En effet, en plus de ses connaissances juridiques aigues, l’avocat devra également se muer en accidentologue pour convaincre les magistrats.
I. La plaidoirie en droit routier : quand et pourquoi ?
La plaidoirie est l’ultime moment pour la défense de faire valoir ses arguments, de convaincre le président de sa version. Ce ne sera pas le dernier travail de l’avocat en droit routier : en cas de condamnation, il accompagnera son client dans l’exécution de sa peine auprès du juge d’application des peines.
L’audience se déroule par une série d’auditions du prévenu et des témoins, lesquels seront questionnés successivement par le procureur de la république, l’avocat des parties civiles s’il y en a et l’avocat de la défense, sous le contrôle du président du tribunal correctionnel. Les questions porteront sur le déroulement des faits, la personnalité du prévenu, sur son caractère ou non ré insérable dans la société.
A l’issue de ces débats, le président du tribunal donne la parole au parquet : le procureur de la République va présenter ses réquisitions : à la manière de l’avocat qui plaide, le procureur va exposer un à un les éléments du dossier qui justifient selon lui la caractérisation de l’infraction par le prévenu et va proposer une peine au magistrat : une peine d’emprisonnement ferme, une peine avec sursis, une peine d’amende, des travaux d’intérêts généraux … voire, la relaxe pure et simple du prévenu.
S’en suivra ensuite la plaidoirie de l’avocat des parties civiles, c'est-à-dire des victimes s’il y en a. Le but de cette plaidoirie est de faire entendre la parole des victimes en listant les préjudices subis. Il ne propose aucune peine.
En dernier lieu, l’avocat de la défense va prendre la parole une dernière fois dans cet exercice crucial qu’est la plaidoirie. Enfin, le prévenu aura le dernier mot : sa parole est libre, il peut tout aussi bien préférer ne rien dire, sur conseil de son avocat. S’il y a plusieurs prévenus, alors les avocats de la défense se succèderont l’un après l’autre après leur plaidoirie.
II. Les ingrédients de la plaidoirie en droit routier
Discours éloquent, argumenté et construit, la plaidoirie doit être un exercice de style pédagogique : l’avocat de la défense doit expliquer, faire preuve de rigueur pour convaincre les magistrats dans la démonstration juridique. L’avocat doit également prendre garde à défendre les intérêts de son client tout en respectant ses obligations déontologiques.
Dans sa plaidoirie, l’avocat va tout décortiquer : les éléments procéduraux, les failles de l’enquête, la personnalité et il proposera une sentence.
Si, lors de son analyse du dossier pénal, l’avocat de la défense a pu relever des nullités de procédure, ce dernier ne manquera pas de les soulever dans sa plaidoirie afin de contester la régularité des investigations menées. Si la nullité est de nature à porter atteinte aux droits de la défense ou à l’ordre public, alors l’avocat pourra plaider la relaxe de son client. La relaxe aura pour conséquence de mettre fin aux poursuites engagées contre le prévenu, et ce, quand bien mêmes les éléments à charge au dossier seraient extrêmement en sa défaveur.
La recherche de vices de procédure est donc l’une des priorités de l’avocat lorsqu’il est en possession du dossier pénale de son client avant l’audience.
Il va reprendre un à un les éléments du dossier : il va contester les éléments à charge et apporter une nouvelle interprétation, tout en insistant sur les doutes et les éléments à décharge présents au dossier pénal.
L’avocat pointera les incohérences, les défaillances du procureur dans l’enquête ou du juge d’instruction : si certains actes d’investigation ont été refusés à la défense au cours de la procédure, ce sera le moment de le souligner, tout en expliquant l’intérêt qu’aurait du avoir cet acte pour la manifestation de la vérité. Par exemple, lorsque les véhicules ont été détruits avant que la défense n’ait pu faire valoir son droit à la contre expertise. Idem si des témoins clés n’ont pas été entendus ou recherchés, malgré les demandes de la défense.
Lors de sa plaidoirie, l’avocat de la défense s’attachera également à présenter son client auprès des magistrats : sa personnalité, son parcours professionnel, ses antécédents et situations familiales… Il présentera également des éléments de contexte qui lui paraissent utiles. Par exemple, pour le cas d’un prévenu entendu pour une conduite sous l’empire d’un état alcoolique, l’avocat de la défense pourra expliquer aux magistrats que ces agissements étaient purement circonstanciés et ne rentrent pas dans un cadre d’addiction.
