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Inaptitude au travail : les CPAM hors du périmètre de reclassement salarié

Publié le 17/04/2025 Vu 220 fois 0
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La Cour de cassation précise que les CPAM ne forment pas un groupe obligeant au reclassement externe des salariés déclarés inaptes (mars 2025).

La Cour de cassation précise que les CPAM ne forment pas un groupe obligeant au reclassement externe des sala

Inaptitude au travail : les CPAM hors du périmètre de reclassement salarié

Reclassement du salarié inapte : pourquoi les CPAM échappent à l’obligation de reclassement externe ?

 

La problématique de l'inaptitude du salarié et des obligations légales de reclassement continue de susciter des controverses jurisprudentielles. Récemment, la Cour de cassation a rendu un arrêt décisif concernant le périmètre de reclassement applicable aux Caisses Primaires d’Assurance Maladie (CPAM). Par cette décision du 19 mars 2025 (Cass. soc., 19 mars 2025, n°23-21.210), la haute juridiction exclut définitivement les CPAM de la notion juridique de « groupe de reclassement ».

Une analyse approfondie permet de mieux comprendre les fondements juridiques et les conséquences pratiques de cette décision pour employeurs et salariés.

Inaptitude professionnelle : cadre juridique du reclassement

Lorsqu’un salarié est déclaré inapte par la médecine du travail, le droit impose à son employeur une obligation stricte de reclassement. Cette exigence juridique découle principalement des articles suivants du Code du travail :

  • Article L. 1226-2 (inaptitude non professionnelle)

  • Article L. 1226-10 (inaptitude professionnelle)

Ces textes prévoient explicitement que l’employeur doit proposer au salarié déclaré inapte un emploi approprié, correspondant à ses capacités, au sein de l’entreprise, mais également, le cas échéant, dans les entreprises appartenant au même groupe.

Évolution jurisprudentielle majeure : une approche désormais capitalistique

Jusqu’à récemment, la jurisprudence appréciait la notion de « groupe » en fonction des possibilités pratiques de permutation du personnel, indépendamment des critères capitalistiques. Cette approche, flexible mais peu claire, générait régulièrement des incertitudes en pratique.

Or, depuis les ordonnances du 22 septembre et du 20 décembre 2017, le législateur a restreint cette définition, la fondant exclusivement sur des critères capitalistiques précis prévus par les articles L. 233-1, L. 233-3 et L. 233-16 du Code de commerce. Désormais, seules les entreprises reliées par un contrôle capitalistique clair peuvent constituer un groupe de reclassement.

Le cas particulier des CPAM : une organisation autonome et spécifique

Les CPAM présentent des particularités uniques : elles sont des organismes de droit privé investis d'une mission de service public, disposant chacune d'une personnalité juridique distincte et autonome. Elles n’ont pas de lien hiérarchique ou capitalistique entre elles, même si elles exercent des activités similaires.

Cette spécificité rendait incertaine la question de leur éventuelle appartenance à un groupe, notamment au regard des obligations légales de reclassement.

L'arrêt du 19 mars 2025 : clarification jurisprudentielle décisive

Contexte précis du litige

L’affaire examinée par la Cour de cassation impliquait un cadre supérieur de la CPAM des Ardennes, déclaré inapte à son poste. Contestant son licenciement, il reprochait à son employeur de n’avoir pas exploré suffisamment les possibilités externes de reclassement, notamment au sein d’autres CPAM. La Cour d’appel de Reims avait rejeté ses arguments, estimant que la CPAM n’avait pas à effectuer cette recherche externe, faute d’appartenir à un groupe selon la définition légale.

Décision claire et motivée de la Cour de cassation

La Cour de cassation, confirmant l’arrêt de la cour d’appel, rappelle clairement la portée juridique actuelle du reclassement. Selon la haute juridiction, en vertu des critères capitalistiques imposés par le Code de commerce et désormais explicitement repris par le Code du travail, les CPAM ne peuvent être considérées comme formant un groupe de reclassement.

Par conséquent, elle énonce clairement que :

  • L’absence de lien capitalistique exclut toute recherche de reclassement externe obligatoire.

  • La recherche de reclassement par chaque CPAM doit se limiter strictement au périmètre interne de l’organisme employeur.

  • Les CPAM, du fait de leur autonomie, ne sont pas assimilables à un groupe au sens juridique précis de l’article L. 1226-2 du Code du travail.

Cette décision tranche définitivement une ambiguïté persistante, sécurisant juridiquement les pratiques des CPAM.

Impacts pratiques pour les employeurs et salariés des CPAM

Sécurisation des pratiques RH des CPAM

Cette clarification juridique permet aux CPAM de connaître précisément l’étendue de leurs obligations en cas d’inaptitude d’un salarié. Les services des ressources humaines peuvent désormais focaliser leurs efforts sur les possibilités internes réelles de reclassement, sans crainte de contestations judiciaires fondées sur des recherches externes jugées insuffisantes.

Vigilance accrue exigée des salariés concernés

Pour les salariés, cette jurisprudence rappelle l'importance de contrôler attentivement la procédure interne de reclassement mise en œuvre par l’employeur. Désormais, la contestation d'un licenciement pour insuffisance de reclassement devra exclusivement porter sur les démarches internes de la CPAM employeuse, puisque toute recherche externe est juridiquement exclue.

Une décision conforme à l’esprit du législateur

Cette jurisprudence récente est parfaitement conforme à l'intention du législateur exprimée par les ordonnances de 2017. En effet, l’objectif affiché était de sécuriser et simplifier les procédures de reclassement en définissant clairement le périmètre capitalistique des groupes concernés.

La Cour de cassation, en faisant application stricte de ces nouvelles dispositions législatives, répond donc précisément à cette intention, renforçant la prévisibilité et la sécurité juridique tant pour les employeurs que pour les salariés.

Une jurisprudence stabilisatrice en droit social

L’arrêt rendu le 19 mars 2025 constitue une clarification juridique majeure. Il sécurise définitivement les pratiques des CPAM en matière de reclassement des salariés déclarés inaptes. En rappelant strictement les critères capitalistiques imposés par le législateur, la Cour de cassation donne un cadre clair et précis aux employeurs et salariés concernés.

Ainsi, les CPAM peuvent désormais exercer leurs missions sociales avec une sécurité accrue, tandis que les salariés doivent être pleinement informés du périmètre limité des recherches de reclassement. Cette décision s’inscrit pleinement dans l’évolution actuelle du droit social français, tendant à garantir davantage de clarté, de sécurité et d’efficacité dans les procédures liées à l’inaptitude professionnelle.

 
 
 
 
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