Le principe d’une charte d’éthique
C’est une des dispositions phares de la loi du 1er février 2012 puisque la loi vise renforcer l'éthique du sport et les droits des sportifs. Loin de définir la notion, le législateur ne donne aucun indice sur le contenu de cette notion se contentant de renvoyer à un décret à adopter pour les détails. L’on ne saurait le blâmer dans la mesure où la notion d’éthique est une notion à géométrie variable tout la comme la morale et doit donc s’adapter aux évolutions de la société.
Dès lors, il faudra chercher ailleurs des éléments de définition. La charte olympique définit l’éthique comme « les valeurs essentielles du sport parmi lesquelles la solidarité, la loyauté et le respect de soi et des autres ».
Le dispositif législatif ancien impose à toute fédération sollicitant son agrément ministériel d’adopter des statuts comportant une disposition par laquelle elle s’engage à respecter et faire respecter par ses affiliés et licenciés la charte olympique et donc l’éthique. Alors pourquoi imposer une charte d’éthique ?
Une fois encore, le législateur est suiveur du monde sportif qui n’a pas attendu 2012 pour mettre en place des règles coercitives par le biais d’une charte d’éthique et d’une commission chargée de l’appliquer. Ainsi, les Fédérations Françaises de Football et de Rugby ont mis en place une telle charte depuis plusieurs années prônant ainsi les valeurs d’effort, loyauté, respect, fête, fraternité, solidarité.
Nous pouvons nous interroger sur l’intérêt d’une charte éthique commune à tous les sports. Chaque sport a des particularités qu’il convient de respecter et qui le rend singulier au regard d’autres disciplines. A titre d’exemple, le comportement de deux boxeurs avant un combat serait en parfaite contradiction avec les valeurs chéries par la plupart des sports notamment collectifs. Que penser également d’un athlète qui ferait sauter le bouchon d’une bouteille de champagne à l’issue de sa victoire tel un pilote automobile ?
Cependant, une telle charte doit permettre de combler les lacunes des dispositions disciplinaires en incriminant des comportements qui ne le seraient pas dans les règlements mais qui heurtent l’esprit sportif. C’est notamment le cas des comportements des sportifs en dehors du terrain, dans les médias, dans leur vie privée.
Plus que le contenu de la charte, nous attendrons la promulgation du décret d’application de la loi sur les sanctions et sur son articulation avec le règlement disciplinaire.
Le renforcement des dispositions relatives aux conflits d’intérêts
La loi nouvelle vient préciser et améliorer le dispositif tendant à interdire la multipropriété des clubs. La loi vient modifier les dispositions de l’article L 122-7 du Code du sport par référence à l’article L 233-16 du Code de commerce. Désormais, il est interdit à une même personne :
« De contrôler de manière exclusive ou conjointe plusieurs sociétés sportives dont l’objet social porte sur une même discipline ou d’exercer sur elle une influence notable, au sens de l’article L 233-16 du Code de commerce ;
D’être dirigeant de plus d’une société sportive dont l’objet social porte sur une même discipline sportive ;
De contrôler de manière exclusive ou conjointe une société sportive ou d’exercer sur elle une influence notable, au sens de l’article L 233-16 du Code commerce et d’être dirigeant d’une autre société sportive dont l’objet social porte sur la même discipline sportive ».
Ces interdictions sont assorties d’une sanction de 45.000€ d’amende.
Par ailleurs, l’interdiction de prêter ou cautionner une autre société sportive s’étant désormais aux personnes qui contrôlent de manière exclusive ou conjointe une société sportive ou qui exerce sur elle une influence notable, au sens de l’article L 233-16 du Code de commerce.
L’ouverture des clubs aux sociétés commerciales classiques
La loi permet désormais aux groupements sportifs de s’organiser sous forme de sociétés commerciales de droit commun de type société anonyme, société par actions simplifiée et société à responsabilité limitée.
Il s’agit d’une évolution majeure qui clos un processus entamé en 1975 par la loi Mazeaud qui avait autorisé la création des premières formes de sociétés ayant pour objet l’encadrement de la pratique sportives (Sociétés d’économie mixte sportives locales – SEML).
Nous pouvons affirmer que le sport a perdu une partie de ses spécificités. Fini donc l’obligation d’adoption de statuts-types, l’interdiction de distribuer des dividendes, l’interdiction de rémunérer les dirigeants sociaux, la participation de l’association support au capital social de la société.
Il est à parier que les futures groupements sportifs ne délaissent les formes spécifiques (EUSRL, SASP, SAOS) trop contraignantes au profit des formes de droit commun notamment la SAS qui offre l’avantage d’une grande souplesse dans l’organisation des rapports entre associés.
La loi n’a toutefois pas tranché la question épineuse de la possibilité pour les sociétés sportives de disposer de leur propre numéro d’affiliation auprès des fédérations ce qui consommerait définitivement la dépendance de la société face à l’association support.
Renforcement de la lutte contre la corruption
Deux après l’adoption de la loi sur la libéralisation des jeux en ligne, il était apparu nécessaire d’améliorer le dispositif en place. C’est aujourd’hui chose faite puisque le législateur a mis l’accent sur deux axes à savoir la pénalisation des comportements tendant à manipuler le résultat des compétitions et le renforcement des incompatibilités entre les acteurs des compétitions et les opérateurs de paris sportifs.
