C'est le ministre des finances, Hadji Baba Ammi , lui même qui est monté au créneau le 18 décembre 2016 pour mettre en garde les compagnies d 'assurance ou certaines d 'entre elles, contre certaines pratiques périlleuses pour leur solvabilité notamment celles qui conduisent à minorer le montant des engagements envers les assurés . Des mesures correctives sont à attendues en 2017, ce qui revient à mettre ce dossier sous l œil vigilant du régulateur sectoriel, en l’occurrence la commission de supervision des assurances (CSA). Un audit externe est déjà commandé pour l expertise du poste " provisions technique" depuis peu , pour être achevé le 31/05/2017. Mais pour autant le marché sortira-t-il des incertitudes qui pèsent sur lui ? Il est pour le moins curieux que les assureurs ,via leur association (UAR) , restent aphones sur une question si délicate.
La solvabilité des compagnies d’assurance est d’enjeu crucial pour la sécurisation des acteurs et des systèmes. A la différence du secteur bancaire, celui de l’assurance génère du passif sous la formes de dettes et de provisions techniques plutôt que de l’actif en raison du décalage plus ou moins important entre la survenance du sinistre générateur du paiement de l'indemnité et le règlement effectif de cette indemnité. La gestion de ce passif est au cœur du dispositif prudentiel et réglementaire qui encadre l’activité de l assurance en Algérie, comme ailleurs.
Le dispositif prudentiel et réglementaire est bâti essentiellement sur les trois piliers suivants :
1- Les provisions pour sinistres à payer suffisantes (idée de prudence) qui sont destinées à mettre de côté la valeur estimative des sinistres survenus et non payés .Elles doivent être constituées par référence à l'application séquentielle des méthodes appelées " le dossier par dossier" , "le coût moyen" ,"la cadence de règlement" et enfin la méthode "forfaitaire ou de blocage" , en privilégiant, au final, la méthode qui dégage la réserve la plus élevée. Les méthodes prévues par la réglementation constituent un outil de surveillance et de contrôle de la qualité du provisionnement.
2- L exigence de la représentation des provisions par de éléments d actifs sûrs, diversifiés, liquides et rentables, dont la composition est réglementairement fixée: valeurs d'Etat, autres valeurs mobilières et titres assimilés, actifs immobiliers, et autres placements. Les valeurs d Etat doivent au moins constituer 50% de l’ensemble. La vocation de ces éléments d’actifs est de garantir aux assurés, bénéficiaires de contrats et victimes, le règlement à leur profit des indemnités ou autres dues au titre des sinistres en suspens à la date d'inventaire.
3- Les sociétés d’assurance dommages et/ou de réassurance, sont aussi tenues de justifier à tout moment de l 'année d' une autre exigence : la marge de solvabilité (M. S) au moins égale à 15% des provisions techniques ou un minimum de 20% des primes émises et/ou acceptées, nettes de taxes et d’annulations , dispositions prévue par le décret exécutif n° 13-115 du 28/03/2013 relatif à la MS des sociétés d’assurance et/ou de réassurance. La MS est la fraction des fonds propres nécessaires à la prise en charge de l'activité courante d’un assureur , en particulier celle de régler des sinistres dans les délais conventionnels requis . La MS présente une garantie supplémentaire qui s'ajoute donc aux actifs détenus en contrepartie des provisions techniques.
L'inquiétude des Autorités publiques quant aux pratiques qui minent la solvabilité des compagnies d'assurance, signifie que le ver pourrait être dans le fruit . D' où l 'audit commandé sur le périmètre provisions techniques et plus spécialement les provisions pour sinistres à payer . C 'est que le contexte général suscite des questionnements quant à la compliance et la gouvernance des entreprises d'assurance , la pertinence et la fiabilité des informations techniques et financières communiquées à qui de droit ou publiées .
La croissance est atone, les tarifs appliqués s’affaissent alors que la sinistralité est galopante et son coût moyen explose. Les autres charges non techniques ne sont pas en reste. Certaines compagnies par la voix de leurs dirigeants, déclarent même ne plus être dans la capacité d'honorer leurs engagements envers les assurés en accusant certaines pratiques de marché pour se disculper , mais en vain, car nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes . Or Hiatus, les résultats opérationnels affichés respirent la bonne santé!
De telles contradictions et de telles déclarations interpellent directement sur l'état des provisions techniques par rapport à leur suffisance et leur effectivité dans l’optique de jauger la capacité requise des assureurs à prendre en charge les milliers ou millions de dossiers sinistres en suspens depuis des années et qui plombent la relation assureurs/assurés.
Il est très probable que les provisions soient en deçà de ce qu’elles doivent être ; et cette réalité existe chez tout un chacun. Car on est sur un terrain ou il s 'agit de cerner le coût estimatif à venir des sinistres à charge , auquel s' ajoute des aléas liés aux sinistres tardifs , les sinistres classés sans suite et repris pour diverses raisons... Les provisions donc peuvent être affectées qualitativement et quantitativement par cet état de fait qui peut être néanmoins débouclé à posteriori si la compagnie retraite techniquement et comptablement les malis de liquidation. Mais en tout état de cause, l’écart doit rester contenu dans des limites assez raisonnables.
Par contre, l’existence de gap significatif et récurrent par rapport à la réalité des choses (qui mettraient en périls les droits des assurés et victimes et qui doperait artificiellement les indicateurs clé de la performance de la compagnie) équivaut à des désordres sérieux qui requièrent des ajustements à tous les niveaux.
L’audit externe commandé s’attachera à fournir les données nécessaires au contrôle prudentiel qui décidera des correctifs quantitatifs et qualitatifs à faire prendre. Cet audit s 'apparente à un espèce de "stress test" des assureurs algériens limité au poste "Provisions techniques. Toutefois la tache n’est pas facile à mener : temps imparti court au vu de la matière à traiter et du nombre de compagnies à auditer d’une part, absence de note méthodologique qui détermine , à minima ,le périmètre et les des données concernées , le type de modèle à utiliser, les principes d’évaluation... d autre part . S'y ajoute la difficulté de trouver des cabinets d audit nationaux disposant des compétences nécessaires et de l'expérience avérée en la matière.
Mais, quoi qu 'on dise , cet audit impliquera pour les compagnies , d' une manière différenciée , une appréciation probables du poste provisions techniques et symétriquement des couvertures supplémentaires par des éléments d 'actifs. Cela aura la vertu de contribuer à la résilience du marché algérien de l'assurance .
Demeurent les pratiques tarifaires actuelles qui sont chaotiques et porteuses de périls imminents et d’incertitudes lourdes. Malgré un contexte difficile, primes pures et frais d'acquisition et d'administration se retrouvent souvent à découvert, sacrifiés à l'article d’une concurrence débridée. Il serait intéressant que les les autorités publiques réfléchissent à l'opportunité de lancer un second audit qui portera sur l’impact, à moyen et long terme, de l’application des tarifs bas, en auto comme pour les autres risques, sur l’équilibre technique et la solvabilité globale des sociétés d’assurance . La fin du désordre est toujours préférable à un désordre sans fin