Ce rapport est l’occasion de revenir sur le projet de réforme de la responsabilité civile présenté le 13 mars 2017, par Jean-Jacques Urvoas, ancien garde des sceaux, sous le prisme pour notre part, de l’indemnisation des postes de préjudice et de l’indemnisation du conducteur victime.
Aujourd’hui, l’indemnisation des préjudices est laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond. Pour autant et afin de garantir une indemnisation harmonisée des chefs de préjudice, tous s’accordent sur l’application d’une nomenclature unique, distinguant les préjudices patrimoniaux des préjudices extrapatrimoniaux : la nomenclature Dintilhac.
L’objectif recherché derrière l’application d’une nomenclature unique des postes de préjudices est de réduire les inégalités qui pouvaient exister antérieurement par l’instauration d’une harmonisation des méthodes d’évaluation des préjudices.
Adoptée par tous les professionnels du dommage corporel (médecins, assureurs, magistrats), la nomenclature Dintilhac n’en est pas pour autant contraignante et n’est nullement inscrite dans la loi.
Il pourrait bientôt en être autrement …
En effet, dans le cadre de la réforme de la responsabilité civile, il est prévu d’inscrire dans la loi l’application d’une nomenclature, non exhaustive, fixée par décret en Conseil d’Etat.
L’article 1269 du projet de réforme de la responsabilité civile présenté le 13 mars 2017 prévoit :
« Les préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux résultant d’un dommage corporel sont déterminés, poste par poste, suivant une nomenclature non limitative des postes de préjudices fixée par décret en Conseil d’Etat ».
Si cette proposition est sans surprise, le législateur entend aller beaucoup plus loin dans la réforme de la réparation juridique du dommage corporel, en créant un système de barème s’imposant à tous.
Il est ainsi envisagé que l’évaluation du déficit fonctionnel permanent se ferait par application d’un barème médical unique (article 1270).
En outre, les préjudices extrapatrimoniaux pourront :
« être évalués selon un référentiel indicatif d’indemnisation […] réévalué tous les trois ans en fonction de l’évolution de la moyenne des indemnités accordées par les juridictions » (article 1271 alinéa 1).
Quant aux préjudices patrimoniaux, il a été envisagé que leur indemnisation aurait lieu en principe sous forme de rente, sauf accord des parties ou décision spécialement motivée.
Dans ce dernier cas, « la rente peut être convertie en capital selon une table déterminée par voie réglementaire fondée sur un taux d'intérêt prenant en compte l’inflation prévisible et actualisée tous les trois ans suivant les dernières évaluations statistiques de l'espérance de vie publiées par l'Institut national des statistiques et des études économiques ».
En tout état de cause, la rente versée à la victime « est indexée sur un indice fixé par voie réglementaire et lié à l’évolution du salaire minimum » (article 1272).
Le législateur a également prévu la création d’une base de données jurisprudentielles de toutes « les décisions définitives rendues par les cours d’appel en matière d’indemnisation du dommage corporel des victimes d’un accident de la circulation » (article 1271 alinéa 2).
Si cette réforme a pour objectif affiché d’harmoniser l’indemnisation des victimes, il apparaît qu’elle laisse peu de place à la spécificité de chaque victime, de chaque dossier, au risque de méconnaître, le principe fondamental en la matière de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.
Espérons que cette réforme qui s’inspire fortement du régime espagnol dit du « tout barème » laissera au juge son pouvoir souverain d’appréciation tout en garantissant aux victimes une meilleure égalité de traitement.
Seul l’avenir nous le dira.
Outre ces innovations en matière d’évaluation du préjudice, le projet de réforme de la responsabilité civile présenté le 13 mars 2017, entend également modifier un point crucial de la loi du 5 juillet 1985, tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, dite loi Badinter, le droit à indemnisation du conducteur victime.
Dans le cadre du droit positif actuel, le conducteur victime peut se voir opposer une faute ayant pour effet de limiter ou d’exclure son droit à indemnisation.
Demain, la situation du conducteur victime pourrait être toute autre.
En effet, l’article 1287 du projet de réforme de la responsabilité, prévoit qu’
« En cas de dommage corporel, la faute de la victime est sans incidence sur son droit à réparation. Toutefois, la faute inexcusable prive la victime de tout droit à réparation si elle a été la cause exclusive de l’accident. Lorsqu’elle n’est pas la cause exclusive de l’accident, la faute inexcusable commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter son droit à réparation ».
Autrement dit, les victimes conducteurs auraient un droit à indemnisation intégrale de leurs préjudices, sauf en cas de faute inexcusable, dont les contours devront être précisés par les juges du fond.
Les rédacteurs du projet ont justifié cette assimilation de la victime conducteur aux autres victimes d’un accident de la circulation en relevant à juste titre qu’ « une nouvelle étape paraît s'imposer aujourd'hui. En effet les conducteurs sont exposés aux risques de la circulation exactement comme les piétons, les cyclistes et les passagers. Une prise en charge de leur indemnisation par l'assurance obligatoire, dont la raison d'être est précisément la garantie de ces risques, semble donc logique et nécessaire. D'ailleurs, la jurisprudence est déjà parvenue, dans un certain nombre de cas, à ce résultat ».
Bien entendu, si les assureurs s’opposent farouchement à cette grande innovation de la réforme de la responsabilité civile, elle est saluée par l’ensemble des acteurs du dommages corporels.
Espérons que cette avancée juridique pour le conducteur victime naîtra bientôt au grand jour.
En cas d'accident de la circulation, quelle que soit l'argumentation avancée par votre assureur, contactez un avocat en dommages corporels.
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