Les périodes de mercato sont bien connues pour faire partie des périodes les plus mouvementées pour les sportifs professionnels.
Ceci étant, bien en amont de ces fameuses fenêtres de transfert, le jeune joueur est soumis à quelques « turbulences ». Il s’agit de la première date butoir, à savoir celle du 30 avril, à laquelle il saura si le club dans lequel il évolue lui proposera un contrat de joueur élite, espoir ou professionnel et à quelles conditions.
Alors ce jeune joueur est il tenu par la proposition que pourrait lui faire son club ? Peut-il, au contraire, la refuser et partir librement signer son premier contrat professionnel en France ou à l’étranger ?
Pour répondre à cette interrogation, nous étudierons d’abord les conditions auxquelles est soumis un club souhaitant faire usage de cette faculté, avant de déterminer la liberté dont dispose le joueur et les conséquences de son refus éventuel de prolongation.
I – Le club a la faculté d’exiger la conclusion d’un nouveau contrat avec son joueur
Les instances du football partent du principe que le club qui investit dans la formation des joueurs est légitimement en droit d’attendre un retour sur investissement.
Sur les centaines de joueurs qu’il forme, seulement quelques uns auront le privilège de faire partie de l’élite du football professionnel. Et pour faire leurs premiers pas dans le football professionnel, les règlements nationaux accordent à leur club un droit de préférence pour les y faire entrer.
C’est ainsi que le club pourra proposer à chacun de ses joueurs sous contrat apprenti, aspirant ou stagiaire la conclusion d’un nouveau contrat (A) ou ne pas utiliser cette faculté (B).
A) Le club propose la signature d’un nouveau contrat
La Charte du football professionnel (Art. 261) offre au club la possibilité de proposer à ses joueurs :
- Sous contrat d’apprenti ou d’aspirant et âgés de moins de 17 ans au 31 décembre de l’année de cette même saison, la signature d’un contrat de stagiaire de 3 saisons ;
- Dont le contrat d’apprenti ou d’aspirant expire à la fin de la saison, la signature d’un contrat stagiaire, élite ou professionnel ;
- Dont le contrat de stagiaire expire à la fin de la saison, la signature d’un contrat professionnel.
Conformément à la Charte du football professionnel, il doit donc faire part de ses intentions au joueur et / ou à son représentant légal s’il est mineur par lettre recommandée avec accusé de réception au plus tard le 30 avril de la saison en cours.
Il devra également en adresser une copie à la Ligue du Football Professionnel. (Art. 261)
La proposition de contrat doit être conforme au modèle disponible dans le système informatique de la LFP dénommé "IsyFoot". (Art. 262)
L'une des difficultés rencontrée concerne la rémunération proposée par le club dans ce nouveau contrat.
En effet, la question est de savoir si le club peut proposer n'importe quel salaire au joueur. D'une part, il existe les articles 753 à 759 de la Charte qui fixent les modalités de rémunération des joueurs apprentis, aspirants, stagiaires, espoirs, élites et professionnels. D'autre part, l'annexe 4 du Règlement FIFA du Statut et du Transfert de Joueurs qui indique que la rémunération minimale que le club doit proposer au joueur doit être au moins égale à la rémunération qu'il percevait sous son ancien contrat. A défaut, le club perd le bénéfice des indemnités de formation en cas de transfert vers un autre club de l'Union Européenne.
B) Le club ne souhaite pas proposer à son joueur la signature d’un nouveau contrat
Si le club décide de ne pas user de son droit le joueur sera libre de :
- Soit, signer un contrat de joueur stagiaire / élite / professionnel dans le club de son choix sans qu’il ne soit dû aucune indemnité au club quitté ;
- soit, être reclassé dans les rangs amateurs.
II – Le choix du joueur et ses conséquences
Une triple option est ouverte pour le joueur :
- accepter de signer le contrat ;
- refuser de signer le contrat ;
- exiger qu’un contrat lui soit proposé.
A) Le joueur exige la signature d’un contrat de joueur professionnel
La Charte du football professionnel prévoit pour le joueur ayant été titulaire pour son club ou pour un autre club où il aurait muté temporairement (à l’exclusion des mutations dans les clubs indépendants et amateurs) le droit d’exiger la signature d’un premier contrat professionnel à condition qu’il ait participé à :
- 15 rencontres officielles de Ligue 1 ;
- ou 20 rencontres officielles de Ligue 2.
Cette possibilité s’applique à compter du début de son engagement contractuel et ce, quel que soit son statut.
Ainsi, le joueur qui rentre dans ce cas de figure verra son nouveau contrat prendre effet :
- immédiatement si le 15ème match en Ligue 1 ou 20ème match en Ligue 2 intervient avant le 31 décembre de la saison en cours ;
- au 1er juillet de la saison suivante s’il intervient postérieurement au 31 décembre.
