Motifs sérieux de licenciement
Licenciement pour non-réalisation d'objectifs contractuels
Aucune clause du contrat de travail ne peut valablement décider qu'une circonstance quelconque constituera une cause de licenciement ; il appartient en effet au juge d'apprécier, dans le cadre des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, si les faits invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement peuvent caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Dès lors, s'agissant d'une salariée attachée technico-commerciale qui avait signé un avenant à son contrat de travail prévoyant que la non-réalisation d'un ou de plusieurs objectifs sur le chiffre d'affaires qui lui étaient assignés pourrait être considérée par la société comme un motif de rupture du contrat de travail, et qui avait effectivement été licenciée 6 ans plus tard pour ce motif, c'est à tort qu'une cour d'appel a validé un tel licenciement en se contentant de relever que les objectifs sur le chiffre d'affaires n'avaient pas été atteints par l'intéressée.
Il lui appartenait en effet d'apprécier, d'une part, si les objectifs, fussent-ils définis au contrat, étaient réalistes et, d'autre part, si la salariée était en faute de ne pas les avoir atteints.
Cet arrêt de principe condamne clairement toute clause résolutoire qui serait insérée dans un contrat de travail, par laquelle un employeur pourrait se préconstituer à l'avance un motif de licenciement dont le caractère réel et sérieux ne pourrait être remis en cause par le juge en cas de contentieux.
Ce type de clause, assez répandu chez les VRP, commerciaux et technico-commerciaux sous l'appellation de « clause d'objectifs », « clause de quotas » ou « clause de résultats », s'il garde encore tout son intérêt comme procédé de rémunération, devient en revanche inopérant comme instrument de rupture du contrat de travail.
Sur un plan juridique, la Cour de cassation affirme ainsi nettement sa volonté de « décontractualiser » les objectifs qui peuvent être assignés à un salarié, sur le fondement de l'article L. 122-14-3 du Code du travail : l'ordre public est en effet attaché à la notion de cause réelle et sérieuse de licenciement et à son appréciation par le juge en toutes hypothèses, et ce dernier ne peut donc être lié par les qualifications données à certains faits ou circonstances par un règlement intérieur, un accord collectif ou, comme en l'espèce, un contrat individuel de travail.
Rappelons à cet égard que la Cour de cassation avait déjà jugé, dans deux arrêts rendus en 1999, que :
l'insuffisance des résultats au regard des objectifs fixés au contrat ne constitue pas une cause de rupture privant le juge de son pouvoir d'appréciation de l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement
la seule insuffisance de résultats ne peut, en soi, constituer une cause de licenciement, le juge devant vérifier que les objectifs contractuellement définis étaient raisonnables et compatibles avec le marché
Licenciement pour insuffisance de résultats
L'insuffisance de résultats peut constituer un motif de licenciement si les mauvais résultats proviennent soit d'une insuffisance professionnelle, soit d'une faute imputable au salarié.
Un responsable d'agence avait été licencié pour « insuffisance professionnelle de résultats » au motif qu'il avait un score en baisse de 14 % sur l'année précédente avec une marge de 11,2 %, alors que la marge moyenne de la société était de 20 %.
Les juges du fond ont débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif, après avoir relevé que la faiblesse des résultats, même sans faute particulière du salarié dans l'exécution de ses obligations contractuelles, autorisait l'employeur à en tirer les conséquences et constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement.
La Cour de cassation casse l'arrêt d'appel, au motif que « l'insuffisance de résultats ne peut constituer en soi une cause de licenciement ».
A cet égard, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision en ne recherchant pas « si les mauvais résultats de l'agence procédaient, soit d'une insuffisance professionnelle, soit d'une faute imputable au salarié ».
Le licenciement d'un salarié pour insuffisance de résultats ne peut donc résulter que du comportement personnel de l'intéressé (motif inhérent à sa personne) révélant soit une insuffisance professionnelle de sa part, soit une faute qui lui est imputable ; dans ce dernier cas, le licenciement sera de nature disciplinaire et nécessitera le respect de délais de procédure spécifiques (C. trav., art. L. 122-41 et L. 122-44).
Perte de confiance
La perte de confiance ne constitue pas, en tant que telle, une cause de licenciement, même quand elle repose sur des éléments objectifs.
En vertu d'une jurisprudence désormais bien établie, le seul grief de perte de confiance mentionné dans une lettre de licenciement ne constitue pas, en l'absence d'énonciation d'éléments objectifs, l'énoncé d'un motif matériellement vérifiable, exigé par la loi
La Cour de cassation vient de préciser à cet égard que « la perte de confiance de l'employeur ne peut jamais constituer en tant que telle une cause de licenciement, même quand elle repose sur des éléments objectifs. Seuls ces éléments objectifs peuvent, le cas échéant, constituer une cause de licenciement, mais non la perte de confiance qui a pu en résulter pour l'employeur ».
