Le contrat de travail du joueur professionnel prévoit très souvent une clause dite libératoire ou clause de rachat permettant aux parties de mettre un terme au contrat en aménageant les modalités de la rupture.
La clause libératoire n'a pas pour objet de donner une valeur marchande au joueur contrairement à une idée parfois reçue. Cette clause est destinée, selon les cas, à assurer le respect des engagements pris par le joueur pour la durée du contrat en le dissuadant de toute tentation de rupture soit à permettre au joueur ou au club de mettre unilatéralement un terme au contrat moyennant une somme définie à l'avance.
Une telle clause, quelle qu'en soit la qualification juridique, est illicite dans le sport amateur, les joueurs non titulaires d'un contrat de travail demeurant libres de changer de club sans avoir à verser une quelconque indemnité au club quitté.
La multiplication de ces clauses dans les contrats des sportifs professionnels et notamment dans le football nous amène à nous interroger sur la qualification juridique et la portée de la clause libératoire.
1- La qualification juridique de la clause libératoire
En droit français, la clause libératoire peut être perçue soit comme une clause pénale soit comme une clause de dédit.
La clause de dédit est celle par laquelle une partie se ménage la possibilité de se désister d'une relation contractuelle pour quelle que cause que ce soit en payant à l'autre partie une somme convenue par avance.
La clause de dédit n'a pas pour objet d'indemniser l'autre partie en cas de rupture unilatérale contrairement à la clause pénale.
La clause de dédit est en principe illicite dans les contrats de travail dans la mesure ou selon l'article L1243-1 du Code du travail, un contrat ne peut être rompu que dans trois cas: la faute grave d'une partie, la force majeure ou le consentement mutuel.
Dès lors, une attention toute particulière doit être portée à la rédaction de la clause libératoire évitant ainsi un risque de requalification en clause de dédit qui serait déclarée nulle par le conseil de prud'hommes saisi du litige.
Au contraire la clause pénale est licite dans les contrats de travail.
Selon l'article 1152 du Code civil, "lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre".
Si l'objet de la clause libératoire est de prévoir le cas où le joueur serait tenté de rompre unilatéralement le contrat et ainsi le dissuader en lui imposant le paiement d'une forte indemnité alors cette clause sera qualifiée de clause pénale.
Cependant, l'intérêt de la clause pénale est limité dans la mesure où elle est révisable par le juge.
2- La portée de la clause libératoire
Selon l'article 1152 al 2, "le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite".
En effet, le principe est que la partie fautive doit réparer l'entier préjudice de l'autre partie mais uniquement le préjudice. La rupture ne doit pas avoir pour conséquence l'enrichissement indu de la partie lésée.
Lorsque le montant de la clause est manifestement supérieur ou inférieur au préjudice réellement subi par la victime, il pourra être révisé par le juge.
Il y a donc lieu de prendre un soin particulier à la juste détermination du montant de la clause libératoire sous peine de voir le juge la diminuer ou l'augmenter.
Les parties indiqueront les modalités de calcul en tenant compte de la date de la rupture, le temps de contrat restant à courir, le temps consacré à la formation du joueur, le montant de l'indemnité de transfert payées pour l'acquisition du joueur, la valeur vénale du joueur évaluée au regard des propositions présentées par un club désireux de faire signer le joueur...
Ces indications doivent donner au juge les moyens de contrôler le caractère excessif ou dérisoire de la clause par référence à des éléments objectifs admis pas les parties.
Cela étant, stipulé au bénéfice du joueur, cette clause sera jugée manifestement dérisoire si elle est inférieure aux salaires que le joueur aurait perçus jusqu'au terme du contrat s'il n'avait pas été rompu unilatéralement par le club. En effet, l'article 1243-4 du code du travail énonce que "la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l'initiative de l'employeur, en dehors des cas de faute grave ou de force majeure, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, sans préjudice de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 1243-8"
Stipulée au bénéfice du club, les juges auront la tentation du parallélisme avec le régime appliqué au joueur et ainsi condamner le joueur à payer au club le montant des salaires qu'il aurait reçus jusqu'à la fin du contrat de travail. Cela n'est généralement pas satisfaisant pour les clubs qui auraient espérer tirer un bénéfice de la revente du joueur.
Le préjudice peut il être de la valeur du joueur sur le marché? Rien ne s'y oppose dès lors que la perte de l'actif que représente le joueur correspond au préjudice subi par le club. Il appartient donc au club d'en rapporter la preuve en ayant notamment recours à une expertise judiciaire. Cependant, à notre connaissance, il n'existe pas d'expert judiciaire de l'évaluation de préjudice dans le domaine du sport. Le développement et la judiciarisation croissante du sport devraient nous conduire sur cette voie à brève échéance.
Précisons, qu'en droit international du sport, les juridictions sportives telle la FIFA imposent des sanctions sportives en sus des sanctions financières prononcées par les juridictions nationales lorsque la rupture a eu lieu en dehors de la période protégée.
En conclusion, si la clause libératoire peut avoir un effet dissuasif sur le joueur ou le club, il ne faut y voir la panacée que certains lui prêtent. En effet, une clause mal rédigée équivaut à une absence de clause. Les parties prendront donc soin de mettre en lumière les méthodes de calcul de l'indemnité libératoire afin de donner aux tribunaux les moyens d'en contrôler le caractère manifestement dérisoire ou excessif. Le recours à un avocat spécialisé en droit du sport est une nécessité qui ne doit pas être nullement négligée.
Redouane Mahrach
Avocat à la Cour de Paris