétés à contrôler la manière dont le Syndicat de copropriété entretien son immeuble et la gestion qu’il fait de ses parties communes.

Le glissement d’une obligation strictement contractuelle du Syndic de Copropriété instaurée par la loi du 10 juillet 1965 portant statut de la Copropriété au profit des copropriétaires, vers une obligation générale de la copropriété au profit des tiers n’est pas prévisible au sens de l’orthodoxie juridique.

 

Responsabilité du Syndicat sur le fondement connu de l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 – anciennes jurisprudences

L’article 14 de la loi loi no 65-557 du 10 juillet 1965 dispose :

Art. 14 : La collectivité des copropriétaires est constituée en un syndicat qui a la personnalité civile.

Le syndicat peut revêtir la forme d'un syndicat coopératif régi par les dispositions de la présente loi.

Il établit, s'il y a lieu, et modifie le règlement de copropriété.

Il a pour objet la conservation et l'amélioration de l'immeuble ainsi que l'administration des parties communes.

Le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires.

 

Attention : Le contenu de l’article 14 actuel n’est pas celui qui prévalait au moment des faits, la loi ayant changé en 2019. Il faut donc revenir à la version législative antérieure, datant du 1er janvier 1986, entrée en vigueur de la loi 85-1470 du 31 décembre 1985 modifiant le statut de la copropriété. Le 4ème alinéa était alors rédigé en termes plus précis :

Il a pour objet la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes. Il est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires.

 

Le débat n’est donc déjà plus d’actualité puisque l’article 14 a été modifié par l’ordonnance 2019-1101 du 30 octobre 2019 entrée en vigueur le 1er juin 2020. De manière très claire, depuis le 1er juin 2020[4], le Syndicat de copropriété est responsable de tous les dommages de toute nature ayant leur origine dans les parties communes, qu’ils soient causés aux copropriétaires ou aux tiers. Tout dommage ayant son origine dans les parties communes… La largeur d’esprit du législateur laisse songeur, tant elle permettra au juge d’y faire entrer toutes sortes de litiges. Ou pas…

 

Toujours est-il que sur la base de l’ancien régime, le Syndicat de copropriété n’était responsable que du vice de construction ou du défaut d’entretien des parties communes. En d’autres termes il n’était responsable que des dommages liés au bâti de l’immeuble et non au comportement des copropriétaires. Responsabilité facilement assurable par l’assurance de la copropriété.

 

L’action du copropriétaire contre le Syndicat des Copropriétaires est nécessairement contractuelle.

Jugé en ce sens : Cass. 3e civ., 27 nov. 1991, no 89-17.185, RD imm. 1992, p. 117

 

L’action des tiers ne peut être que délictuelle, même si le lien du tiers avec la copropriété relève d’un contrat passé avec l’un des copropriétaires. Ainsi un locataire, tiers à la copropriété, peut agir contre la copropriété pour les troubles de jouissance qu’il subit. Et il existe des situations où le syndicat a été condamné in solidum avec le bailleur (CA Aix-en-Provence, 4e ch. A, Synd. Copr. Le Silvy c/ Teppaz-Meimoun, Administrer 2010, no 436, p. 62, obs. J.-M. Roux).

 

Nonobstant la qualification de l’action indemnitaire, la jurisprudence estime que la victime du dommage de copropriété n’a pas à établir la faute éventuelle du Syndicat. Il lui suffira d’apporter la preuve de la cause du dommage. Si le dommage subi est lié à un vice de l’immeuble, à un défaut de conception ou à un défaut d’entretien d’une partie commune, la responsabilité du Syndicat de copropriété sera engagée automatiquement. Il suffira d’établir la constatation des dommages et l’imputabilité des désordres. La faute du syndicat n’a pas à être qualifiée. Il s’agira d’une responsabilité sans faute.[5]

 

 

Le Syndicat ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité, engagée « sans fautes ». Sa seule défense consistera à invoquer, lorsque ce sera possible, la faute de la victime ou un cas de force majeur. Solution logique consacrée par la Cour d’Appel de Paris en 2000.[6]

 

Enfin pour être complet il faut préciser que le Syndicat ne pourra pas s’exonérer de sa responsabilité dans l'entretien des parties communes par un mandat de gardiennage ou de surveillance des parties communes. Si un désordre intervient, la Cour de Cassation semble vouloir en faire porter la responsabilité primaire et automatique au Syndicat des copropriétaire, à charge pour lui de se retourner contre le responsable réel. Sa motivation est que le mandat de surveillance n'emporte pas transfert de garde.

