L’impunité du joueur professionnel coupable d’absences répétées: CA Amiens, 5e ch. soc., 30 mai 2012, n° 11/00565, Mr David V. c/ SA ASClub football
Un joueur de football professionnel a conclu un CDD pour deux saisons sportives avec le club de A, à partir de 2005. En 2007, ce contrat a été prorogé pour deux saisons supplémentaires.
Cependant, au cours de l’été 2008, les relations entre le joueur et le club se sont dégradées. Le joueur a indiqué dans la presse locale son intention de quitter le club, il a quitté le stage d’été prévu au Touquet sans explication et a cessé de s’entrainer avec le reste de l’équipe.
Le Club a tenté d’obtenir des explications de la part du joueur professionnel mais, face au silence de ce dernier, a décidé, par la voix de son avocat, de saisir la commission juridique de la LFP (Ligue du Football Professionnel) pour que le contrat soit suspendu. La LFP y a fait droit.
Le joueur a été convoqué à son entretien préalable à l’issue duquel le club a décidé de rompre le contrat pour faute grave le joueur au motif de ses absences répétées dont il était, au surplus, indiqué qu’elles lui causaient préjudice, en termes d’image et de bon fonctionnement.
Par l’entremise de son avocat, le joueur a saisi le Conseil des Prud’hommes lequel a reconnu le bien-fondé de la rupture. Appel a été interjeté et les juges de la Cour d’Appel ont infirmé le jugement en considérant que faute d’avoir été prévu par la Charte professionnelle il n’était pas possible de considérer les absences répétées comme justifiant une rupture pour faute grave. Dès lors, le club a été condamné à payer 125.635,17€.
Cette décision ne manque pas d’interroger sur le plan de l’équité. Pour autant, elle s’inscrit dans une jurisprudence constante de la Chambre sociale qui prévoit que la convention collective fixe les règles générales et permanentes en matière de discipline, notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur, toute sanction non prévue doit donc être annulée.
En effet, la Charte du Football professionnel est qualifiée par les juges de Convention Collective. Il s’agit d’une norme hiérarchique supérieure au règlement intérieur et simple contrat liant les parties, qui doit en tant que telle prévaloir. De plus, en application de l’ordre public social, les stipulations plus favorables au salarié, prévues dans la convention collective qui est lui est applicable, prévalent sur le droit commun.
En pratique il s’agit d’une stipulation qui pourrait être très gênante pour les clubs tant pour leur image que pour leur fonctionnement interne. Surtout elle ne favorise pas l’exemplarité qui doit être de rigueur s’agissant de sportifs professionnels qui ont une influence potentielle particulièrement importante sur les jeunes, et les jeunes footballeurs des centres de formation en particulier.
Cependant, dans l’optique d’amélioration de l’image du football français, la Fédération a d’ores et déjà modifié la Charte du Football Professionnel en prévoyant une échelle de sanctions de plus en plus forte en fonction de la répétition des absences et retards injustifiés. L’article 614 prévoit ainsi que la sanction peut aller du simple avertissement à la rupture du contrat.
Cet arrêt a l’intérêt de rappeler que les employeurs doivent scrupuleusement vérifier et appliquer les procédures et sanctions prévues dans la convention collective qui leur est applicable, faute de quoi leur sanction sera purement et simplement annulée ! Le recours à un avocat spécialisé en droit du sport sera salutaire.
Redouane Mahrach - Avocat - spécialiste de droit du sport
Laura Nowak - Juriste en droit du sport