Sur le volet répressif, le législateur a crée deux délits spécifiques de manipulation des compétitions, l’un pour le corrupteur et l’autre pour le corrompu (art 445-1 et 445-2 du Code pénal). Les peines sont lourdes (5 ans d’emprisonnement et 75.000€ d’amende) et identiques pour les corrupteurs et les corrompus.
Est donc aujourd’hui réprimé tout acte ou avantage direct ou indirect offert ou promis à un acteur d’une compétition en vue de voir celui-ci modifier par son comportement le déroulement normal et équitable d’une compétition.
Cette sévérité pénale répond largement à l’engagement des institutions sportives françaises dans la lutte contre le développement des paris illicites.
Notons que les fédérations sportives auront désormais la faculté de demander à l’ARJEL « Autorité de régulation des jeux en ligne » de lui fournir les informations personnelles relatives aux paris effectués par un acteur d’une compétition en vue d’une sanction disciplinaire.
Parallèlement au volet répressif, le législateur a renforcé les dispositions de l’article 32 de la loi du 12 mai 2010 relative l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.
Sont désormais interdits :
- les pronostics sportifs effectués par les acteurs des compétitions dès lors qu’ils seraient liés à un opérateur de paris sportifs ;
- la simple participation d’un acteur d’une compétition au sein d’un opérateur de paris sportifs ;
- les mises sur des paris reposant sur la compétition à laquelle ils participent et de communiquer des informations obtenues à l’occasion de leur fonctions et qui seraient inconnues du public.
Le texte apporte une consécration législative aux règlementations des fédérations sportives qui avaient déjà interdit la plupart des incriminations visées par la loi nouvelle.
La loi ne répond cependant pas sur le point de savoir si une fédération elle-même serait en droit de parier sur les compétitions de ses équipes nationales. Le cas de figure est de plus en plus fréquent. Ainsi, la fédération anglaise de rugby avait misé sur la victoire de son équipe lors de la coupe du monde afin de compenser la distribution éventuelle de primes aux joueurs victorieux.
Le législateur ne semble pas avoir perçu l’immoralité d’une fédération à parier sur ses propres compétitions. N’est ce pas contraire à l’éthique ? Rien n’est moins sûr.
Les droits des sportifs :
Autre volet phare de la loi du 1er février 2012, l’amélioration des droits des sportifs. En réalité, la seule disposition relative aux droits des sportifs concerne les sportifs en formation. La loi nouvelle étend le dispositif d’aménagement du temps de travail et des modalités de scolarité, jusque là réservés aux sportifs de haut niveau, aux sportifs ayant conclu une convention avec un centre de formation de club professionnel agréé.
Leurs sont également accessibles les cycles de formation ou de perfectionnement dans l’enseignement supérieur.
Une disposition autorise également les fédérations sportives à plafonner les commissions d’agents sportifs à un niveau inférieur à 10%. Cependant, on ne voit pas ce qui aurait empêché les fédérations de le faire auparavant et ainsi entériner la pratique qui estime à 7% environ le montant moyen des commissions dans le football notamment.
Cette disposition vise à limiter le montant des commissions distribuées aux agents lors des transferts ou renouvellements de contrats de sportifs professionnels. Cependant, cette disposition risque d’être un handicap pour nos clubs notamment en football où il est à craindre une relative désaffection des agents et donc de leurs joueurs pour nos championnats.
Il nous semble qu’il serait préférable de laisser aux parties leur liberté contractuelle dans le cadre des limitations légales existantes.
Dispositions relative au dopage
Le législateur ratifie et complète le dispositif de l’ordonnance du 14 avril 2010 relative à la santé des sportifs et à la mise en conformité du Code du sport avec les principes du Code mondial antidopage.
L’Agence Française de Lutte contre le Dopage (AFLD) voit ses prérogatives élargies notamment en matière de coopération internationale : elle dispose désormais de la faculté d’exercer ses missions non plus seulement sur le territoire français mais également à l’étranger lors de compétitions organisées ou autorisées par une fédération délégataire.
De même, elle est peut désormais se faire remettre par une autre agence nationale ou internationale de lutte contre le dopage, toute information recueillie dans le cadre de leurs missions améliorant ainsi la lutte au niveau mondial.
La loi du 1er février 2012 a également supprimé toute référence à la notion de déclaration d’usage. Pour mémoire, la déclaration d’usage était l’acte par lequel un sportif déclarait à l’AFLD l’usage d’un traitement médical par des substances ou méthodes interdites justifié par un état pathologique confirmé par une ordonnance médicale. Dès lors, tout contrôle positif du sportif ne pouvait donner lieu à sanction disciplinaire. Cette suppression va dans le sens de la mise en conformité avec le Code mondial antidopage lequel ne connait pas de la déclaration d’usage.
La déclaration d’usage est à différencier de l’Autorisation d’usage à des fins thérapeutiques (AUT) qui est autorisée par l’AFLD et qui est expressément admise par le droit international du dopage comme une cause d’exonération de responsabilité du sportif contrôlé positif.
La loi nouvelle étend aux AUT délivrées par les agences nationales étrangères et internationales les exonérations de responsabilité.
Redouane MAHRACH
Avocat à la Cour d’appel de Paris
Spécialiste en droit du sport
Directeur du cabinet RMS Avocats
www.rms-avocats.com