Jugé en ce sens le 16 juin 1998 :[7]

 

Toutefois il est possible que cette dernière décision soit contournable par les clauses d’un contrat qui confèrerait au gardien la garde des parties communes de l’immeuble, au titre d’une délégation de pouvoirs.

 

Le défaut d'entretien des parties communes a notamment été sanctionné en application de l’obligation imposée au Syndicat de la copropriété d'assurer la conservation de l'immeuble. Cette obligation impose l’accomplissement des travaux nécessaires sans vote des copropriétaires. L’inobservation de cette obligation entraîne classiquement la responsabilité de la copropriété en raison des dommages induits par le défaut d'entretien des parties communes.[8]

 

L’élargissement par la Cour de Cassation de la responsabilité de la copropriété aux désordres commis par les copropriétaires interroge le juriste. Si la copropriété reste gardien des parties communes en dépit du contrat d’entretien et de surveillance qu’elle a passé, peut-elle encore demeurer gardien des locaux lorsqu’un copropriétaire intervient en totale illégalité et en pleine responsabilité ?

 

Ce qui est reproché par la Cour à la copropriété ce n’est pas tant l’acte délictuel lui-même, que l’abstention du Syndicat de faire respecter l’intégrité de son immeuble, et donc de faire fermer les ouvertures non-autorisées.

 

Mais n’est-ce pas là une responsabilité propre au Syndic mandataire de l’immeuble ? En effet, l’action de la copropriété ne peut être engagée que par le Syndic de copropriété, sur résolution spéciale de l’Assemblée Générale des copropriétaires. Si le Syndic est défaillant (cela arrive parfois) le Syndicat peut-il s’exonérer ? J’en doute. La lettre de la loi lui réserve simplement l’action récursoire.

 

Pour contourner cette contrainte, la Cour de Cassation a qualifié les désordres commis par le copropriétaire indélicat de « défaut de conservation de l’immeuble » et de « défaut d’entretien des parties communes ».

Le contournement est astucieux, mais il est dangereux en droit. La Cour commet plus qu’une fiction juridique. Elle ment purement et simplement à la victime et aux copropriétaires de l’immeuble condamné. En effet, si la copropriété avait autorisé les travaux d’ouverture, il n’aurait pas été possible de rechercher le défaut d’entretien de l’immeuble. Et les parties communes auraient été ouvertes à la seule responsabilité du copropriétaire.

 

Pour faire retomber la responsabilité de la situation sur la Copropriété, naturellement plus solvable que le copropriétaire, la Cour de Cassation ne dit plus le droit. Elle dénature les faits.

 

Ce que reproche la Cour d’Appel et la Cour de cassation au Syndicat des copropriétaires passif, c’est précisément sa passivité, sa lâcheté, le fait de n’avoir pas agi face à un comportement ouvertement illicite. C’est la négligence fautive qui est sanctionnée. La décision eut-elle été la même si la copropriété avait engagé une action contre son copropriétaire ? Certainement.

 

Si cette logique devait se propager à d’autres personnes morales, faudrait-il envisager qu’une société puisse être responsable du fait de son associé ? La question mériterait d’être posée.

 

Au titre des conséquences immédiatement prévisibles de cet arrêt de principe, il faut envisager que les Syndicats vont devoir diligenter des audits pour rechercher les comportements anormaux mais acceptés de leurs copropriétaires.