Il pourra présenter à la cour tout élément sur la vie personnelle de son client, avec son accord, qu’il estimera utile à la défense de son client. Par exemple, afin de démontrer le caractère ré-insérable de son client et de son amendement, il pourra invoquer une prise en charge thérapeutique de ce dernier dans un centre de traitement des comportements addictifs.
Ces précisions doivent poursuivre la stratégie de défense mise en place entre l’avocat et son client : ils varieront selon que l’avocat plaide la relaxe ou une peine moindre.
Si l’avocat tente d’adoucir la peine encourue par son client, ces éléments de personnalité peuvent permettre d’obtenir un sursis, ou une simple amende, voire un stage de sensibilisation aux dangers de la route… Il devra donc justifier ces peines, en expliquant pourquoi elles doivent se substituer à une peine d’emprisonnement ferme. A titre de rappel, dans l’esprit du code pénal, la peine n’a pas vocation à obtenir vengeance au nom de la société pour les faits commis : elle a une visée sanctionnante, mais aussi pédagogique.
Si l’inscription de la condamnation au casier judiciaire aurait un impact trop important sur la vie professionnelle du prévenu, l’avocat de la défense peut également plaider pour que les magistrats accordent une dispense de mention. En effet, certains emplois sont en droit de consulter les casiers B3 et B2. Le B2 est consultable par les administrations et ordres professionnels. A titre d’exemple, un étudiant en pharmacie poursuivi pour conduite sous l’emprise de stupéfiants peut avoir tout intérêt à obtenir cette dispense.
III. La plaidoirie dans un procès pour homicide involontaire
Les audiences, et donc les plaidoiries des avocats de la défense, connaissent des durées variables, en fonction de la gravité des faits reprochés. S’agissant des procès pour homicide involontaire commis par un conducteur de véhicule terrestre à moteur, les audiences peuvent également considérablement varier en fonction de la complexité de l’affaire, du nombre de victime, du contexte dans lequel a eu lieu l’accident (professionnel par exemple)…
En pratique, pour des faits d’homicide involontaire, la plaidoirie de la défense va durer en moyenne entre trente et quarante cinq minutes, selon la complexité des faits et la stratégie définie en amont avec le client. C’est le moment pour l’avocat en droit pénal routier, de revenir longuement sur les faits et les éléments précités.
L’avocat intervenant en défense d'un homicide involontaire, reprendra les faits points par points et décortiquera le déroulement de l’accident pour faire émerger un scénario différent de celui du parquet, si necessaire bien sûr.
Les peines encourues par le conducteur en cas d’homicide involontaire varient de trois à dix années d’emprisonnement. Le quantum de ces peines sera fonction de :
- ° La nature des fautes commises (imprudence, négligence, inattention, faute caractérisée ou délibérée de manquement à une obligation de sécurité prévue par la loi ou le règlement),
- ° Du caractère plus ou moins direct entre l’erreur commise et le décès de la victime (notamment en cas d’hypothèses de sur-accident où le conducteur percute un autre véhicule, qui à son tour percutera la victime),
- ° De la présence de fautes aggravantes qui sont spécifiquement prévues par le code pénal : défaut de permis de conduire, présence de stupéfiant dans le sang, délit de fuite…
L’avocat s’attachera dans sa plaidoirie à démontrer juridiquement, toujours si necessaire, que l’infraction n’est pas caractérisée au sens de la loi. Si l’infraction est caractérisée, l’avocat tentera de faire tomber les circonstances aggravantes afin de diminuer au maximum les peines encourues par son client.
Après être revenu sur les faits et leur matérialité, l’avocat éclairera les magistrats sur la personnalité de son client et la peine qui lui parait la plus adaptée aux faits de l’espèce (relaxe/peine clémente).
Ne perdez pas de vue l’aspect éminemment technique de la matière qui doit être parfaitement maitrisé par l’avocat qui prend en charge votre dossier. L’avocat généraliste connait la procédure pénale, il saura pointer du doigt les vices de procédure.
Néanmoins, face à un rapport d’expertise en accidentologie complexe, faisant référence aux diverses forces cinétiques, aux angles de vision des différents conducteurs, l’œil d’un expert est nécessaire.
En effet, l’avocat intervenant du droit routier saura analyser en profondeur les rapports des experts et s’apercevoir du bien fondé de leur raisonnement, de leurs calculs et des modalités de l’expertise.
Par exemple, il s’assurera que les marges d’erreur ont bien été appliquées dans le calcul de la vitesse des véhicules.
Chloé Soulier, Juriste
BENEZRA AVOCATS
Droit Routier & Dommages Corporels
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FICHE : VICES DE PROCÉDURE, RELAXE ET NULLITÉ