Attention cependant, pour ce faire, le joueur doit adresser sa demande au club par lettre recommandée avec accusé de réception, avec copie à la LFP, dans les quinze jours après la rencontre constituant le 15ème match en Ligue 1 ou 20ème en Ligue 2.
Puis, le club doit communiquer sa décision au joueur par lettre recommandée avec accusé de réception, avec copie à la LFP, dans un délai de quinze jours à compter de la réception de la lettre au joueur (cachet de la poste faisant foi).
Si le club n’y répond pas, le joueur sera libre de tout engagement et le club français avec lequel il signera ne sera pas redevable des indemnités de formation.
B) Le joueur accepte de signer le nouveau contrat
Il n’est pas exclu que la proposition du club corresponde exactement (sportivement et financièrement) aux souhaits de carrière du joueur.
Dans cette hypothèse, la solution est simple : le joueur acceptera la proposition du club, laquelle deviendra alors irrévocable.
Elle devra ensuite être suivie d’effet avant la fin de la période des mutations estivales de la même année. (Art. 262)
C) Le joueur refuse de signer le nouveau contrat
En sens inverse, l’on peut parfaitement imaginer que le club profite des facultés accordées par la réglementation du football pour proposer à son joueur de signer un contrat à des conditions beaucoup moins bonnes que ce qu’il aurait pu obtenir sur le marché.
Dans ces conditions, s’il estime que la proposition faite n’est pas sérieuse ou souhaite simplement évoluer dans un autre club, le joueur doit en faire part à son club et ce, dans le délai d’un mois à compter de la réception de la proposition. (Art. 262)
Nb. : L’absence de réponse, le refus après une première acceptation sont assimilés à un refus de la proposition par le joueur. (Art. 262)
Ainsi le joueur qui refuse de signer un contrat de joueur en formation, élite ou professionnel peut signer, avec un autre club membre de la LFP, un contrat :
- aspirant / apprenti s’il était sous statut amateur avec le club quitté ; (Art. 261)
- Elite / Professionnel s’il était sous statut aspirant / apprenti / amateur sous convention de formation avec le club quitté ; (Art. 261)
- professionnel s’il était sous statut stagiaire avec le club quitté. (Art. 261)
Pour autant, sa décision ne doit pas porter préjudice au club qui aura investi dans sa formation. C’est pourquoi, si le joueur refuse la proposition du club, le club quitté est fondé à réclamer les indemnités de formations prévues par le règlement FIFA et / ou la Charte du football professionnel (indemnités de formation + indemnités de valorisation de la formation). (Art. 261)
Nb. : Si le joueur refuse de signer un contrat de joueur en formation Elite ou professionnel et signe une licence amateur, le droit à indemnité de formation persistera pour le club quitté pendant 24 mois. (Art. 261)
Nous attirons cependant l'attention du lecteur sur le point suivant : la Charte du football professionnel, qui a vocation à s’appliquer en France, régit les rapports que les clubs français peuvent entretenir entre eux. A ce titre, elle prévoit des indemnités de formation conformes au barème FIFA auxquelles s'ajoutent des indemnités dites de « valorisation » (et qui sont réévaluées à la hausse en fonction d'évènement tels que le nombre de participations du joueur à une équipe nationale U19, U20, A).
Nb: Il est depuis longtemps admis que le club formateur est en droit d’exiger la contrepartie du temps passé à former ses joueurs, ce qui a été confirmé dernièrement par l’arrêt BERNARD rendu le 16 mars 2010 par la CEJ (voir l'article www.avocat-sport.fr).
Ainsi, le jeune joueur qui aura été sélectionné en équipe de France et signera son premier contrat professionnel avec un autre club que celui au sein duquel il était stagiaire sera redevable des indemnités FIFA + des indemnités de valorisation correspondantes (qui peuvent s'élever à 1.5 million d’euros).
Au contraire, si le jeune joueur décide de signer avec un club étranger, la Charte du football professionnel n’aura plus vocation à s’appliquer. La réglementation FIFA, applicable dès lors qu’il existe des éléments internationaux, s’appliquera. Et pour le coup, seules les indemnités de formations FIFA (maximum 90.000€ par année de formation depuis la saison de ses 16 ans) pourront être réclamées.
Dès lors, le football français de trouve devant un paradoxe : il forme des joueurs mais les moyens juridiques sont insuffisants à protéger ses investissements dans la formation contre la convoitise des clubs étrangers.
La situation est telle qu'aujourd'hui, les clubs étrangers sont avantagés par rapport aux clubs français puisqu'un joueur ayant refusé de signer son premier contrat professionnel sera moins onéreux pour un club étranger que pour un club français.
Le club formateur ne devra pas ignorer cette situation de fait lors de la négociation avec le jeune au risque de voir partir un de ses éléments vers un club étranger à moindre coût.
Tatiana VASSINE Redouane MAHRACH
Avocat en droit du sport Avocat en droit du sport
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