Lorsqu’un crédit est irrégulier, la saisie immobilière poursuivie sur le fondement de ce crédit peut elle-même être irrégulière. C’est ainsi que le Juge de l’exécution près le Tribunal judiciaire de Nîmes a débouté une banque dans une affaire concernant une SCI qui n’avait pas remboursé un prêt-relais à échéance.
L’irrégularité du prêt immobilier
Le prêt immobilier en cause était très original. C’est un associé de la SCI qui souhaitait acquérir une maison à usage d’habitation à titre personnel. Mais la banque a voulu faire souscrire le crédit à sa SCI. La banque a alors formalisé une contrat de crédit professionnel pour « besoin de trésorerie » tout en intitulant le crédit comme étant un « Prêt Habitat ». La banque voulait sans doute prendre une hypothèque sur les biens de la SCI, ce qui explique qu’elle ait voulu prêter à la SCI au lieu de prêter à l’associé. Mais, la situation contractuelle ne reflétait pas du tout l’opération financée : un crédit de trésorerie « Habitat » et/ou le financement d’un achat immobilier en faisant souscrire un crédit à quelqu’un d’autre que l’acheteur… Si la banque souhaitait une garantie hypothécaire, elle aurait dû faire souscrire un cautionnement hypothécaire à la SCI, mais elle n’aurait pas dû accorder un crédit à la SCI alors que ce n’était pas la SCI qui achetait, mais un associé en son nom personnel. Ce mécanisme était une manière d’éluder la législation sur le crédit immobilier qui aurait dû s’appliquer, ce qui s’apparente à une fraude.
L’irrégularité de la saisie immobilière
Puisque le prêt est irrégulier, la saisie immobilière est irrégulière. La banque avait délivré un commandement de payer valant saisie immobilière sur le fondement du titre exécutoire constitué par le prêt notarié. Or, puisque le crédit a été souscrit par la SCI, la banque devait mettre les fonds à disposition de la SCI. Cela n’est jamais arrivé puisque la mise à disposition a eu lieu au bénéfice de l’associé de la SCI. Le Juge a ainsi considéré qu’à défaut d’avoir satisfait à son obligation de mise à disposition envers la SCI, la banque ne pouvait pas exiger de remboursement contre la SCI. Il en résulte que le prêteur ne détenait pas de titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible et donc qu’il n’était pas fondé à poursuivre une saisie immobilière.
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Décision obtenue par Me Vincent Cadoret, avocat en droit bancaire à Montpellier