Retenue douanière, encore moins que la garde à vue....

Publié le Modifié le 12/07/2010 Vu 11 386 fois 10
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La rétenue douanière est une mesure de contrainte comparable à la garde à vue, par laquelle, les douaniers, lors de l'interpellation d'une personne peuvent la retenir contre son gré dans leurs locaux

La rétenue douanière est une mesure de contrainte comparable à la garde à vue, par laquelle, les douaniers

Retenue douanière, encore moins que la garde à vue....

La garde à vue fait l’objet de toutes les attentions, au regard de l’article 6 de la Convention  Européenne des droits de l’homme, défaut d’égalité des armes, violation du principe du procès équitable, question prioritaire de constitutionnalité, cependant, sa cousine, beaucoup moins connue, la rétention douanière, contient encore moins de garanties.

Elle n’est pas reconnue par les textes et la jurisprudence, et pourtant, sa durée s’impute sur une garde à vue qui pourrait suivre, délicieuse contradiction….

Cette mesure permet de maintenir à la disposition des douaniers qui interpelleraient une personne se rendant coupable d’un délit douanier ou autre (défaut de déclaration d’une somme supérieure à 10.000,00 €,  trafic de stupéfiant ou encore aide au séjour irrégulier, etc…)

Le régime de cette retenue est tout entier enfermé dans l’article 323 du code des douanes :

1. Les infractions aux lois et règlements douaniers peuvent être constatées par un agent des douanes ou de toute autre administration.

2. Ceux qui constatent une infraction douanière ont le droit de saisir tous objets passibles de confiscation, de retenir les expéditions et tous autres documents relatifs aux objets saisis et de procéder à la retenue préventive des objets affectés à la sûreté des pénalités.

3. Ils ne peuvent procéder à la capture des prévenus qu'en cas de flagrant délit.

Le procureur de la République en est immédiatement informé.

La durée de la retenue ne peut excéder vingt-quatre heures sauf prolongation d'une même durée autorisée par le procureur de la République.

Pendant la retenue, le procureur de la République peut se transporter sur les lieux pour vérifier les modalités de la retenue et se faire communiquer les procès-verbaux et registres prévus à cet effet. S'il l'estime nécessaire, il peut désigner un médecin.

Les agents mentionnent, par procès-verbal de constat, la durée des interrogatoires et des repos qui ont séparé ces interrogatoires, le jour et l'heure du début et de la fin de la retenue.

Ces mentions figurent également sur un registre spécial tenu dans les locaux de douane.

Lorsque les personnes retenues sont placées en garde à vue au terme de la retenue, la durée de celle-ci s'impute sur la durée de la garde à vue.

Quid des autres droits ?

Où est l’Avocat ? L’Avis à famille ? Le médecin ?  

Rien de tout ça, sachant qu’une retenue douanière peut durer 24 heures, la personne n’a plus qu’à prier pour être transféré à un service de police afin de bénéficier des mêmes garanties qu’un autre gardé à vue.

S’agissant de l’interprète, la jurisprudence est beaucoup moins exigeante que pour la garde à vue, ce, alors que ces infractions, se commettant en zone frontalière, sont plus souvent que les autres,   le fait d’étrangers

Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre d'accusation a, sans méconnaître les dispositions de l'article 5.2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, justifié sa décision ;

Qu'en effet, l'assistance d'un interprète au stade de l'enquête douanière précédant une procédure d'instruction ou de jugement n'est pas prescrite à peine de nullité ; qu'il suffit, à cette occasion, que la personne interrogée l'ait été dans une langue qu'elle comprend ;

Chambre Criminelle ,  13 juin 1996, N° de pourvoi: 96-80189 Bulletin criminel 1996 N° 252 p. 759

Notre Cabinet a donc soulevé la question de compatibilité de cette mesure avec les arrêts récemment rendus par la CEDH, et nous attendons donc le délibéré pour le 2 juillet 2010.

L'argumentation sur la non conformité à la CEDH du régime de la retenue douanière n'a pas été retenue.

En revanche, le Tribunal a suivi sur un point, la retenue a été annulée sur le fondement de l'article 323 du Code des douanes, au motif que les douaniers avaient omis d'indiquer la fin de cette retenue douanière.

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1 Publié par Visiteur
23/06/2010 10:26

La retenue est identique dans de nombreux pays: il s'agit au départ d'éviter les conflits de compétences en zone sous "douanes". Il n'y a pas d'arbitraire: le procureur est là pour garantir les libertés publiques.