 

Une autre conséquence qu’il faudra anticiper, c’est l’accroissement des contentieux entre les Syndicats de copropriété et leurs copropriétaires, au vu des situations manifestement illicites, susceptibles d’occasionner un préjudice pour un tiers.

 

Le nouveau régime de la responsabilité du Syndicat depuis le 1er juin 2020

En définitive le débat à peine ouvert paraît être déjà fortement terminé. En effet, la nouvelle rédaction de l’article 14 de la loi de 1965 est redoutablement plus large dès lors qu’elle vise tous les désordres et non plus ceux liés au vice de la construction ou au défaut d’entretien des parties communes. Cette extension voulue en 2020 permet d’ouvrir très largement les cas de responsabilité sanas limitation particulière.

 

Le Syndicat est donc, depuis le 1er juin 2020, responsable de l’ensemble des dommages ayant leur origine dans les parties communes.

 

Au titre des dommages, il faudra prévoir également, outre les désordres aux bâtiments, les dommages aux personnes, telles que :

-       Les nuisances sonores, lumineuses ou olfactives ;

-       Les nuisances comportementales (délinquants qui utilisent les parties communes d’un immeuble comme base d’activité) ;

 

Par ailleurs les copropriétés devront multiplier les actions récursoires pour ne pas supporter seules les risques de condamnation. Autant de litiges en perspective… dans un monde qui ne manque pas de motifs de contentieux.

 

Ce nouveau régime ajoute un élément d’incertitude majeur : la nature du sinistre n’est plus prévisible. Tout dommage, tout trouble de voisinage peut devenir l’occasion d’un conflit entre deux copropriétés voisines. On peut s’étonner de l’extraordinaire imprécision du texte, ou s’en émerveiller. Mon sentiment est que la rédaction tient plus au hasard et au manque de culture juridique du législateur moderne qu’à une volonté constitutive d’étendre le champ de responsabilité de la copropriété.

 

Cette extension du champ de la responsabilité va entraîner une inflation de contentieux, à laquelle répondra certainement une doctrine dont il faut espérer qu’elle visera à organiser les cas d’ouverture de cette responsabilité.

 

En toute hypothèse, voici un nouveau risque que l’assureur de la copropriété devra supporter, étant précisé qu’une partie du risque ne pourra pas être pris en charge faute de prévisibilité, et que la pratique contractuelle des assureurs entraînera très probablement des clauses limitatives de responsabilité aux seules conséquences du bâti ou de la gestion des parties communes, pour refuser la responsabilité « comportementale » de la copropriété. Les assureurs sont rarement altruistes et contrairement au législateur, ils comprennent très vite et rédigent bien.

 

Ariel DAHAN

Le 30 mai 2022

 

#copropriété #responsabilité #partiescommunes #entretien #comportement #copropriétaire



[1] Art. 1310 C.Civ, La solidarité est légale ou conventionnelle ; elle ne se présume pas.

[2] L’arrêt de la Chambre des Requêtes est actuellement introuvable avec les nouvelles indexations internet.

[3] Cri de ralliement des mousquetaires tiré de l’imaginaire d’Alexandre DUMAS. En réalité il existe deux devises des mousquetaires, une par compagnie selon la couleur de leurs chevaux (gris ou noirs) : La devise des mousquetaires gris est « Quo ruit et letum4 » (« Où elle tombe, la mort aussi » par allusion à une bombe portée sur leur enseigne). Celle des mousquetaires noirs est « Alterius Jovis altera tela » (« Les autres traits d'un autre Jupiter »).

[5] Cass. Civ3., 4 déc. 2007, n° 06-19671, Affaire SDC Le Valmar, NOR : JURITEXT000017582818, Rev. loyers 2008/885, n° 738, p. 185.

[6] CA Paris, 20 déc. 2000, no 1998/24592, SDC 69 avenue des Gobelins c/ Mme Bonnefois, AJDI 2001, p. 149

[7] Cass. Civ1, 16 juin 1998, n° 96-20640, Bull. civ. I, n° 217.

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