Licence amateur et joueur professionnel – Quel impact sur la qualification du contrat de travail ? (Cass. Soc., 12 décembre 2012, n°11-14.823)
Un club de football a proposé à un joueur de rejoindre son effectif moyennant une rémunération mensuelle de 1525 €. Aucun contrat n’était écrit, la relation les liant reposant simplement sur la parole et la bonne volonté du club.
Considérant manifestement que le joueur avait fait son « temps », le club a décidé à la fin de la saison 2005/2006 de ne pas reconduire le joueur dans ses effectifs. Le joueur a contesté la rupture de cette relation. Il a saisi le Conseil de Prud’hommes afin que la relation le liant au club soit qualifiée de contrat de travail à durée déterminée avec les conséquences suivantes : - paiement d’un rappel de salaires sur la base des minima prévus par la Charte du football professionnel - paiement de dommages et intérêts en réparation de son préjudice consistant en la non affiliation à un régime de prévoyance. - paiement de l’indemnité de requalification et des indemnités dues consécutivement à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le club, par l’office de son avocat, faisait valoir un argument extrêmement courant et repris devant les tribunaux, à savoir que son joueur ne pouvait pas être professionnel dès lors qu’il disposait d’une licence de joueur amateur. Il contestait ainsi l’existence du moindre contrat, et a fortiori d’un CDD, en l’absence d’écrit.
La Cour d’Appel n’a pas retenu l’existence d’un contrat liant le club au joueur, jugeant incompatible l’existence d’un contrat de travail avec une licence amateur. Une telle analyse était pour le moins dénuée de bon sens dès lors que c’est en pratique le club qui décide de la licence qu’il sollicite pour ses joueurs, et que ces derniers n’ont pas de moyen juridique pour s’y opposer.
Insatisfait par cet arrêt, le joueur a donc formé un pourvoi en cassation et saisi la Haute Juridiction des questions suivantes : - Une licence amateur exclut-elle de facto la qualification de contrat de travail et l’application de la Charte du football professionnel ? - Le titulaire d’un contrat de travail non écrit peut il renverser la présomption du Code du travail qualifiant le contrat de CDI ?
Les Hauts Magistrats ont ici, à juste titre, démontré que le droit du travail s’appliquait dans le domaine sportif. En effet, ce n’est pas parce qu’un joueur est qualifié de joueur amateur par la licence sportive qu’il ne peut pas être lié par un contrat de travail avec son club. Outre l’exécution d’une prestation contre rémunération, le seul critère opérant dans la qualification du contrat est l’existence d’un lien de subordination (= ordres et directives + pouvoir de contrôle + pouvoir de sanction).
L’existence du lien de subordination est révélée par un faisceau d’indices mais être qualifié d’amateur par la licence sportive n’est en rien déterminant ! Au-delà, les juges ont également rappelé que la présomption de CDI prévue à l’article L1242-12 du Code du Travail n’est irréfragable qu’à l’égard de l’employeur , le salarié pouvant rapporter la preuve d’un contrat oral à durée déterminée (cf. Cass. soc., 10 juill. 2002, n° 00-44.534) .
Redouane Mahrach - Avocat à la Cour - Spécialiste de droit du sport
Laura Nowak - Juriste en droit du sport