La sélection des athlètes est un choix primordial puisqu’il revient à confier à une élite l’honneur de représenter la nation. A ce titre, ce pouvoir de sélection aurait pu être partagé collégialement entre la Fédération, Le Ministère des sports et la Commission nationale du sport de haut niveau ou, tout au moins, suivre un processus consultatif avec ces organes.
Et ce questionnement n’est pas sans intérêt dès lors que la Commission nationale du sport de haut niveau a un rôle consultatif concernant les critères de sélection des sportifs aux compétitions organisées sous la responsabilité du Comité International Olympique.
Or, il n’en est rien. En la matière, la Fédération Nationale (prise en la personne de son Directeur Technique National) est souveraine et ne peut voir ce pouvoir limité par des intervenants extérieurs au sport qu’elle organise.
Pour autant, dès lors qu’une seule personne, une seule entité est investie d’un tel pouvoir, il n’est pas exclu que des erreurs soient commises ou que certains choix ne soient pas opérés dans la plus stricte objectivité.
Quels sont alors les recours que peut envisager un athlète été injustement spolié de son « droit à » sélection ?
Sur le plan strict du droit du sport, ses recours sont inexistants, le juge considérant qu’il n’est pas compétent pour apprécier le bien fondé d’un choix purement sportif. Cette solution, qui peut de prime abord paraitre surprenante, est pourtant conforme à la position de la jurisprudence. En effet, que l’on se situe sur un terrain strictement civil (cf. par exemple le juge refuse de se substituer aux choix opérés par le chef d’entreprise) ou sur le terrain administratif (cf. le juge s’estimant incompétent pour donner des directives aux fédérations et autre organes administratifs), le juge s’interdit de contrôler le bien fondé des sélections.
Cependant, le juge peut procéder à un contrôle de légalité sur la forme de la décision. Ainsi, il vérifiera que les règlements fédéraux, dès lors qu’ils stipulent des critères objectifs de sélection, ont bien été respectés par la Fédération.
Quand bien même ces critères objectifs auraient été remplis par plusieurs athlètes, rien n’interdit à la Fédération de se fonder sur des critères supplémentaires, voire subjectifs, pour procéder à une sélection.
Dans cette lignée, si la Fédération n’a fixé aucun critère pour procéder aux sélections, elle recouvre une totale liberté dans ce choix à moins, bien évidemment, que ce denier ne repose sur des considérations parfaitement étrangères à l’appréciation de la valeur sportive (discrimination, intention de nuire, éléments extra-sportifs…) ce qui peut être difficile à démontrer.
C’est pourquoi, dès lors qu’un doute survient sur l’absence éventuelle d’objectivité du sélectionneur, il est préférable de réunir les éléments en attestant bien en amont (et si besoin à l’aide d’un Conseil) au risque, à défaut, de ne pas être en mesure de démontrer la faute et de ne disposer d’aucun recours.
Quelques extraits de décisions :
Cour administrative d'appel de Paris N°03PA01136, 26 avril 2006 :
« Considérant que si, lorsque le juge administratif connaît des actes pris tant par les arbitres et les juges des compétitions à caractère sportif que par les organes des fédérations en cette matière, ni l'application des dispositions techniques propres à chaque discipline, ni l'appréciation des performances des participants ne peuvent être discutées devant lui, il lui appartient d'exercer son contrôle sur le respect des principes et des règles qui s'imposent aux auteurs de tout acte accompli dans l'exercice d'une mission de service public. »
Conseil d'Etat N°168150, 15 mars 1999 :
« Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 17 de la loi du 16 juillet 1984 que les fédérations sportives agréées qui ont reçu délégation du ministre chargé des sports ont seules compétence pour procéder aux sélections des équipes nationales en vue des compétitions sportives internationales, notamment olympiques ; que la commission nationale du sport de haut niveau, créée par l'article 26 de la même loi, n'est pas habilitée à déterminer la composition desdites équipes ; qu'il ressort des pièces du dossier que la FEDERATION FRANCAISE D'ATHLETISME, au nom de laquelle a agi son directeur technique national, a estimé qu'elle disposait seulement d'un pouvoir de proposition, et que la commission nationale du sport de haut niveau était, selon les termes de la lettre litigieuse, "décisionnaire en ce qui concerne les sélections olympiques" ; qu'ainsi elle a méconnu l'étendue de sa compétence ; qu'il résulte de ce qui précède que la FEDERATION FRANCAISE D'ATHLETISME n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision. »
Conseil d'Etat N°102775, 22 février 1991 :
« Si la Fédération française de natation avait fait connaître au début de l'année 1988 les performances minima qu'elle prendrait en considération pour la sélection au titre des jeux olympiques de Séoul, elle n'a commis aucune erreur de droit en ne sélectionnant pas les requérantes dans la discipline du relais 4 X 100 mètres nage libre dames, alors même qu'elles auraient accompli ces performances, et en tenant compte d'autres éléments d'appréciation, notamment de la régression de leurs résultats sportifs au cours de l'année. »
Redouane MAHRACH Tatiana VASSINE
Avocat à la Cour de Paris Avocat à la Cour de Paris
Spécialiste de droit du sport Spécialiste de droit du sport
Directeur du département droit du sport www.avocat-sport.fr
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