Dans une sentence du mois de mai 2016 Lassana Diarra, milieu défensif de l’équipe de France et de l’Olympique de Marseille, a vu sa condamnation prononcée par la FIFA confirmée en appel par le Tribunal Arbitral du Sport de Lausanne.
Outre des sanctions sportives, il a été condamné à payer au Lokomotiv Moscou la somme de 10 million d’euros à titre de dédommagement pour rupture de son contrat de travail sans juste cause conformément à l’article 17 du Règlement FIFA du Statut et du transfert de joueur.
La question qui agite le monde du football concerne la situation de l’Olympique de Marseille et notamment la question de la responsabilité éventuelle du club dans le litige entre le joueur et le club russe.
En effet, le club russe réclame au club phocéen le paiement de l’intégralité de la condamnation prononcée à son encontre.
Mais sur quel fondement le Lokomotiv s’est-il appuyé pour réclamer le paiement ?
Il convient de rappeler qu’il existe un article 17.2 du Règlement FIFA du Statut et du transfert de joueur qui énonce : « Si un joueur professionnel est tenu de payer une indemnité, le joueur professionnel et son nouveau club seront solidairement et conjointement responsables du paiement de celle-ci ».
Ainsi, alors même que le nouveau club n’aurait pas incité ni même été impliqué dans la rupture du contrat précédent, il serait tenu au paiement solidaire de la condamnation.
Dans le cas Diarra, bien qu’il soit incontestable qu’il n’ait jamais été impliqué dans la rupture dès lors que celle-ci est intervenue plusieurs mois avant l’engagement du joueur, le club de Marseille serait donc tenu de payer sans pourtant avoir une quelconque responsabilité.
Le but poursuivi par la FIFA lorsqu’elle promulgue cet article est de faciliter le recouvrement de la condamnation auprès des clubs et non auprès des joueurs. En effet, alors que le joueur est sujet à des changement de domicile, de pays, voire d’arrêt de toute compétition, le recouvrement des condamnations apparait difficile. Au contraire, les clubs ont des établissements stables mais également des actifs identifiés de sorte que le recouvrement est plus aisé.
La seconde motivation de cette disposition réside dans le bénéfice ou l’économie que va réaliser le nouveau club. Ainsi, dans le cas de Lassana Diarra, il est évident que l’OM a réalisé une belle affaire puisqu’il a acquis un joueur dont la valeur était estimée à plusieurs millions d’euro sans bourse délier.
Cet article 17.2 du Règlement FIFA du Statut et du transfert de joueur est de nature à dissuader les clubs d’engager un joueur en litige avec son ancien club alors même que les éléments du dossier laissent présager que c’est l’ancien club qui serait responsable d’une rupture sans juste cause.
En pratique, rares sont les clubs qui acceptent d’embaucher un tel joueur tant que le litige n’est pas tranché. Or, les délais de traitement des dossiers par la Chambre de résolution des litiges de la FIFA sont particulièrement longs puisqu’il faut compter entre 2 et 4 ans.
Considérant que la carrière d’un sportif professionnel est particulièrement courte, cette disposition constitue une atteinte intolérable à la liberté du travail.
En outre, comment un joueur pourrait-il payer sa condamnation s’il ne peut poursuivre sa carrière ?
C’est ce que le Tribunal Arbitral du Sport avait jugé dans le cas Mutu contre Chelsea lorsqu’il avait rejeté la responsabilité de la Juventus dans l’engagement du joueur roumain.
Peut-on blâmer L’OM d’avoir ainsi pris le risque d’engager Lassana Diarra alors que d’autres clubs intéressés avait fait marche arrière ?
Evidemment non puisque cette transaction s’est avérée être fructueuse au regard de la formidable saison du milieu défensif de l’équipe de France.
Cependant, le club phocéen, après consultation d’un avocat spécialisé dans le droit du football, aurait dû provisionner le risque lié à cette embauche ne pouvant ignorer l’existence de cette responsabilité solidaire dans le paiement.
L’OM aura pris soin d’obtenir une garantie de la part du joueur au moment de la signature du contrat.
Enfin, il est utile de préciser que solidarité dans le paiement ne signifie pas responsabilité dans la rupture sans juste cause. Dès lors, lorsque le nouveau club pourra démontrer qu’il n’a pas incité le joueur à rompre son précédent contrat, sa responsabilité ne sera pas engagée.
Au final, bien que le paiement soit effectué par le nouveau club, celui-ci sera en droit de réclamer le remboursement au joueur.
La difficulté sera de recouvrer cette somme lorsque le joueur n’est plus sous contrat.
Enfin, cette condamnation au paiement solidaire risque d’avoir un impact sur le budget du club et le risque existe que la DNCG considère que la totalité de la somme soit provisionnée dans les comptes du club.
Mais ceci est une autre histoire !
Redouane MAHRACH
Avocat en droit du sport