2 Publié par Cabinet SAYAGH
24/06/2010 15:05

Votre réponse a retenu toute mon attention, et si sur le papier, le Procureur est garant des libertés publiques, en sa qualité de magistrat, je vous rappelle que la CEDH, dans un arrêt récent à dénié au Procureur le statut de magistrat. Il s'agit de l'arrêt MEDVEDYEV.

Voilà pour le volet théorique.

Concernant le volet pratique, je ne confierai pas mes libertés à un Procureur de la République eu égard aux contraintes qu'ils rencontrent (politique pénale du Gouvernement à appliquer, direction de l'enquête), et celà me parait un paradoxe que de confier à ce qui est somme toute, une autorité de poursuite, l'intégralité des libertés publiques.

Enfin, s'agissant du droit des autres pays, de quels pays parle t on? quel système juridique?

Enfin, je ne vois pas en quoi, l'assistance d'un Avocat, l'avis à famille ou encore le droit de voir un médecin poserait des problèmes en terme de compétence, s'agissant des zones "sous douane", au demeurant fort larges.

Si les personnes sont arrêtées par les autorités françaises ce sera le droit français qui s'appliquera, si il s'agit des autorités espagnoles qui l'interpellent, ce sera le droit espagnol.
Enfin, la retenue douanière est une mesure de garde à vue qui ne dit pas son nom, mise à disposition contrainte du prévenu des autorités de justice et j'en veux pour preuve que le temps de retenue se déduit du temps de garde à vue auquel est soumis le gardé à vue

3 Publié par Visiteur
07/10/2010 03:09

La retenue douanière est prononcé qu'en cas de délit flagrant (pas sur des soupçons) et uniquement sur des délits (414 et 415 du code des douanes), cela peut justifier la différence.

Le médecin, bien que pas prévu explicitement dans le 323 est disponible, à la demande du mis en cause ou du service (et oui pourquoi ne pas le rajouter sur l'article 323)

De toutes façons, vu le résultat du conseil constitutionnel, la retenue va être modifié et donc suivre le même cheminement que la GAV.

4 Publié par Visiteur
18/01/2011 10:09

En effet, la décision de placer un individu en retenue ne s'effectue pas sur un coup de tête de l'agent assermenté mais sur la pure et simple constatation d'un délit douanier caractérisé, à la grande différence de la garde à vue qui peut être utilisé comme un outil d'investigation pour l'OPJ.
Le fait que la durée de la retenue s'impacte sur la durée de GAV devrait être rassurant pour les défenseurs des libertés publiques car il faut admettre qu'il est question de privation de liberté, ce qui n'est pas un acte commun.
Outre l'absence d'avocat et de contact extérieur de l'infracteur, par principe de précaution, un médecin est systématiquement proposé à la personne retenue et en fonction de la durée, un repas est fourni, parfois même sur les propres deniers des agents (faute de budget prévu à cet effet).
Afin de rendre plus constitutionnelle cette mesure, il est question de prêter aux agents des douanes des prérogatives d'OPJ afin d'aligner la retenue sur la GAV, pourquoi pas?
En ce qui concerne les langues employées, hormis le fait qu'une grande majorité des personnes placées en retenue soient de nationalité française, des interprètes désignés par le parquet sont systématiquement requis en cas de besoin, ne serait-ce que pour la commodité de la procédure...
Enfin, et ce pour la bonne information du public, l'action des services douaniers ne se cantonne pas, et ce depuis longtemps, à l'image d'Epinal du garde frontière. Les prérogatives des agents s’étendent sur l'ensemble du territoire, terrestre et maritime et concernent toutes marchandises en mouvement.
Merci donc de ne pas semer le doute dans l'esprit du citoyen, la retenue douanière n'est en aucun cas liberticide et outrancière, ce n'est qu'un outil légal au service de la protection des personnes et des biens, encadré et surveillé par nos institutions.
Cordialement.
Dago.

5 Publié par Cabinet SAYAGH
18/01/2011 13:16

L'idée n'est pas de tenir un discours anti filc ou anti douanier, mais simplement d'exposer un cas, celà étant je me réjouis de voir des personnes qui ne partagent pas mon point de vue.

en revanche, j'ai adoré le message de Dago, concernant l'absence d'Avocat, par principe de précaution (celle là, on me l'avait pas encore faite),l'Avocat est un danger?

Précaution de quoi?

J'ai de plus en plus l'impression que ce principe de précaution permet toutes les dérives,et cette phrase traduit bien la vision que d'aucune peuvent avoir de la profession.

L'Avocat est tenu au secret professionnel et au secret de l'instruction, il n'est donc plus extérieur à la procédure à partir du moment où le gardé à vue sollicite sa présence.

