Les Abus de Marché, enjeux et perspectives juridiques
Les abus de marché constituent des infractions graves au bon fonctionnement des marchés financiers et sont régulés par des cadres juridiques stricts à l'échelle nationale et européenne. Cet article analyse les contours juridiques des abus de marché, en mettant en lumière leurs définitions, les mécanismes de régulation et les sanctions applicables.
1. Définition des Abus de Marché
Les abus de marché regroupent principalement deux infractions :
- Le délit d'initié : Une situation où une personne utilise une information privilégiée pour réaliser des opérations sur des instruments financiers.
- La manipulation de marché : La diffusion de fausses informations ou la réalisation d'opérations visant à donner une image trompeuse de l'offre, de la demande ou du prix d'un instrument financier.
Ces infractions sont définies par le Règlement (UE) n° 596/2014 sur les abus de marché (MAR), qui constitue le socle législatif de l'Union européenne en matière de prévention des abus de marché.
2. Les Informations Privilégiées : Un Élément Central
L'article 7 du règlement MAR définit une information privilégiée comme une information :
- Précise ;
- Non publique ;
- Ayant une incidence significative sur le cours d’un instrument financier.
Par exemple, une information relative à une fusion imminente ou à des résultats financiers exceptionnels constitue une information privilégiée.
Jurisprudence clé :
L'arrêt Hopt et Schlitt (CJCE, 1989) précise que l'information doit être suffisamment spécifique pour permettre d’anticiper un effet sur le cours.
3. Les Mécanismes de Régulation et de Surveillance
Les autorités compétentes, telles que l'Autorité des marchés financiers (AMF) en France, sont chargées de surveiller les marchés et de détecter les comportements suspects. Parmi les outils utilisés figurent :
- Les systèmes de surveillance algorithmique, qui analysent les transactions en temps réel ;
- Les déclarations obligatoires d’opérations par les initiés (Directive 2014/57/UE, dite MAD II).
La directive MAD II établit également des lignes directrices pour la coopération transfrontalière entre les régulateurs européens.
4. Les Sanctions Applicables
Les abus de marché sont sanctionnés tant sur le plan pénal que sur le plan administratif. En France, les sanctions sont régies par les articles L. 465-1 et suivants du Code monétaire et financier :
- Sanctions pénales : Jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 100 millions d'euros d'amende, ou jusqu’au décuple du profit réalisé.
- Sanctions administratives : Amendes infligées par l'AMF, pouvant atteindre 15 millions d'euros ou 15 % du chiffre d'affaires annuel.
5. Prévention et Responsabilité des Entreprises
Les entreprises cotées doivent mettre en place des dispositifs internes pour prévenir les abus de marché, notamment :
- Des politiques de gestion des informations sensibles ;
- Des listes d’initiés ;
- Des formations pour les employés sur les obligations réglementaires.
En cas de défaillance, les entreprises peuvent être tenues responsables, comme le souligne l'affaire Natixis (AMF, 2020), où une société a été sanctionnée pour absence de contrôles adéquats.
6. Les Défis de la Régulation à l’Ère Numérique
Avec l'essor des plateformes de trading algorithmique et des cryptomonnaies, les régulateurs font face à de nouveaux défis, notamment :
- La manipulation de marché via des bots ou des ordres flash ;
- L'absence de cadre réglementaire clair pour certains actifs numériques.
La Commission européenne a proposé en 2020 le Règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets), qui vise à combler ces lacunes.