La fiscalité internationale désigne l’ensemble des règles fiscales qui s’appliquent aux relations économiques et juridiques transnationales, notamment en matière d’imposition des revenus, des bénéfices, du patrimoine et des échanges internationaux. Dans un contexte mondialisé, où les entreprises et les particuliers sont de plus en plus amenés à réaliser des transactions au-delà des frontières nationales, la fiscalité internationale est devenue un domaine crucial pour garantir une imposition juste, éviter les doubles impositions et lutter contre l’évasion fiscale.
Cet article propose une analyse détaillée des principaux mécanismes et principes qui régissent la fiscalité internationale, en abordant les sources de droit, les conventions fiscales bilatérales, les instruments de lutte contre l'évasion fiscale, ainsi que les enjeux juridiques qui émergent dans le cadre des interactions fiscales entre différents États.
I. Le Cadre Juridique de la Fiscalité Internationale
A. Les Sources du Droit Fiscal International
Le droit fiscal international repose sur une combinaison de sources légales qui régissent les pratiques fiscales des États dans un contexte transnational. Ces sources comprennent principalement :
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Les conventions fiscales bilatérales et multilatérales : Les conventions fiscales internationales sont des accords entre États visant à éviter la double imposition et à lutter contre la fraude fiscale. Ces conventions sont la principale source du droit fiscal international. Elles déterminent quel pays a le droit d'imposer certains types de revenus, selon les principes de résidence et de source. Parmi les conventions les plus importantes, on trouve les conventions modèles de l’OCDE et de l'ONU, qui servent de cadre pour la négociation de ces accords.
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Les normes et recommandations de l'OCDE : L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) joue un rôle central dans la régulation de la fiscalité internationale, notamment par l'intermédiaire de son Modèle de convention fiscale. Ce modèle sert de référence pour la rédaction des conventions fiscales bilatérales, en visant à éviter la double imposition et à prévenir les abus fiscaux.
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Le droit communautaire européen : Pour les pays membres de l'Union européenne, le droit communautaire a également un impact significatif sur la fiscalité internationale, en harmonisant les règles fiscales pour le marché intérieur et en veillant à la non-discrimination des entreprises et des citoyens au sein de l'UE.
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Les décisions judiciaires internationales et les tribunaux fiscaux : Les jurisprudences internationales, y compris celles du Tribunal arbitral international ou du Tribunal européen des droits de l'homme, influencent également l’application des principes fiscaux au niveau global.
B. Principes de Base en Fiscalité Internationale
La fiscalité internationale repose sur plusieurs principes fondamentaux qui régissent l’imposition des revenus et des biens au niveau transnational. Ces principes sont généralement reflétés dans les conventions fiscales internationales :
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La double imposition : La double imposition se produit lorsque deux pays (le pays de la résidence et le pays de la source) imposent le même revenu ou bénéfice. Pour éviter cela, les États concluent des conventions fiscales qui attribuent le droit d'imposer certains types de revenus, comme les dividendes, les intérêts ou les revenus de travail.
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La résidence fiscale : Un principe fondamental du droit fiscal international est que chaque individu ou entreprise est généralement soumis à l'impôt dans le pays où il est considéré comme résident fiscal. Cela signifie que les revenus mondiaux d'une personne ou d'une société peuvent être soumis à l'impôt dans le pays de résidence. Cependant, cette règle peut être modifiée par des conventions fiscales internationales.
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La source des revenus : Un autre principe clé est celui de l’imposition en fonction de la source des revenus. Certains types de revenus, comme les dividendes ou les revenus immobiliers, peuvent être soumis à une imposition dans le pays où la source des revenus se trouve, même si le contribuable est résident d'un autre pays.
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La non-discrimination : Les conventions fiscales internationales, et notamment le droit de l’Union européenne, interdisent les pratiques fiscales discriminatoires. Cela signifie qu’un pays ne peut pas imposer un contribuable étranger plus lourdement qu’un contribuable national, sauf si cela est justifié par des raisons spécifiques (par exemple, une différence de traitement pour les entreprises étrangères).
II. Les Conventions Fiscales Internationales
A. Les Objectifs des Conventions Fiscales
Les conventions fiscales bilatérales ont pour objectif principal d'éviter la double imposition des revenus transnationaux, tout en attribuant le droit d'imposer certains types de revenus à un seul État. Ces conventions permettent :
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De répartir les droits d’imposition : Les conventions fiscales définissent quel État a le droit d’imposer chaque type de revenu, en privilégiant souvent l'État de la source pour certains types de revenus, comme les dividendes ou les intérêts.
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De prévoir des mécanismes de réduction de la double imposition : Les conventions fiscales prévoient des mécanismes pour éliminer la double imposition, notamment par le biais du crédit d'impôt (un mécanisme permettant au résident de déduire l'impôt payé dans le pays source) ou de l'exonération.