A l'heure où on débat de l'intervention de l'Avocat lors de la garde à vue, il serait temps d'abandonner cette vision d'empécheur, de géneur, que certains entretiennent de l'Avocat.

A moins que l'on prétende que la défense est un danger, à ce moment là, il faudra par la suite se méfier des Juges qui seraient capable de prononcer une relaxe, voir étroitement surveiller les membres de la Chambre d'instruction qui pourraient annuler une procédure!

C'est toute la question de la place de l'Avocat que les pouvoirs publics veulent bien lui reconnaître qui est posé dans cette phrase.

Géneur complice de son client dont on se méfie (ca se fait dans les dictatures), à ce moment là tous les coups sont permis d'un coté comme de l'autre, et il faudra abolit le délit de violation du secret professionnel et de l'instruction auquel l'Avocat est également tenu.

Ou bien, une posture plus responsable, celle qui est en vigueur, nous voir comme des auxiliaires de justice, donc comme faisant partie du décor, nous ouvrir les audition, et d'un autre côté, en échange de cette confiance qui nous est accordée, nous interdire de divulguer quelque information sur les dossiers dont nous avons connaissance.

confiance dont nous devons être dignes, alors c'est donc en application de ce sacro saint principe de précaution quelque part que les droits de la défense existent, et je souhaite que ces droits soient préservés, y compris pour Dago, si ce dernier était un jour en difficulté, ce que je ne souhaite pas

6 Publié par Visiteur
18/01/2011 21:19

Pardon Maître,

Je me suis surement mal exprimé mais le principe de précaution dont je parlais précédemment concerne la proposition systématique d'un examen médical aux infracteurs placés en retenue et ne visais nullement la profession d'avocat.

Après relecture, en effet, ma phrase peu prêter à confusion.

Félicitations pour cette belle envolée, c'est bien à votre honneur de défendre votre respectable fonction dans notre société, permettez moi d'en faire autant.

Pour finir, j'ai déjà eu à bénéficier de l'assistance d'un avocat et j'ai pu constater à quel point son secours était précieux.

Permettez moi cependant d'avoir un regard sur mes "clients" quelque peu différent du votre, à chacun son rôle.

cordialement.

Dago.

7 Publié par Bertog
18/01/2011 21:49

Même si je ne nie pas la nécessité de la profession d'avocat, je constate tout de même qu'une simple virgule mal placée peut entrainer la mauvaise compréhension d'un texte et de ce fait permettre à un bon avocat (sans aucun doute) de trouver la faille, le vice de cette procédure, juste une simple virgule ..... qui pourrait permettre d'anéantir toute une procédure et peut être des mois de travail d'enquêteurs consciencieux et soucieux du respect du droit et de la dignité humaine !!!!!

8 Publié par Cabinet SAYAGH
20/01/2011 12:56

Les commentaires de l'autre rive sont bien évidemment les bien venus, c'est une source d'enrichissement pour tout le monde, car comme le dit l'adage populaire, le bon avocat est celui qui connait son juge.

Pas celui qui déjeune ou va au golf avec son juge le week end mais celui qui connait ou comprend la manière de voir les choses de ce juge, les contraintes auxquelles il est confronté dans l'élaboration de sa décision, ainsi, l'Avocat averti de ces éléments n'en sera que mieux entendu tant dans sa plaidoirie que dans ses démarches.

celà vaut par ailleurs pour tous les interlocuteurs
Dans la pratique ce n'est pas toujours facile, la limite entre empathie et naiveté et compromission demeurant toujours trés mince, et encore plus aux yeux du prévenu.

L'avocat, outre un défenseur et un Conseiller est souvent le passeur entre deux mondes qui s'ignore.

9 Publié par Cabinet SAYAGH
20/01/2011 12:58

Je serais toujours content de voir des Dago et Bertog intervenir en sens inverse afin que les lecteurs ne s'ennuient pas.

10 Publié par Visiteur
26/01/2011 07:36

A votre service Maître,

Belle image que celle du passeur, voguant entre deux rives et peut être naviguant sur les flots de la vérité et de la liberté.

Le passeur, menant son client vers des berges salutaires, moins obscures et probablement accueillantes.

Nous ne sommes pas opposés, surement complémentaires, notre formation est globalement basée sur les mêmes textes de loi.

Le droit écrit nous guide dans nos actions quotidiennes, ni plus, ni moins.

Le gout de la chose bien faite n'est pas l'apanage de telle où telle profession mais, pour ce faire, certains passent par des bacs pour joindre les rives et d'autres nagent en eaux troubles, c'est un choix...

j'invente donc ici un adage, "il est bon de se mouiller pour rester propre"

Cordialement.

Dago

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