Par conséquent, dès lors que les anomalies de gestion reprochées au salarié n'avaient pas un caractère suffisamment sérieux pour constituer une cause de licenciement, la cour d'appel, qui n'avait pas à rechercher si ces anomalies avaient pu altérer la confiance de l'employeur, pouvait décider que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Pour constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, la mésentente entre salariés doit reposer sur des éléments objectifs et être imputable au salarié licencié.
La mésentente entre un salarié et tout ou partie du personnel ne peut constituer une cause de licenciement « que si elle repose objectivement sur des faits imputables au salarié concerné ».
En l'espèce, en présence d'une mésentente pourtant bien réelle entre un cadre d'exploitation et son équipe, le licenciement devait être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel n'ayant relevé aucun fait dans le comportement du salarié propre à justifier l'animosité du personnel à son égard.
Selon l'article L. 122-14-2 du Code du travail, l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs de licenciement dans la lettre de licenciement notifiée au salarié ; à défaut, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Il en résulte selon la jurisprudence que la lettre de licenciement doit comporter l'énoncé de faits objectifs, matériellement vérifiables, pour être suffisamment motivée
La Cour de cassation vient de juger à cet égard que la lettre de licenciement qui invoque une simple « incompatibilité d'humeur », sans qu'aucun fait matériellement vérifiable ne soit énoncé, rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
A titre d'exemple, l'incompatibilité d'humeur pourrait induire un motif réel et sérieux de licenciement, si elle est étayée par de graves fautes de gestion et révèle une opposition totale des conceptions économiques et financières d'un cadre à celles de son employeur, préjudiciable au bon fonctionnement de l'entreprise .
Maladie
Licenciement pour absences répétées dues à la maladie
Si l'article L. 122-45 du Code du travail fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, ce texte ne s'oppose pas au licenciement motivé, non pas par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise qui se trouve dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif d'un salarié dont l'absence prolongée ou les absences répétées perturbent son fonctionnement.
En l'espèce, une salariée en arrêt de travail pour maladie à de nombreuses reprises avait été licenciée au motif que ses absences répétées entravaient la bonne marche de l'entreprise.
Contestant le bien fondé de son licenciement, la salariée a demandé des dommages-intérêts.
La Cour d'appel rejette cette demande et reconnaît le bien-fondé du licenciement après avoir relevé qu' « eu égard à l'effectif de 7 personnes employées dans l'entreprise, des absences fréquentes et subites de l'une d'elles causaient une perturbation certaine que seul pouvait pallier un travail supplémentaire des autres employés ou l'embauche d'une travailleuse intérimaire ».
La Cour de cassation casse l'arrêt en reprochant à la cour d'appel de ne pas avoir constaté que les absences répétées de la salariée avaient rendu nécessaire son remplacement définitif.
Licenciement pour maladie prolongée
La Cour de cassation précise l'incidence des clauses conventionnelles sur la possibilité de licencier un salarié en longue maladie.
La clause d'une convention collective selon laquelle « la prolongation de l'arrêt de travail au delà d'une année peut permettre à l'employeur de constater, à tout moment, que le contrat de travail a pris fin pour cause de force majeure » institue, au profit du salarié malade, une garantie de maintien de l'emploi pendant une période d'un an.
En présence d'une telle clause, le licenciement du salarié en longue maladie n'est possible que si deux conditions sont réunies :
le délai de la garantie d'emploi d'un an est expiré ;
l'employeur apporte la preuve que l'absence prolongée du salarié entraîne une gêne pour l'entreprise nécessitant son remplacement définitif.
En cas de licenciement pour absence prolongée perturbant le fonctionnement du service, la lettre de licenciement doit mentionner la nécessité du remplacement définitif du salarié.
Si l'article L. 122-45 du Code du travail fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, ce texte ne s'oppose pas au licenciement motivé, non pas par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise qui se trouve dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif d'un salarié dont l'absence prolongée ou les absences répétées perturbent son fonctionnement.
En outre, la nécessité de remplacer définitivement le salarié doit être mentionnée dans la lettre de licenciement. A défaut, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
LA FAUTE GRAVE
Une faute grave ne peut être retenue lorsque le salarié a été dispensé de son préavis par l'employeur
Selon une jurisprudence constante, une faute grave ou lourde ne peut être retenue à l'encontre d'un salarié que si l'employeur a prononcé une rupture immédiate du contrat de travail.
En effet, la faute reprochée au salarié doit être d'une importance telle, qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.
Il en résulte, selon la Cour de cassation, que la faute grave ne peut être prononcée lorsque l'employeur reconnaît expressément au salarié son droit à préavis, même s'il a été dispensé de l'exécuter.
Seul l'employeur invoquant une faute grave est tenu d'en rapporter la preuve en cas de contentieux, le salarié n'ayant pour sa part rien à démontrer.
L'employeur doit prouver la faute grave invoquée à l'encontre d'un salarié, c'est-à-dire prouver que cette faute est telle qu'elle impose le départ immédiat de l'intéressé.
Si un doute subsiste, il profite au salarié.