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De prévenir la fraude fiscale et l'évasion fiscale : Elles contiennent des mesures pour lutter contre l’évasion fiscale, telles que des règles sur les prix de transfert (les prix appliqués dans les transactions entre sociétés affiliées dans différents pays), ou des clauses de transparence pour garantir un échange d’informations fiscales entre les pays.
B. Le Modèle de Convention de l'OCDE
Le modèle de convention fiscale de l’OCDE est la référence la plus utilisée pour négocier des conventions fiscales bilatérales. Il repose sur la répartition des droits d’imposition entre les pays de la résidence et de la source, tout en mettant en place des mécanismes pour éviter la double imposition.
Le modèle de l’OCDE inclut des règles sur :
- Les dividendes : Le pays de la source peut prélever un impôt limité sur les dividendes, mais l’État de résidence peut accorder un crédit d’impôt pour éviter la double imposition.
- Les intérêts et les redevances : Ces types de revenus sont souvent exonérés d’impôt dans le pays de la source, ou soumis à des taux d’imposition très faibles.
- Les revenus d'activités commerciales : Les revenus provenant d’activités commerciales sont généralement imposés dans le pays où l'activité est exercée, sauf si l’entreprise n’y dispose pas d’un établissement stable.
C. Les Conventions Fiscales en Europe
Pour les pays de l'Union européenne (UE), les conventions fiscales bilatérales sont souvent complétées par des règles européennes harmonisées, notamment en matière de TVA et de droits de douane. L’UE a également mis en place des mécanismes permettant de lutter contre les abus fiscaux, tels que l'évasion fiscale et la planification fiscale agressive.
La Directive mère-filiale et la Directive sur les intérêts et redevances sont des exemples de règles fiscales européennes qui visent à éviter la double imposition et à faciliter les transferts de bénéfices entre les sociétés du groupe à l'intérieur de l'UE.
III. Les Mécanismes de Lutte Contre l’Évasion Fiscale et l'Abus de Droit
A. Les Mécanismes Internationaux de Lutte Contre l'Évasion Fiscale
L’évasion fiscale constitue un problème majeur dans la fiscalité internationale, avec des entreprises et des particuliers qui cherchent à exploiter les failles juridiques pour réduire leur charge fiscale. Les instruments principaux de lutte contre l’évasion fiscale incluent :
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Le BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) : L’OCDE a lancé le projet BEPS en 2013 pour lutter contre les stratégies d’évasion fiscale qui exploitent les failles des systèmes fiscaux nationaux. Le BEPS repose sur 15 actions visant à limiter l’érosion de la base fiscale et le transfert des profits vers des juridictions à faible imposition.
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L'échange automatique d'informations fiscales : Des accords internationaux, comme la norme CRS (Common Reporting Standard) de l’OCDE, permettent aux autorités fiscales d’échanger des informations sur les comptes financiers des contribuables, afin de lutter contre l’évasion fiscale et la dissimulation de biens à l’étranger.
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La lutte contre les prix de transfert abusifs : L'OCDE a élaboré des lignes directrices sur les prix de transfert, qui sont utilisées par les entreprises multinationales pour manipuler les prix des transactions intragroupe dans le but de réduire leur imposition.
B. L'Abus de Droit et la Notion de Planification Fiscale Abusive
Les autorités fiscales internationales et nationales luttent contre la planification fiscale abusive, qui consiste à utiliser des stratégies juridiques et financières permettant d’échapper à l’impôt tout en restant dans les limites de la loi. En droit fiscal, la notion d'abus de droit est un principe qui permet aux autorités fiscales de requalifier des opérations, si elles sont considérées comme ayant pour seul but de réduire l'impôt sans autre justification économique.
IV. Les Défis et Perspectives de la Fiscalité Internationale
A. Les Défis de la Fiscalité Internationale
- Les divergences de régimes fiscaux : Les différences de régimes fiscaux entre les pays compliquent l’application de principes communs et peuvent entraîner des inégalités fiscales entre les contribuables.
- Les pratiques de double non-imposition : Certaines pratiques fiscales permettent d'éviter l’imposition dans les deux pays concernés, ce qui constitue une forme d'évasion fiscale qu’il est difficile de réguler.
- L’harmonisation des règles fiscales : Bien que des efforts aient été faits au niveau international pour harmoniser certaines règles fiscales, des divergences subsistent, notamment dans les pays émergents.
B. L'Avenir de la Fiscalité Internationale
Les récentes réformes, comme les initiatives BEPS et l’échange automatique d’informations, indiquent une volonté de renforcer la coopération internationale pour lutter contre l’évasion fiscale. Toutefois, l’équilibre entre attractivité fiscale et lutte contre l’évasion fiscale reste un défi majeur, notamment avec l'essor des cryptomonnaies et des structures d’entreprises offshore.
L'avenir de la fiscalité internationale réside dans une coopération accrue entre les États et la mise en place de régulations adaptées aux défis du monde numérique.