L’essor des réseaux sociaux et l’apparition des plateformes numériques ont modifié en profondeur les pratiques commerciales, notamment avec l’émergence d’une nouvelle catégorie professionnelle : les influenceurs. Ces individus, souvent des créateurs de contenu, jouent un rôle clé dans la promotion de produits et services auprès de leur communauté en ligne. Cependant, cette profession, bien qu’en pleine expansion, soulève de nombreuses questions juridiques. En effet, les influenceurs sont confrontés à des enjeux relatifs à la responsabilité, à la publicité, à la protection des données personnelles et à la réglementation fiscale. Cet article se propose d’explorer les différentes facettes du droit des influenceurs en analysant les enjeux juridiques majeurs auxquels ils sont confrontés.
1. Le cadre juridique de la publicité en ligne
L’une des principales activités des influenceurs réside dans la promotion de produits ou de services via leurs comptes sur des plateformes comme Instagram, YouTube, ou TikTok. Cette forme de publicité en ligne est soumise à des règles strictes, notamment en matière de transparence et d’honnêteté envers les consommateurs.
1.1. La réglementation de la publicité déguisée
Les influenceurs sont souvent sollicités par des marques pour promouvoir des produits contre rémunération ou en nature. Selon le Code de la consommation en France, toute forme de publicité doit être clairement identifiable par le consommateur. Cela implique que l'influenceur doit indiquer de manière explicite et visible qu'il s'agit d'une collaboration commerciale. Par exemple, l'utilisation de hashtags tels que #ad ou #sponsorisé est désormais une obligation légale pour signaler une publicité.
Le non-respect de cette obligation peut entraîner des sanctions administratives ou pénales, comme le rappelle l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) ou la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), qui veillent au respect des règles de transparence.
1.2. Le respect des règles de la publicité comparative et trompeuse
Les influenceurs doivent également éviter de promouvoir des produits en ayant recours à des pratiques trompeuses ou mensongères. En vertu de l’article L121-1 du Code de la consommation, la publicité ne doit pas induire le consommateur en erreur. Par exemple, un influenceur ne peut pas faire la promotion d’un produit en exagérant ses effets, comme prétendre qu’un produit de beauté a des résultats médicaux sans preuves scientifiques.
2. Le droit à l'image et la protection des données personnelles
Les influenceurs partagent régulièrement des photos et des vidéos d’eux-mêmes, mais aussi de personnes et d’objets qu’ils sont amenés à promouvoir. Cela soulève des questions concernant le droit à l’image et la protection des données personnelles.
2.1. Le droit à l’image
Le droit à l’image protège l’individu contre l’utilisation non autorisée de sa propre image. Ainsi, un influenceur doit s’assurer qu’il dispose du consentement des personnes qu’il photographie ou filme avant de publier ces images. En particulier, lorsqu’il s’agit de collaborations avec des marques, l'influenceur doit respecter les droits des personnes présentes dans les images et vidéos publiées. L’utilisation de l’image d’une personne sans son consentement peut entraîner des poursuites en responsabilité civile.
2.2. La protection des données personnelles
Les influenceurs collectent souvent des données personnelles de leurs abonnés, notamment via des concours ou des interactions sur les réseaux sociaux. Cette collecte doit respecter les principes du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD). L’influenceur doit obtenir le consentement explicite des abonnés pour collecter et utiliser leurs données et informer ces derniers de l’objectif de cette collecte. Le non-respect des obligations liées à la protection des données personnelles peut entraîner des amendes importantes et des poursuites judiciaires.
3. La fiscalité et la rémunération des influenceurs
Les influenceurs perçoivent des rémunérations sous forme de salaires, de commissions ou de contreparties en nature pour la promotion de produits et services. En raison de la nature souvent informelle de ces transactions, certains influenceurs peuvent être tentés de ne pas déclarer correctement leurs revenus, ce qui peut avoir des conséquences fiscales et sociales.
3.1. L’imposition des revenus des influenceurs
Les revenus générés par les influenceurs doivent être déclarés au fisc, que ce soit sous forme de revenus non commerciaux (BNC) ou sous forme de revenus commerciaux (BIC), selon le statut juridique de l’influenceur (auto-entrepreneur, société, etc.). Les sommes perçues par l’influenceur à titre de rémunération pour des partenariats doivent être intégrées dans la déclaration de revenus annuelle.
Le fisc met en garde contre les pratiques de dissimulation de revenus. L’Administration fiscale peut procéder à des redressements si elle constate des irrégularités, ce qui peut entraîner des sanctions financières.
3.2. Les charges sociales et la sécurité sociale
Les influenceurs doivent également veiller à leur statut social. En France, les revenus tirés de l’influence peuvent être soumis à des charges sociales, qu’ils soient salariés ou indépendants. Si l’influenceur est auto-entrepreneur, il doit s’acquitter de cotisations sociales auprès de l’Urssaf. Les influenceurs doivent donc être conscients des obligations fiscales et sociales liées à leur statut afin d’éviter des litiges avec l’administration.
4. La responsabilité juridique des influenceurs
L'influenceur, en tant qu’acteur de la communication et de la publicité, peut être tenu responsable de ses actes et de son comportement sur les réseaux sociaux. Il peut, par exemple, être poursuivi pour diffamation, dénigrement de produits ou atteinte à la vie privée d’autrui.
4.1. La diffamation et l'injure
Les influenceurs peuvent être poursuivis pour diffamation ou injure en cas de propos jugés préjudiciables à l’égard de marques, de personnes, ou d’entités. Par exemple, si un influenceur diffuse des informations fausses ou mensongères concernant un produit, une entreprise ou une personne, il peut être poursuivi sur la base de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
4.2. La responsabilité en matière de contenus illicites
Les influenceurs ont également une responsabilité en matière de contenus partagés. En cas de publication de contenus illégaux, tels que des propos haineux, incitant à la violence ou à la discrimination, l’influenceur peut voir sa responsabilité engagée. Les plateformes sur lesquelles ils publient peuvent également être mises en cause pour ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour retirer ces contenus.
5. L’évolution du droit des influenceurs et les perspectives d’avenir
Le droit des influenceurs est encore un domaine en constante évolution. De nouvelles règles, notamment en matière de transparence, de protection des données et de lutte contre les fake news, pourraient voir le jour afin d'encadrer davantage cette activité. Par ailleurs, les influenceurs devront également s’adapter aux évolutions technologiques, comme l’essor de l’intelligence artificielle et des nouvelles plateformes sociales.