Les sportifs professionnels sont souvent l'objet d'articles de presse et de livres abordant des aspects extra-sportifs de leur vie. Il nous est apparu pertinent de faire le point sur les aspects juridiques liés à la parution de tels ouvrages portant atteinte aux droits fondamentaux de toute personne et notamment le droit à l'image et le droit au respect de la vie privée.
Le sportif professionnel est avant tout une personne physique, il bénéficie à ce titre des mêmes droits et libertés individuelles que toute autre individu, notamment concernant le respect de sa vie privée et de son droit à l'image.
Cependant, le sportif professionnel, en raison de la spécificité de son activité et de sa notoriété va voir le domaine de sa vie privé quelque peu réduit au profit du droit à l’information. Se pose dès lors la question des limites de la vie privée d’un sportif professionnel.
Nous allons tenter de répondre plus spécifiquement à la question suivante, qui nous permettra de connaître les délimitations de ces domaines: « Un sportif peut il s’opposer à la publication d’un article ou d’un livre le concernant ? »
1- le principe : la divulgation non autorisée par le sportif d'éléments relatifs à sa vie privée
La notion de vie privée est évoquée aux articles 9 du Code civil, 12 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen et 8 de la Convention de Sauvegarde des Droit de l'Homme. Cependant, aucun de ces textes n’en donne de définition. Le Code civil se contente d'indiquer que "chacun a droit au respect de sa vie privée".
S'il ne fait pas de doute que l'atteinte à la vie privée est caractérisée lorsque les images ont été prises dans un espace d'intimité, la question est plus épineuse lorsque les photos ont été prises dans un lieu public.
Souvent adulés du public, les sportifs de haut niveau sont sous le feu de la presse. De ce fait, la vie publique du sportif dans un lieu public peut être divulguée.
Au contraire, certaines informations relèvent de la stricte intimité de la personne et les sportifs vont se trouver protégés, comme tout autre individu, contre les atteintes à celle-ci.
Ainsi le TGI de Paris a reconnu au sportif un droit à l’intimité de son image publique (TGI Paris, 1ère ch. 3 mai 1989, Xuereb c/ l’Equipe). Il s’agissait en l’espèce d’un joueur de football professionnel qui avait été photographié en compagnie de son épouse enceinte lors d'un tournoi de tennis.
La jurisprudence permet en effet à chacun, donc également au sportif professionnel, de tenir secret ses choix amoureux, ses préférences sexuelles, sa vie familiale et les événements marquants de celle-ci tels que le mariage, le divorce ou la naissance d'un enfant.
Ses croyances religieuses ne peuvent être révélées, pas plus que son domicile et son numéro de téléphone.
De la même manière, l’état de santé appartient à la vie privée intime et ne peut être divulgué. Cependant, dans certains cas, l’état de santé du sportif pourra être divulgué sans que cela ne lui porte atteinte, s’il s’agit notamment des blessures, car elles intéressent l’événement sportif et revêt le caractère d’une information légitime offerte au public.
Le sportif ne pourra s’opposer à l’article ou au livre concernant sa vie privée que s’il n’a pas donné son consentement ou si les circonstances ne font pas présumer celui-ci. Son accord est présumé s’il avait la possibilité de s’opposer à la publication et qu’il ne l’a pas fait.
2- la Divulgation autorisée : Le sportif ne peut pas s’opposer à la publication d’un article lorsque ce dernier relève du droit à l’information du fait de sa notoriété.
La divulgation de certaines informations concernant les sportifs est susceptible de porter atteinte à la vie privée de ceux-ci. Le droit à l'information est alors évoqué comme une justification à l'atteinte à la vie privée. Le « fait d'actualité » va permettre de justifier la révélation de certains éléments de la vie privée, sous réserve de ne pas excéder les limites de la liberté d'informer.
Il appartient au juge de concilier la liberté d’information avec le droit de chacun au respect de sa vie privée et, le cas échéant, de privilégier la solution la plus protectrice de l'intérêt le plus légitime. L’information doit donc être proportionnée aux buts légitimes poursuivis.
La Cour Européenne des Droits de l'Homme a considéré que « l'élément déterminant, lors de la mise en balance de la protection de la vie privée et de la liberté d'expression, doit résider dans la contribution que les photos et articles publiés apportent au débat d'intérêt général».
Au nom du droit à l’information, il est donc permis de divulguer sans autorisation certaines informations ou images qui auraient pu rentrer dans le cadre de la vie privée d’un individu anonyme lorsque celles-ci concernent une personnalité publique, notamment un sportif professionnel.
La divulgation de l’état de santé d’un sportif comme vu précédemment, n’est pas illicite dans la mesure où l’information a des conséquences sur le spectacle sportif.
Les juges ont également tranché en faveur du droit à l’information en matière de publicité du patrimoine. En effet, la CEDH puis la Cour de Cassation ont admis la licéité de la divulgation des salaires de certaines personnes dès lors que cette diffusion ne portait pas atteinte à leur intimité. Ainsi, la révélation des salaires de joueurs de football célèbres dans le cadre d’une étude sur le financement du sport, respecte la proportionnalité entre l’intérêt du public à cette information et l’atteinte à la vie des sportifs. En revanche, tout élément supplémentaire sur le mode de vie du sportif, la gestion de son patrimoine ne peut être justifiée par les nécessités de l’information.
Le juge condamne généralement l'auteur du trouble à des dommages et intérêts, avec parfois l'obligation de publier le jugement ou ses extraits, et ne plus reproduire l'information litigieuse sous astreinte.
Redouane Mahrach
Avocat à la Cour de Paris
Specialiste en droit du sport
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